Autisme : réponse ouverte à PsychoMedia Magazine… et à d’autres

par EgaliTED
lundi 30 septembre 2013

Dans son numéro 43 (septembre-octobre 2013) PsychoMedia Magazine consacre une double page à un article intitulé « Troisième plan Autisme : des enjeux bien éloignés de la psychanalyse ». Cet article, rédigé la plupart du temps au subjonctif, vise principalement à contester le bien-fondé du 3è Plan Autisme et des recommandations de prise en charge de l’autisme publiées par la Haute Autorité de Santé, Ce qui ne nous surprend pas de la part de ce magazine que nous avons déjà interpellé (sans réponse) sur un sujet similaire.

Pour résumer cet article, en peu de mots, l'auteur affirme :

1- Les recommandations de prise en charge de l’autisme de la HAS seraient issues d’une démarche idéologique, et non scientifique

2- Les orientations de la HAS auraient été dictés par les associations de parents d’enfants autistes

3- La Ministre Déléguée aux Personnes Handicapées Mme Carlotti est elle-même sous la pression des associations de parents. Ses choix pour le Plan Autisme s’en ressentent.

4- Le but de ce Plan est de sortir l’autisme du périmètre de la santé afin de faire des économies sur le budget de la Sécurité Sociale.

On ne peut que déplorer qu’autant d'opinions erronées, d’erreurs flagrantes et d’approximations grossières puissent être véhiculées par un journal professionnel. On peut comprendre que l'auteur se sente mis en cause dans ses convictions profondes par les recommandations de la HAS et le plan autisme. Néanmoins les faits sont têtus et vouloir que la réalité se plie aux croyances et aux dogmes n’a jamais mené qu'à des impasses. Nous nous devions donc de rectifier les erreurs véhiculées par cet article.

En premier lieu, les recommandations de la HAS pour l’autisme s’appuient sur l'ensemble des publications scientifiques mondiales (512 articles sont cités dans le document de synthèse). A partir de leur contenu, un processus de « consensus formalisé » a été recherché par un large groupe de travail pour en synthétiser les principaux résultats.

Ce procédé de consensus formalisé est clairement documenté sur le site de la HAS, transparent et régulièrement utilisé dans les autres domaine de la santé. Il s'est avéré impossible d’obtenir un consensus parfait sur un sujet aussi polémique, en France, que l’autisme : la méthode employée par la HAS vise à s’en rapprocher en se basant sur des données objectives, factuelles.

Il s'avère qu'aucune publication scientifique disponible n’établit une quelconque efficacité des prises en charge psychanalytiques ou psychodynamiques. Pourtant ces prises en charge sont utilisées à grande échelle en France dans les hôpitaux de jour psychiatriques, les CMP, les CAMSP, les CMPP, les IME depuis environ 40 ans. Aucun des grands noms de la pédopsychiatrie française, (pourtant prompts à publier livres et diatribes anti-HAS dans les quotidiens nationaux ces derniers temps), n'a jamais évalué ni documenté l'efficacité et la qualité de leur travail de manière objective, factuelle. La HAS ne peut en être tenue responsable. Il est naturel que la HAS ait conclu qu’aucune donnée scientifique ne montre une quelconque utilité des prises en charge d'inspiration psychanalytique dans l'accompagnement de l'autisme : c'est la simple réalité.

La HAS a ensuite recherché un « accord d’experts » sur les pratiques à mettre en œuvre sur la base des données factuelles synthétisées. La procédure est transparente et pleine de bon sens. Hélas les experts se sont divisés en deux camps : les psychanalystes défendant leurs pratiques, leurs opinions, leurs dogmes, face aux faits établis objectivement et face aux autres scientifiques, professionnels et associations de familles, soucieux de proposer des pratiques d'efficacités avérées. La HAS a donc constaté l’absence de consensus, et a conclu qu’il n’y a pas lieu de recommander les méthodes psychanalytiques ou psychodynamiques.

Cette démarche transparente et saine donne la priorité au bien-être et à la santé des patients, (les "usagers" de la médecine). Il est surprenant, voir honteux que tant de professionnels s’en émeuvent et s'organisent pour la combattre. S’ils ne sont pas d’accord avec les conclusions de la HAS, personne ne les empêche de mener des programmes de recherche objectifs, factuels, pour tenter de démontrer le bien-fondé de leurs idées. L’une des recommandations de la HAS sur l’autisme était d’ailleurs la poursuite et l’intensification des recherches sur l’autisme dans tous les domaines, des sciences « dures » aux sciences humaines. C’était il y a 18 mois et depuis, rien de probant ne vient remettre en cause ses conclusions, au contraire.

Ensuite, les insinuations tendant à accuser les associations de familles d’avoir influencé la HAS et la Ministre Mme Carlotti sont risibles. Les associations de familles ont été conviées à participer aux travaux de la HAS en tant qu’usagers du système de soins et de prise en charge. C’est bien normal, et il aurait été inique de les en exclure, de ne pas entendre leurs voix.

Qu’aucune association d’usagers participant à ces travaux n’ait souhaité soutenir les prises en charges psychanalytiques pour les autistes, voilà qui est révélateur. Voila qui devrait conduire les promoteurs de ces méthodes à s’interroger : « Comment donc, voilà des décennies que ces méthodes sont pratiquées. Nous, professionnels du Soin Psychique, les mettons en œuvre avec bienveillance et dévouement. Pourquoi donc les familles les rejettent-elles, pourquoi récusent-elles notre travail ? »

L’auteur de l’article de PsychoMédia ne semble pas s'être posé cette question sérieusement. Il n’aurait pu y apporter que trois réponses :

- Soit les familles récusent la psychanalyse parce qu’elles constatent, depuis des décennies, son inefficacité. Elles veulent aider leurs enfants avec d’autres méthodes, « celles qui marchent » comme l’a dit fort justement Mme Carlotti. Comment le leur reprocher ?

- Soit les familles ne comprennent rien à rien et les professionnels savent mieux qu’elles ce qui est bon pour leur enfant.

- Soit les familles rejettent la psychanalyse parce qu’inconsciemment elles ne souhaitent pas la « guérison » de leur enfant « psychotique » - ce qui prouverait alors que les psychanalystes qui accusent les mères ont raison.

Les deuxième et troisième alternatives ne sont évidemment pas assez "politiquement correctes" pour être écrites publiquement. C'est pourtant ce qui continue à être enseigné dans beaucoup de facultés de Psychologie fidèles aux dogmes de « grands noms » comme Maud Mannoni ou Bruno Bettelheim. De ce fait la prégnance de ces idées dans le milieu du « soin psychique » est encore d’actualité. Les parents sont le plus souvent jugés incompétents voire coupables de l’autisme de leur enfant. De très nombreux cas de culpabilisation des mères, de signalements abusifs aux services sociaux, et de thérapies « mère-enfant » voire carrément de psychanalyse de la mère sont rapportés encore aujourd’hui. On pourra par exemple consulter cette « chronique du scandale ordinaire » en cours de compilation par Autisme France. Tant de dogmatisme a de quoi effrayer.

Quant à Mme Carlotti, elle subit bien des pressions, intenses – mais pas de la part des familles… Mme Carlotti a été effarée de constater, en arrivant en poste, le drame épouvantable vécu par les familles. Ces souffrances auraient pu être évitées, si la France avait suivi la même voie que d’autres pays comme le Canada, l’Espagne, les Etats Unis ou le Royaume Uni. Elle a fait manifestement tout son possible pour faire bouger les choses. Mais elle s’est heurtée à la puissance du milieu sanitaire au Ministère de la Santé, qui a empêché toute "révolution" rapide. Ceci explique par exemple qu’on ne mentionne pas les hôpitaux de jour dans le plan autisme. De même, la volonté initialement déclarée de retirer leur agrément aux établissements n’appliquant pas les recommandations de la HAS est finalement absente du plan. La seule avancée est qu’aucun crédit du plan autisme, aucun nouveau crédit donc, n’ira à de tels établissements (contrairement au plan Autisme précédent). Les autres pourront continuer leur pratiques contestables et contestées, sans avoir à rendre de comptes, jusqu'aux prochaines élections... Les détails peuvent être retrouvés par exemple dans cet article.

Reste le 4è point : la sortie possible, à terme, de l’autisme du champ sanitaire. Cette sortie semble naturelle, puisque les seules « thérapies » réellement efficaces aujourd’hui disponibles sont avant tout éducatives. Elle est souhaitée par les associations de familles, qui en ont assez de la dominance écrasante de la psychiatrie, et qui ne veulent plus voir leur enfant en hôpital psychiatrique au lieu de le mettre à l’école. La Belgique a déjà effectué cette révolution culturelle et statutaire en plaçant son Ministère de l’Education aux commandes des prises en charges pour les autistes. Et quand on compare le coût exorbitant de l’hôpital de jour (de l'ordre de 400€ par journée de prise en charge) à celui d’une prise en charge éducative (1500€ à 3000€… par mois) on se dit qu’en effet il y a des économies faciles à faire, tout en travaillant de manière beaucoup plus efficace et utile pour aider les enfants autistes.

D’autant plus que aux vu des études, un enfant autiste pris en charge selon les recommandations de la HAS progressera (généralement) plus vite et ira plus loin qu’un enfant pris en charge en hôpital de jour avec des méthodes psychanalytiques ou psychodynamiques. Beaucoup seront autonomes à l’âge adulte. Et pour les autres, les moindres progrès obtenus permettront un accompagnement moins lourd et moins coûteux. Seuls des blocages idéologiques dépassés empêchent encore notre pays de prendre ce bon chemin.

Ces blocages idéologiques transparaissent dans cet article de PsychoMedia comme dans d’autres « lettres ouvertes » qui paraissent régulièrement sous la plume de psychiatres et de psychanalystes plus ou moins connus. Nous ne pouvons que le déplorer et espérer que les dinosaures finissent par évoluer ou par s’en aller une fois pour toutes, pour laisser enfin le champ libre à nos enfants et à ceux qui savent les aider.

PS : nous signalons par ailleurs à PsychoMedia une omission dans leur encart « Raid a vélo contre les abus psychiatrique » sur la même double page. Une action menée par la Commission des Citoyens pour les Droits de l’Homme y est mise en avant ; or PsychoMedia a omis de préciser que cet organisme est une émanation de l’Eglise de Scientologie, comme mentionné sur leur site internet,


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