Atom Heart Fucker (saison 1)

par morice
mercredi 18 juin 2008

Et nous voilà reparti vers le tout-nucléaire... On le sent bien en ce moment, non ? Jamais lu autant d’articles de presse sur la pénurie prochaine de pétrole... Ou de son inaccessibilité financière, et en même tant ceux sur les bienfaits... du nucléaire. On a même un beau symptôme, celui du journal de Bolloré, appelé Direct Soir, qui n’en finit plus de cirer les chaussures présidentielles. Et ce jour-là, justement, ce 27 mai, juste après l’article sur le décès de Sydney Pollack, il y a un bidule comme sait le torcher à la commande le fameux gratuit du soir, qui aura mis deux ans à s’apercevoir qu’il s’était trompé de format de papier. Ce soir-là, en effet, c’est un pompon de très bonne facture, car c’est glissé à l’article marronnier qu’on vous a déjà décrit ici-même. Celui des "inventions", articles faits au gré des connaissances de la direction, à savoir les Jaguar, les sacs Hermès ou les chemises Lacoste. Or, aujourd’hui, c’est "l’énergie au cœur de la matière"... qui ne parle que du nucléaire... sans mettre en titre le nom, admirez la prouesse sémantique ! On vous a dit qu’il s’agissait de propagande et non d’information, dans ce journal sans saveur et sans odeur, cette fois encore c’est flagrant. Sur le nucléaire, on a toujours cherché à tromper les gens, et ça recommence. Dans les grandes largeurs. Retour direct, le soir, aux années 50.

Un retour à la désinformation pure et simple, comme on peut le lire : "Pour produire la même quantité d’électricité, le nucléaire émet cinquante fois moins de CO2 que le charbon, vingt-sept fois moins que le gaz naturel, et même moins que l’éolien..." peut-on lire abasourdi dans les colonnes du journal de Bolloré. On ne savait pas que le brassage de l’air fabriquait du CO2, va falloir déposer le brevet de la part de Direct Soir. Et comme ça ne suffit pas, on rajoute une couche un peu plus loin : "A l’heure où toutes les places boursières s’affolent de voir le baril de pétrole dépasser allègrement les cent dollars, l’atome, de son côté, possède l’avantage de ne pas être lié aux fluctuations du cours de l’or noir, comme l’est par exemple le gaz naturel. Et dans le coût de revient de l’électricité nucléaire, la part du combustible (uranium ou plutonium) est minime, et son prix est stable". A croire que la France fait marcher ses centrales avec de l’uranium ou du plutonium non importé ou trouvé sous le sabot de ses chevaux... et rien sur la filière ratée des surgénérateurs. Car on arrive assez vite à la phrase centrale de l’article qui a déclenché la commande de ce dernier : "Ce matin, Nicolas Sarkozy a déclaré qu’il fallait ’mettre le paquet sur les énergies nucléaires’".

Et pour mettre le paquet, tous les moyens sont bons, y compris un coup de fil à un prêteur de yacht détenteur d’une presse cireuse privilégiée des bottes du pouvoir en place. Evidemment, on en profite au passage pour brosser allègrement Areva, mais on s’aperçoit très vite que rien n’a été dit dans le papier sur les dangers du nucléaire. Oh, on a bien Hiroshima de cité, mais pour dire que c’était la guerre et rien de plus. On va même jusqu’à oser à propos des déchets un sidérant "En France, ils sont triés, les plus dangereux d’entre eux sont vitrifiés (ce qui les isole de l’environnement extérieur) et stockés sur des sites ventilés et surveillés. Ces déchets occupent un faible volume et, pour 90 % d’entre eux, la filière de gestion est déjà industrialisée." On en reste coi, car la vitrification n’est pas si simple et nécessite un refroidissement avant enfouissement... Sans parler des transports de combustibles irradiés ou des déchets utilisés comme armes et qui jonchent, entre autres, le sol de l’Irak. En fait, cet article flagorneur ne présente qu’une facette, la bonne, celle d’un nucléaire plutôt... radieux, sans jeu de mots, et n’a rien à envier à ce qu’on a pu écrire ou faire faire à certains dans les années 50 et 60, au moment où sont apparues les premières bombes atomiques.



Alors, pour rappeler que le nucléaire ça ne se manipule pas comme des savonnettes, je vous propose un petit tour en arrière sur ce qu’on a pu faire croire à une époque à son propos à plusieurs générations, et qui me semble bien recommencer aujourd’hui encore le même délire... A l’époque, on a fait les pires choses... sans en informer les populations concernées, qui se sont pris sur la tête les pires radiations existantes. Un rapport méconnu de l’Assemblée nationale de 2000 en fait pourtant le tour, exposant clairement les faits et leurs conséquences. Il nous rappelle qu’en matière de nucléaire, on a toujours été maintenu dans la méconnaissance ou dans la propagande éhontée. Et aujourd’hui que nous avons un président ouvertement disséminateur de nucléaire, il serait bon de s"y replonger. Le nucléaire est l’endroit où on a le plus... menti à la populace.

En septembre 1954, les Russes font exploser une bombe atomique de 20 kilotonnes au-dessus de Totsk, dans l’Oural. 50 000 militaires vont s’exercer quelques minutes après l’explosion, à 3 km à peine de son emplacement. Koubichtchtev (Samara) est à peine à 130 km, Orenbourg à 160 km. Le nuage radioactif enveloppe les deux villes, soit plus d’1 million de personnes touchées. C’est le début d’un cycle infernal d’expérimentations. En fait, pendant 40 ans, le polygone de tir de Semipalatinsk, au Kazakhstan, va servir à toutes les expérimentations imaginables, au mépris le plus total des mesures de sécurité des populations. La bagatelle de 466 bombes atomiques y seront testées au total ! Le 15 janvier 1965, une explosion de 140 kt créera un lac, le lac Chagan, de 408 m de diamètre pour 100 de profondeur. L’explosion qui devait rester souterraine s’est tellement mal passée qu’on a détecté des radiations jusqu’au Japon ! Les Russes en fait ne faisaient que répéter ce que venaient de faire les Américains avec leurs tests du projet Sedan de 104 kt. Les deux projets similaires consistaient à se servir d’explosions nucléaires "civiles" pour réguler le lit des fleuves ou déplacer des millions de m3 de terre en une seule fois. L’excavation nouveau style, fini les pelleteuses géantes ! On y songeait même, aux Etats-Unis, pour fabriquer un deuxième canal de Panama  !! En fait, on va y songer jusque dans les années 70. "Field operations were terminated in July 1969, but data evaluation continued until June 1970. The engineering feasibility study was presented to the study commission in August 1970. This commission terminated its five-year study and forwarded its report to the President on November 30, 1970 [dated December 1, 1970]. The 1970 final report recommended, in part, that no current U.S. canal policy should be made on the basis that nuclear excavation technology will be available for canal construction. Concerns included the formidable problem of removing existing populations in the canal zone, and the possible damage to the environment from nuclear explosives". Les Panaméens respirent, ils ont failli de peu être irradiés. L’IAEA n’y a mis les pieds qu’en 1993, au Kazaksthan, puis en 1998. Sans ruer pour autant dans les brancards. Et sans trop se soucier semble-t-il du nombre élevé de cancers de la région ou du musée des horreurs de la maternité d’Astana, qui expose dans des bocaux des fœtus informes dignes du laboratoire du Dr Mabuse. Les journalistes du New York Times paraissent eux plus curieux, et remettent un article alarmant sur les zones contaminées et l’eau qui y circule. A Semipalatinsk, où on ne s’embarrasse toujours pas de radiations, on trouve aujourd’hui une base de Mig-31... à côté d’un dépôt de chars ayant servi aux expérimentations. Et ce qu’il y a de plus notable dans la région, c’est... un monument dédié aux victimes des expérimentations. Sans aucune liste de victimes. Elle serait bien trop longue.

Les Américains ne sont pas restés en retrait de ses infâmes expérimentations, on l’a déjà vu. A voir de satellite le site principal des explosions nucléaires américaines, dans le Nevada, à Yucca Flat et Frenchman (?) Flat, on se dit que ce ne peut être guère mieux. Le paysage est un véritable gruyère. Plus de trente ans après les faits, on apprenait que 204 essais nucléaires avaient été dissimulés aux yeux de la population. La plupart sur le même site, et ce à peine à 100 km de Las Vegas ! L’expérimentation dans les atolls du Pacifique n’étant guère mieux gérée : le 1er juillet 1946, l’explosion de Bikini lance la mode des explosions spectaculaires, destinées à rassurer le grand public (?). Pour ça, on montre aux caméras des marins ou des soldats posant sans protection autre que des lunettes noires face aux champignons gigantesques, quand ce ne sont pas des tirs au "canon atomique". Ou, dans le Nevada toujours, avec l’incroyable " Davy Crockett" de 1962, le "mortier nucléaire tactique", où l’on peut voir les soldats restés à quelques centaines de mètres de l’impact, inconscients (l’engin n’avait que 3 miles de portée !). Ce que d’aucuns appellent déjà les "mini-nukes", et qui seront vite abandonnés, les attaquants subissant autant de rayonnement que les attaqués ! Les gens, dans les cinémas, sont bluffés, mais les cobayes vivants s’en sortent beaucoup moins bien : les leucémies se déclarent, certains doivent être amputés, les membres déformés par le rayonnement, la peau ravagée par le cancer. Militaires et cameramen restent à la pelle sur le carreau. Sans que le public ne le sache. Et ne sache aussi que c’est près de la moitié centrale du pays qui a été irradiée ! Tout ce que nous apprennent les films de propagande, ce sont les différentes formes de bombes existantes ! Dans le genre "on contrôle tout, soyez rassurés" ce film précis est un must. Or, en 1966, le 17 janvier, en Espagne, à Palomares, un B-52 qui s’encastre dans son KC-135 ravitailleur va remettre cette certitude en cause : quatre bombes non armées s’écrasent au sol, deux explosent sans provoquer d’apocalypse (mais répandent leur plutonium radioactif), l’une tombe dans une rivière et la dernière... dans la Méditerranée, d’où elle sera repêchée 80 jours après... un peu trop intacte au goût de certains, qui y ont vu une opération de couverture pour faire taire les critiques mondiales sur le survol de pays par des bombardiers nucléaires. Deux ans plus tard c’est à Thulé, au Groenland qu’un second B-52 s’écrase avec à nouveau 4 bombes H à bord. Officiellement, tous leurs morceaux auraient été retrouvés. Officieusement, on scrappe la neige et la boue sur quelques centaines de m2 et on met ça dans des fûts, direction inconnue. Sur Bikini, on expulse les populations indigènes, pour les faire revenir... comme nouveaux cobayes dès les années 60. Les zones ont été "décontaminées", paraît-il. Tellement bien qu’en 1978 on est obligé d’évacuer à nouveau l’atoll. Les crabes des cocotiers font exploser les compteurs Geiger des scientifiques venus vérifier à nouveau le degré de contamination. Quant aux nuages du Nevada... on en retrouve des traces jusqu’en Angleterre, comme l’atteste une étude datant de 2004. Le même coup que le nuage de Tchernobyl, censé s’être arrêté à la frontière de la France... Aux Etats-Unis, on va plus loin encore, même, en allant jusqu’à proposer à des prisonniers de se faire irradier monnayant quelque remise de peine ou 200 dollars afin de tester la résistance à une hypothétique attaque russe... en 1945, en vidant les camps, les Américains semblent avoir récupéré à leur service des disciples de Mengele. Et n’hésitent pas à faire des expérimentations humaines. Ce n’est pas mieux que d’envoyer des militaires russes sur les lieux mêmes de l’explosion, ou de ne pas avertir les populations des expérimentations aériennes.

Et ce n’est pas fini, car la France et d’autres pays (l’Angleterre, l’Afrique du Sud, l’Inde, le Pakistan et la Chine) ont aussi participé à la contamination générale, sans qu’on ne sache à quel point, en découvrant récemment les irradiés des atolls de Muroroa ou ceux de Reggane. Le total des essais nucléaires déclarés dans le monde de 1945 à 1998 se chiffre à 2 055 explosions, dont 520 aériennes (Etats-Unis : 1 030, dont 215 aériens - URSS : 715, dont 216 aériens). La France en a réalisé 210, le dernier datant de l’ère Chirac, le 27 janvier 1996 à Fangataufa. L’irradiation de la planète a commencé bien avant Tchernobyl, au fond des océans subsistent des cœurs de centrales nucléaires de sous-marins. L’atmosphère terrestre a véhiculé pendant des années des radiations pendant qu’on nous racontait qu’il n’y avait aucun danger. Il semble bien qu’on soit aujourd’hui reparti vers un nouveau cycle de propagande sur le nucléaire, qui ne présenterait à nouveau que des bienfaits et aucun désavantage. A voir pourtant la construction du nouveau réacteur dont la France vante les mérites partout dans le monde, on est en droit d’avoir quelques inquiétudes. C’est ce que nous verrons dans un prochain épisode... ou une prochaine saison, comme on le dit de nos jours.

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