Atlantiste, néolibéral et libre-échangiste : le Manifesto du Parti Socialiste Européen

par Etiam Rides
mercredi 11 mars 2009

J’évite habituellement de m’en prendre au PS. Non que je me méprenne sur sa nature profonde, mais par compassion pour les 18,52 % d’irréductibles militants de gauche qui continuent à croire qu’ils pourront un jour influer sur l’irrésistible dérive vers la droite de ce parti. Mais quand on voit des tombereaux d’inepties comme celui-là, c’est dur de rester silencieux.

Appréciez notamment l’avant-dernier paragraphe :

Avec ses 220 députés, actifs dans chacun des 27 États de l’Union, armé de son Manifeste authentiquement progressiste, le PSE [parti socialiste européen] est la grande force d’alternance qui peut changer le cours de notre Union et être ainsi au rendez-vous de l’Histoire.

Un texte atlantiste et néo-libéral

Comme le note Jean-Luc Mélenchon sur son blog, ce texte authentiquement progressiste considère notamment que :

"L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne rendrait l’Europe mieux à même de relever les défis communs de façon démocratique, transparente et efficace (p. 10)" (on aimerait bien savoir ce qu’en pense Benoît Hamon, autrefois partisan du non au TCE)

- "un partenariat transatlantique fort avec les Etats-Unis" doit être construit (proposition 62). Pour comprendre le sens de cette formule un peu vague, il faut lire les projets votés par le PSE (dont les Français) avec la droite, et qui appellent à la création d’un "marché transatlantique sans entrave à l’horizon 2015"

- "Le développement des initiatives de l’Union européenne pour sa défense doit faire l’objet d’une coordination avec l’OTAN". (proposition 55), ce qui n’est pas étonnant puisque le traité de Lisbonne pose que, pour les Etats-membres, "l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord [est] [...] le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en oeuvre." Nicolas Sarkozy applaudit des 2 mains. En revanche, c’est l’avis de Ségolène Royal qu’on aimerait bien avoir.

Un texte tellement honteux que le PS français en a bidonné la traduction

Mais si le Manifesto du PSE se limitait à ces mesures institutionnelles et internationales, ce serait un moindre mal. Or ce texte est une telle décalque de la politique néolibérale de l’Europe que le PS français a sorti une traduction cosmétique du document en anglais, signé par les partis sociaux-démocrates européens.

Comparez plutôt :

Dans la version française, le PSE propose un accord "prévoyant l’établissement d’un salaire minimum décent dans tous les Etats membres". Dans la version originale, plus question d’une ébauche d’Europe sociale. Le texte porte : "European pact [...] setting out the need for decent minimum wages in all EU Member States,". En français, "un pacte européen [...] formulant le besoin de salaires minimum décents dans tous les Etats-membres de l’UE". Savourez la différence entre le pluriel (un salaire / des salaires) et l’écart sémantique (établissement / formulant le besoin). (proposition 16)

De même, dans la version française, les socialistes européens nous disent : "nous agirons pour la fixation d’une durée maximale de travail décente". Dans la version originale : "we will work to promote decent working time", ce qui se traduit par : "travailler à promouvoir des horaires de travail décents", ce qui est moins vendeur, je vous l’accorde. (proposition 19) Le moins qu’on puisse dire, c’est que le texte est très modérément progressiste et que sa traduction en français est tout sauf authentique.

Le PS est aux partis politiques ce que la CFDT est au syndicalisme.

Ce Manifesto est n’est que la verbalisation de la politique communautaire depuis trente ans : du néolibéralisme avec des morceaux de bons sentiments pour consoler les citoyens. Alors que les idées néolibérales refluent enfin, y compris chez leurs thuriféraires les plus hystériques, l’aile gauche du PS n’a jamais été aussi marginalisée. Alors que la finance s’effondrait, il ne s’est trouvé que 18,52% de militants socialistes à l’automne dernier pour voter la motion Hamon. Puisque les idées de gauche n’ont pas émergé maintenant au PS, elle n’émergeront jamais.

Le PS est désormais aux partis politiques ce que la CFDT est au syndicalisme. Comme le néolibéralisme, le PS n’est ni amendable, ni moralisable.

En tout cas, le 7 juin, je sais pour qui je voterai.
 

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