Au hasard d’une injonction rebelle

par Fabienm
jeudi 25 avril 2013

Je n’en peux plus de recevoir des ordres toute la journée.

Je précise que je ne parle ni de mon chef, ni de ma femme (sait-on jamais). Ça fait bien longtemps qu’ils ont tous deux abandonné l’idée de me voir obéir, ou ne serait-ce que comprendre leurs desiderata – je fais plutôt dans le desideraté.

Je les soupçonne même d’espérer secrètement qu’une illumination viendra me percuter un jour (ou un bus au choix), que l’esprit saint descendra sur moi (genre fausse route divine) et me transformera (un peu comme dans le film « Didier », à part que là ce serait un singe qui se transformerait en homme – version adulte et responsable).

Bon, on serait évidemment en pleine utopie, mais soyons clairs, je ne parle pas de ça. Je parle plutôt de ces injonctions sournoises et plus que subliminales que l’on reçoit dans la tronche toute la journée, pour peu que l’on allume sa télé, sa radio, que l’on écoute une discussion de comptoir (qu’est-ce que tu fous au comptoir aussi, me direz-vous, t’es pas un peu con, ajouterez-vous encore à juste titre ?) ou même que l’on se balade dans la rue les écoutilles ouvertes (et pas seulement pour mater la bourgeoise qui promène son clébard pathétique jusqu’à l’absurde).

On va pas faire dans l’exhaustif question liste de ces injonctions, mais quand même savoir qu’il faut manger 5 fruits et légumes par jour – j’ai dû réduire la dose bordel – ça vous change un singe. Bon, après il faut éviter de prendre le volant en ayant bu (alors que dans mon cas, statistiquement, j’ai bien plus de pratique en étant bourré que à jeun, ce qui rend ma conduite beaucoup moins hasardeuse sous 3 grammes – question d’habitude), il ne faut pas manger gras et sucré entre les repas (c’est bien simple, maintenant je ne mange plus que des fruits sans sucre pendant l’heure officielle du déjeuner ou du souper), et ne pas oublier de se brosser les dents après (perso, je mets le dentifrice directement sur la banane, ça va plus vite et c’est développement durable – au moins pour la planète, pour la gencive c’est pas gagné).

Et là, y’a juste cinq minutes, je tombe sur un article de yahoo.fr – une sorte de comptoir du net, en moins mousseux – qui m’explique que je dois courir 40-45 minutes maximum pendant mon jogging, sinon je ne maigris pas. Hé oh, vous allez arrêter de me faire chier ou quoi ?

Déjà, qui vous a dit que je courais pour maigrir ? J’ai le droit de courir juste pour respirer un peu d’air frais, me ressourcer, aspirer un peu de nature par les narines, faire semblant d’être sportif, renifler le cul des chiens et même parfois de leur maîtresse pour les plus consentantes ?

Est-ce que j’ai le droit de mettre mes baskets juste parce que je les ai achetées (et qu’elles ont un joli logo), même si j’ai oublié pourquoi depuis ?

Est-ce que j’ai le droit de faire un truc qui sert à rien (genre voter en y croyant ou partir au ski sans manger de raclette) ?

Est-ce que j’ai le droit de faire un truc sans réfléchir à la raison pour laquelle je le fais (genre ça change de d’habitude me souffle-t-on dans l’oreille droite) ?

J’ai le droit de me lever du pied gauche parce que ça m’amuse (et de te foutre le droit dans la tronche par pure plaisir – je parle au connard qui me dit que je dois courir que 45 minutes) ?

J’avoue en avoir assez de faire des trucs pour quelque chose en particulier, pour une raison, en pensant à après, à demain peut-être. Depuis quand ce qui nous arrive dans la vie est-il la conséquence directe de nos actes ? Ne sommes-nous pas juste le jeu des coïncidences ? J’arrête pas de jouer au loto et je gagne jamais, c’est bien la preuve qu’il ne suffit pas d’essayer et de vouloir ! Et vlan dans les dents, si ça c’est pas un argument imparable !

Non, je pense que la vérité se situe ailleurs. Je pense que je suis un pion. Y’a quelqu’un là-haut (ou en bas peut-être, va savoir c’est compliqué tous ces trucs mystiques) qui joue avec mes nerfs, qui s’évertue à donner à ma vie une trajectoire imprévisible. J’ai beau freiné, tourné le volant, je vois bien l’arbre se rapprocher (et je crois bien avoir pris le modèle sans airbag bordel, c’est ça de vouloir faire des économies sur tout).

Il est donc temps de changer de paradigme. De rebooter la machine.

A partir d’aujourd’hui, j’arrête de me soucier de ce que je fais. Ou mieux. Je fais tout à pile ou face. Dès qu’une décision se profile, je sors une pièce de un euro (oui, la même qui va dans le caddie Auchan). Et là, je laisse vraiment le hasard décider. Finalement, c’est un peu lui qui nous dirige de toute manière. Alors, autant lui laisser vraiment les rênes.

Bon, 17h30. C’est l’heure de partir. J’ai vraiment rien branlé aujourd’hui.

Stop !

Ma pièce de un euro vite.

Choix Pile : Je vais boire au comptoir.

Choix Face : Je rentre chez moi.

Merde, j’ai foutu où cette putain de pièce ?

Tout le monde a décidé de me faire chier aujourd’hui. Ha merde, je me rappelle. Pfff… elle est dans ma voiture.

Bon, allez, je prends le premier choix dans ma liste.

Le premier qui me dit au comptoir que l’alcool est mauvais pour la santé ou qu’il faut pas que je prenne le volant après, je rentre chez moi.

Direct.

Y’a des moments, ça commence à bien faire quand même.

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