Aviation (3) : les boulets à traîner, en premier le chasseur autiste

par morice
jeudi 4 février 2010

L’armée américaine, jadis si vantée, n’est peut-être pas au sommet de son art actuellement. En aviation, c’est symptomatique : on ne cesse d’insister sur le F-22, grâce à tout une série d’articles élogieux et un qualificatif donné dès sa naissance de « meilleur chasseur au monde », mais c’est bien l’arbre qui cache la forêt. La plupart de ces engins volants sont des catastrophes volantes ou des gabegies sans nom. On a parfois construit contre vents et marées et avec une rare obstination des appareils douteux, dont l’Osprey est le meilleur exemple avant que le F-35 ne le remplace au titre d’engin le plus mal conçu. La raison de ses errements on la connaît : pour satisfaire parfois des sénateurs désireux de garder les emplois de la région où ils sévissent les autorités sont devenues frileuses, et sélectionnent systématiquement le projet selon l’emploi à sauvegarder et non selon des critères d’innovations. Tout le monde a en mémoire l’histoire de l’A-12, « Avenger II » superbe aile volante abandonnée au profit d’un SuperHornet biplace de veille radar raté (Wild Weasel), un développement sans imagination d’un avion qui devait être un chasseur léger devenu une vraie brique volante. Quel dommage, pour l’aviation, de voir les lignes simplissimes de l’A-12 restées au stade de simple maquette en bois (*) ! Non, l’industrie militaire américaine, en aviation, se trompe avec obstination, mais continue à absorber des sommes phénoménales pour le faire. Depuis des années, les seules choses qui décollent vraiment, ce sont les budgets alloués à des gabegies véritables, auxquelles le responsable du Pentagone vient de mettre fin... à moitié. L’US Air Force n’est plus que l’ombre d’elle même, et les années à venir vont être difficiles pour elle. Comment en est-on arrivé là, c’est bien tout le mystère de ces trente dernières années. L’URSS est morte de la course aux armements, dit-on : les Etats-Unis, c’est simple, ont aujourd’hui un pied dans la tombe également. Le système est devenu complètement fou, et produit aberration sur aberration.

L’histoire de la naissance du F-22, vous la connaissez déjà, je l’ai contée dans le premier épisode. Des deux avions en concurrence, l’Air Force, en 1990, a choisi le moins cher et pas le meilleur. Et accumulé tout de suite les bévues le concernant. Tout d’abord, un dessin général raté : lorsque le pilote d’essai monte pour la première fois à bord du prototype, on s’aperçoit seulement alors que sa vue vers le bas, sur les côtés du cockpit, est bouchée par les entrées d’air. Il faudra redessiner tout l’avant. Ce n’est pas une calamité pour autant, le dessin d’un avion n’est jamais figé à celui du prototype. Pour alléger l’avion, on lui a fait un train court qui le fait ressembler à un basset. Très court sur pattes, il ingère avec ses réacteurs-aspirateurs tout ce qu’il y a sur une piste, et ne peut se satisfaire que d’un béton consciencieusement balayé avant chaque décollage. L’US Air Force réactive une armée de balayeurs (philippins ?). Imaginez les scènes de guerre en "scramble" (alerte) : des hangars sortent d’abord des balais ! Non, en fait, elle se munit de pick-ups qui font le tour des pistes pour vérifier leur état et ramassent ce qui traîne. Un seul boulon, et hop, un réacteur de moins.
 
La verrière du cockpit va poser assez vite problème : contenant une couche d’or pour absorber le rayonnement radar, elle se compose de plusieurs couches de polycarbonate.... qui se laminent très vite. Donné pour 800 heures seulement, elle ne tient pas la moitié de la route. Il faut la changer régulièrement  ! La verrière et sa fixation, c’est là le problème  : lors d’un essai, le 25 avril 2006, un cockpit reste coincé et les pompiers accourus doivent sortir le pilote en attaquant la verrière à la meule à désincarcérer. Les techniciens planchent depuis pour remplacer tout l’élément. Sans solution. Facture de la désincarcération : 1,28 million de dollars. 286 000 dollars pour la verrière saccagée (200 000 euros le vitrage !), le reste pour un retour en atelier de "peinture furtive", ruinée par les malheureux pompiers... c’est de la peinture au prix de la feuille d’or ! En maintenance, l’avion revient à 44 000 dollars l’heure de vol, contre 30 000 pour le F-15 qu’il est censé remplacer. Il lui faut 30 heures de maintenances diverses par heure de vol. Pour chaque appareil, au total, il faut investir 3 190 454,72 dollars par an rien que pour le maintenir en vol. Sans même qu’il ne quitte l’air ! On comprend pourquoi à l’export ça va être difficile à fourguer : pour l’instant on prétexte qu’on ne peut vendre "l’arme ultime" à un autre pays.
 
Beaucoup plus grave est la découverte en mai 2006 d’éléments fragiles dans la construction. A la suite d’une visite de routine sur les premiers exemplaires, les ingénieurs découvrent que les structures du fuselage central soutenant les deux ailes sont faites d’un titane de mauvaise qualité, qui a été mal forgé (ça se fait sous atmosphère d’argon, le premier a avoir utilisé le procédé étant le SR-71 pour ses parties les plus chaudes !). Le gag, c’est que déjà, pour le SR-71, le titane provient d’un minerai... ukrainien, alors premier fournisseur mondial. Selon les experts, le métal n’aurait pas été assez chauffé. Résultat, il y a un maillon faible qui fait que l’appareil ne tiendra jamais ses 8000 heures de vol... sur 73 modèles fabriqués, 41 doivent être modifiés. Coût de l’opération : plus de 1 milliard de dollars, et un retour en atelier pour les 3/4 de ce qui avait déjà été produit. Bien avant cela, dès 2001, des criques avaient été détectées dans les deux énormes dérives. Au total, en fonctionnement, on a calculé qu’au bout de chaque heure et 42 minutes, un incident grave ("critical failure") arrivait à son bord !
 
Question furtivité, ce n’est pas la joie non plus : les vastes entrées d’air sans "souris" sont des pièges à rayons, et surtout la peinture spéciale chargée en particules métalliques a été souvent mal déposée par les peintres : l’engin est une vraie passoire à détection radar. Or selon les responsables du Pentagone et de Lockheed, l’essentiel de la "furtivité est apportée par la peinture " (? ??). On cherche alors un moyen plus efficace pour l’appliquer, comme on avait fini par faire pour le F-117. Ce sont deux robots qui doivent le faire : Les deux de chez Pratt & Whitney Waterjet, Inc., des dérivés du vieux Large Aircraft Robotic Paint Stripping (LARPS) de l’ Air Force’s Manufacturing Technology (MANTECH), situé à Oklahoma City, à l’Air Logistics Center de Tinker AFB dans l’ Oklahoma. Avant d’être peints ou repeints, les avions sont passés dans un bain de dichlorométhane (ou chlorure de méthylène !). Ça c’est pour l’effet d’annonce. En réalité, des clichés montrent bien que les appareils de série sont peints par une escouade de peintres masqués et non par un robot. Comme pour le collage des tuiles de la navette spatiale, le robot n’y arrive pas. C’est à la main dans un hangar où ne plane pas une poussière. Et ça prend "entre un à deux jours par appareil".
 
Question furtivité pure, sans couche de peinture miracle, ce n’est pas ça non plus. Selon un conseiller de sénateur, le F-22, sous certains angles, "est aussi visible que le dirigeable de Budweiser " . Selon le général en retraite Everest Riccioni, "le meilleur moyen de rendre furtif le F-22 est de fermer les yeux de l’adversaire !" Mieux encore : en 2008, on s’aperçoit après coup d’un grave problème de maintenance, quasi insoluble : l’appareil est, comme tous les avions, bardé de trappes de visite. Sur les appareils russes, on le sait, leur ajustement laisse parfois à désirer... enfin il y a quelques années disons (ici sur un Mig 23 et là sur un Mig-21 !). Sur le F-22, c’est un vrai cauchemar : chaque trappe, pour garder l’aspect lisse de l’appareil, est cernée par l’application d’une pâte spéciale, d’un mastic particulier. Résultat : à la moindre visite, il faut enlever, nettoyer, remettre, boucher et .. repeindre. Comme la peinture est spéciale, en prime, l’opération prend un temps fou et finit par mordre sur la furtivité, les surfaces n’étant plus rigoureusement lisses ! Et tout cela en faisant attention à ne pas passer sur les antennes noyées dans les lignes de l’engin ! Cauchemardesque ! Présentée comme "plug and play", l’opération devient "scratch and paint".
 
L’un des points mis en cause et non le moindre est une vraie catastrophe : c’est la consommation excessive des deux réacteurs. On a fait dans la puissance avec les deux Pratt & Whitney F-119-PW-100 (15,5 KN chacun !), mais ça se ressent : l’avion ne peut utiliser que 73% de son kérosène pour voler et aller se battre. Il en dépense près de 27% rien que pour décoller et se poser. Sachant qu’à bord il y a de la place pour 20,650 livres de carburant (9,3 tonnes), cela représente 2,5 tonnes de kérosène à chaque vol ! Evidemment aussi, avec cette consommation, le goinfre ne va pas bien loin : 700 km seulement de rayon d’action ! Pour faire Dunkerque-Toulon aller retour, il lui faut faire ça !!! Les chiffres de consommation à Mach 1,5, en mode "supercruise" du F-22, donnent 40 minutes de vol maxi (20 aller, 20 retour !). Comparativement, un F-15 ou un F-16, pour aller aussi vite, enclenchent leur post-combution et ne peuvent voler que 7 minutes seulement à cette vitesse.
 
Tout aussi grave encore, c’est l’incapacité de l’appareil à communiquer avec les autres. L’engin est autiste. Le F-22 a un grave problème de "datalink". En ayant voulu protéger l’engin de l’ennemi, on lui mijoté un système de transmissions certes inviolable, mais qui est infichu de discuter avec un autre du même genre ! C’est bien cela le comble dans cet appareil ! Un F-22 ne peut transférer de données à un F-15, un F-16 ou même plus grave encore à un AWACS, même si les quatre font partie d’une mission en commun ! Idem pour le sol ! Le F-22 n’a pas de Data Link-16 (celui de tous les avions actuels, même le Rafale ou le Typhoon), le système qu’ont tous les autres, mais un obscur Intra-Flight Data-Link (IFDL) propre au Raptors seuls : c’est bien d’une totale idiotie ! Il n’y a que depuis quelques semaines seulement que les techniciens ont réussi à le faire causer avec d’autres.. via une station au sol, comme au bon vieux temps du guidage des avions russes sur leur cible grâce à leur contrôleur aérien ! C’est un Battlefield Airborne Communications Node (BACN) de chez Northrop Grumman, un bidule extrait des soutes d’un vieux WB-57 de la NASA, qui sait parler à tout le monde semble-t-il : le relais doit être testé sur un Gulfstream avant d’être transféré sur un drone Global Hawk UAV. Résultat : la septième merveille du monde volante pourra partir en mission avec ces petits copains que si un Global Hawk fait des cercles au dessus du terrain de combat, car, évidemment, le boîtier n’est pas adaptable directement sur le F-22 !!! C’est un système aberrant sinon grotesque !!! Dans le budget du Pentagone, on rajoute une bonne paire de Global Hawks, au cas où. A 123,2 millions de dollars l’unité : l’engin est énorme et bardé d’électronique.
 
Conçu en 1981 et construit en 1988-89, le F-22 a à bord des processeurs d’époque, signé Hughes : des Power PC (66 à bord, tous doublés et affublés de 43 co-processeurs) et des Intel i960 (RISC aussi !) marchant sous 5 volts, les Pentium III sortis en 1999 ne consommant plus que 3,3 volts, et en 2001 passés à 1 volt. Bref, ça chauffe sec dans le nez de l’appareil. En mémoire ça ne fait que 300 mo, et ça affiche 700 MIPS (pour 65 pour le Rafale !). Un conseil fait remarquer : "imaginez si cet engin rejoint la flotte actuelle (en 2001) avec des processeurs qui ont déjà 10 ans d’âge, et qui seront de trente ans dépassés dans le futur : c’est comme si on essayait de faire un tableur avec un boulier." En fait il faut nuancer : la puissance à bord est donnée en 1990 comme étant celle du Cray X-MP de 1988  (le modèle de 1985 était vendu à l’époque 15 millions de dollars pièce !). Résultat, faut refroidir : en fait une partie de la chaleur dégagée est stockée dans un liquide et ne sort par des trappes que lorsque l’avion est au sol, via un échangeur de chaleur  ! L’Air Force a le frigo le plus cher du monde. Le problème de l’électronique vieillissante à bord est quasi insoluble à moins d’upgrader régulièrement : le Tornado travaille toujours avec 128 k de mémoire (de ferrite !) à l’époque où il a été conçu, il n’y avait pas plus puissant. Raytheon en 2003 avait empoché 55 millions de dollars pour implémenter ses processeurs upgradés dans les F-22. Cher la puce !
 
L’avion ne tient que fort peu ses promesses : lors de sa mise en service en unités en 2004, on relève 22 points à tenir pour satisfaire au cahier des charges initial. Durant l’année, il ne peut en assumer que deux. Deux ans plus tard, on passe à cinq. En 2008, alors que les premiers escadrons sont formés on en est toujours à un tiers seulement. L’avion ne correspond même pas à ce qu’on attendait de lui il y a vingt ans.
 
Un excellent article résume en beauté le F-22 : "c’est comme l’Osprey, "c’est le syndrome d’achetez-le avant de l’essayer" dit une excellente commentatrice Danielle Brian, du Project on Government Oversight  : "comme ça vous payez deux fois : une fois pour faire un système imparfait, et une autre fois pour en fixer les erreurs". Voilà qui n’est pas sans rappeler les pratiques d’un dénommé Bill Gates... Annoncé par le Pentagone à 150 millions pièce... les 450 unités, l’appareil, redescendu à 184 unités seulement revient donc à 64 540/184 = 350 millions de dollars pièce (237 millions d’euros) ! Il est donc invendable à l’extérieur ! Déjà en 2001, le sénateur Charles Grassley,de l’Iowa, un Républicain, pourtant, nommé à la tête du Senate Armed Services Committee avait fait une remarque aigre-douce sinon cynique sur ce budget. En remarquant que le "Pentagone n’avait même pas d’inventaire précis de ce qu’il avait comme flotte aérienne", alors un ou deux cents de plus.... pour lui, accorder de l’argent à quelqu’un qui ne tient même pas ses comptes était de la pure folie !
 
Autre problème l’armement : outre que ses soutes trop petites lui ont fait fabriquer des bombes de format plus réduit, question missile aussi c’est grâtiné. L’Air Force dispose bien du missile AIM-9X "de cinquième génération", à tuyères contrôlée, pour combat rapproché (calculez le nombre d’avions sans pilote abattus pour le mettre au point !), mais le Raptor ne dispose pas à bord du système informatique pour le lancer ! Et hop, un upgrade de CIP à 50 millions de plus en vue ! Lorsqu’il sera à bord, il faudra aussi songer à implémenter le casque de commande vocale et de suivi ou "Helmet mounted cueing system" (JHMCS), qui, là aussi, ne dispose d’aucun lien avec le cockpit en l’état actuel des choses : c’est bien une gabegie à tous les stades du terme ! C’est de l’irresponsabilité totale !!!
 
Quant à le vendre à l’étranger... seuls le Japon et Israël se sont dits intéressés. Mais là, en plus du tarif, c’est le marketing qui flanche. Le 26 février 2007, lors d’une visite annoncée de six Raptors au Japon... les japonais n’en verront aucun arriver. Partis d’Hawaï pour la base de Kadena, ils n’y arriveront jamais. En traversant le Pacifique, ils franchissent l’IDL, le méridien de changement d’heure (International Date Line). Résultat, leur informatique à bord s’affole et ils sont incapables de garder le cap, et doivent être secourus par des F-15 venus les guider... et aidés par leurs... tankers, visuellement. Pas difficile à retrouver en plein jour : l’avion est cinq fois plus gros, dans le ciel, qu’un F-16. Invisible au radar, peut-être, mais quel gros moucheron ! Pour quelques lignes de code informatique, du type bug de l’an 2000, l’Air Force a failli en perdre six d’un coup, là. Et le Japon ne jamais les voir. S’il veut en acheter, le Pentagone a bien précisé : ce sera avec une version simplifiée de son informatique de bord. Imaginez la flotte aérienne japonaise attaquée par la Chine et clouée au sol car on vient de passer à l’heure d’été... au catalogue, c’est bien beau, mais quand on déballe... un bon vieux Mirage 2000, finalement, de 1978...
 
Des crashs, il y en a eu seulement trois de F-22, avec un seul décès : c’est plus ou moins "rassurant" en 20 ans de carrière depuis le prototype. Un en 1992, avec l’YF-22, où le pilote Tom Morgenfeld s’en était sorti indemne. Celui de l’appareil de tests parti en quenouille au décollage est connu, c’est un crash manifestement dû à une perte de contrôle informatique : quand on dit que l’avion est instable sans ordinateur, c’est visible ici. C’était le 20 décembre 2004, jour où un pilote de la base de Nellis avait raté son décollage : les appareils avaient été confinés au sol pendant plusieurs semaines, le temps de découvrir le bug informatique responsable de la glissade malencontreuse... l’avion avait eu une rupture totale d’alimentation électrique : l’ordinateur de bord avait déclaré forfait, rendant l’avion incontrôlable. Le pilote s’était éjecté... au sol et s’en était sorti sain et sauf.
 
Le dernier est nettement moins connu (et pourquoi !), il a eu lieu le 25 mars 2009. L’Air force mettra 4 mois pour évoquer le crash. En juillet seulement, ayant reconnu qu’un F-22 s’était bien écrasé, le communiqué de l’Air Force blâmait le pilote, bien entendu, qui n’aurait pas supporté les "G" tentés lors d’une manœuvre. En fait, à l’analyse, il faut constater qu’on y allait fort avec ce malheureux pilote. Jusqu’au dernier moment, il avait tenté de sauver un avion déficient : conscient, contrairement à ce qui d’abord annoncé, il s’est éjecté en pleine plongée vers le sol, à Mach 1,3, en "dépassant de 165 nœuds la vitesse limite d’éjection" annonce candidement l’Air Force. Au sol, le crash de l’appareil avait fait un trou de 6,1m ce diamètre : l’avion est tombé verticalement, tous réacteurs allumés. Selon l’Air Force, le pilote avait perdu conscience 4 secondes seulement... L’éjection avait eu lieu à 1 899 m d’altitude, à savoir à 1,49 seconde seulement de l’impact  : David Cooley, 49 ans et pilote expérimenté (il était entré dans l’Air Force il y a 21 ans et chez Lockheed en 2003) avait tout fait pour éviter la perte de l’appareil.
 
La question qui demeure est plutôt le pourquoi de la mort du pilote, dans un siège éjectable limité comme beaucoup d’autres à un nombre de Mach donné. Qu’a-t-on ordonné de faire à Cooley que l’avion ne supporte visiblement pas ? Mystère ? Pas tout à fait : le Washington Post affirme le 10 juillet 2009 que le test effectué était celui de l’ouverture à grande vitesse des trappes de bombardement ou de missiles. Ce que l’appareil est censé faire selon son cahier des charges, puisque c’est le seul moyen de tirer sur l’adversaire, à part le canon de bord ! On le savait handicapé, le beau soldat, on le trouve incapable de sortir son épée de son fourreau. On imagine un de ces fameux "combats tournoyants", où, à la poursuite d’un bon vieux Su-27 lourdingue, il perd ses trappes en vol au premier tir de missile... L’affaire Cooley a été évidemment vite classée : ce n’était pas le moment de révéler cette tare fondamentale supplémentaire. En meeting, le F-22 adore montrer l’ouverture et la fermeture de ses trappes (voir ici à 1’ du début). Toujours à très basse vitesse... Un bloggeur propose au sujet du crash de changer le nom de Raptor en "White Elephant".
 
Gag ultime et morbide : conscient des insuffisances criantes de l’éjection sur le F-22 (il n’y a pas de cordon détonateur sur la vitre, elle est trop épaisse !), le Pentagone avait fort discrètement essayé en 1998 un siège éjectable renommé : le K-36D-3.5A, à la base d’Holloman au Nouveau-Mexique. Un siège qui avait déjà sauvé pas mal de vies. Un siège... russe  ! Selon les russes, sur les 12 000 éjections en K-36, 97% des pilotes avaient été retrouvés sains et saufs, à revoler après. Tout le monde a la séquence en tête, à Paris.... Pourquoi ne pas en avoir équipé le F-22 ? Fierté nationale, sans nul doute. Cooley est mort sur un siège amélioré de F-16 signé ironiquement ACES (II). Celui qui avait sauvé la vie à un "Thunderbird", pourtant (remarquez la verrière qui s’éjecte avant !).
 
Dans le communiqué officiel de l’Air Force "tout fonctionnait normalement à bord de l’appareil". Des voitures de la base avaient sillonné le désert autour du crash : à la recherche des trappes perdues ? Ou du siège éjectable... invisible ? Le siège, selon son constructeur, assure la survie à 660 mph (1062 km/h), après... c’est la roulette russe : au-delà en effet, c’est 80% de chance de mourir. Le pilote avait été conduit à l’hôpital ... et était mort après ? Dans quel état était-il arrivé au sol ? Dans un sale état : un article décrit les "multiples traumatismes" reçus : casque broyé par la pression de l’air (?) et les protections des jambes pliées sur le siège ! Détail fort étrange : son parachute ne s’était même pas ouvert ! Cooley était tombé de 1800 m et était encore vivant en arrivant au sol ??? Impossible ! Non, dans ce crash, il n’y a que des choses bizarres... Un cordon de policiers des MP avait interdit aux journalistes l’accès au site. Ce n’était pas le moment de révéler que pour attaquer l’adversaire, le "meilleur avion du monde" devait d’abord songer à... ralentir pour ne pas briser ses trappes !
 
Et que penser d’un avion qui ne protège son pilote qu’à la moitié de sa vitesse maxi ? Eh bien que c’est... la norme ! Pour l’instant, en effet, c’est toujours le Lt. Colonel John Counsell, le recordman du monde : éjecté à mach 1,14 de son F-15 C (lors de son premier vol !) et retrouvé vivant. Mais ayant perdu l’usage d’un bras. Il commente aujourd’hui les meetings aériens des "Patriots". Au dessus de Mach 1, effectivement, ça ne pardonne que rarement... (épargnez-moi ce fake, svp !).
 
Les handicaps de l’appareil sont donc bien visibles, et une preuve évidente est devant nos yeux. A-t-on osé envoyer le F-22 en Irak ou en Afghanistan ? Non ? Pourquoi donc ? D’abord car il n’y aurait servi à rien... il n’y a pas là-bas d’autre "chasseur" ennemi à "chasser" ! Faire un combat tournoyant contre les pigeons, peut-être, fort nombreux, là-bas  ? Bombarder ? Mais avec quoi, il lui faut ses bombes à lui ! Servir de plateforme de renseignement avancé ? Il ne sait causer qu’à lui-même ! Décoller de Bagram ? Vous n’y pensez pas, il faudrait balayer le désert pour ça ! Atterrir à Bagram ? Vous n’y pensez pas, au moindre souffle de vent, avec le sable, sa peinture est à refaire : coût de chaque tempête : 1 million de dollars (ici en Irak) ! Faire une mission de reconnaissance en Iran ? Ok, mais va falloir qu’il remorque sa propre citerne, car deux KC-135 ça n’est pas très furtif (**) ! Servir de plateforme de largage de tracts de propagande ? Vous n’y pensez pas, il serait fichu de les ingérer ! Attaquer à grande vitesse des talibans roulant en moto Honda 250 cm3 ? Vous rêvez, il y perdrait ses précieuses trappes ! Reste comme seul "dogfight" la chasse possible au chien errant dans les rues de Bagdad : ça ne laissera pas plus d’uranium appauvri par terre qu’il n’y en a déjà qui traîne, remarquez.... Il doit bien y avoir une guerre quelque part pour lui, quelque part, mais elle n’existe visiblement plus ! En fait on aurait surtout craint qu’il ne se fasse descendre par une seule balle d’AK-47 mal placée ou qu’il ne tombe tout seul par "critical failure", au bout d’une heure et 42 minutes fatidiques ! Finalement, le seul combat tournoyant qu’il aura fait est celui contre le Sénat américain, le 21 août 2009, et il l’a perdu par 58 voix contre 40. 15 républicains, dont l’ex-candidat à la présidence John McCain, ont voté contre lui. La première défaite historique du lobby militaire depuis bien longtemps ! 
 
Bref, le F-22 est une véritable erreur de casting, tel que le décrit Rachel Maddow et que va s’empresser d’enterrer sur place Robert Gates dans son rapport du 16 juillet 2009 : "Le F-22, pour être franc, n’a pas beaucoup de sens dans le spectre d’un conflit actuel", a déclaré Robert Gates." Néanmoins, les partisans du F-22 lui ont trouvé dans des événements récents un rôle pour élargir la liste de ses missions potentielles. Elles vont de protéger le territoire contre les missiles de croisière maritime ou à, comme un général à la retraite à pu le dire à la télévision, en utilisant le F-22 pour aller contrer ces pirates somaliens qui, dans de nombreux cas, sont des adolescents avec des AK-47 - un travail que nous connaissons déjà, qui est mieux fait et à un coût beaucoup moins élevé par trois Navy SEALs. Ce sont des exemples du farfelu où en sont arrivés les arguments pour défendre un programme qui a coûté 65 milliards de dollars pour produire 187 avions, sans parler des milliers de postes en uniforme de la Force aérienne qui ont été sacrifiés pour arriver à se payer cela ".C’est clair, c’est net : l’appareil est totalement inadapté à la guerre moderne. C’est un prolongement de la doctrine reaganienne qui n’a plus lieu d’être. Conçu il y a plus de 30 ans, ce qui était au départ l’ATF est une erreur de la nature aéronautique, pas moins. Robert Gibbs, secrétaire chargé des relations avec la presse ira aussi loin sinon davantage en affirmant devant les micros que le "Pentagone ne voulait pas de cet avion, le Pentagone ne pensait pas avoir besoin de cet avion".... imposé par les lobbyistes des guerres d’antan, invendable, espèce en voie de disparition, le Raptor au nom bien choisi est bien le dernier des dinosaures volants (merci J.Barbaud  !) !
 
 (*) l’histoire retiendra avec amusement que le plus grand défenseur de l’A-12 Avenger II avait été le secrétaire de la défense de l’époque, un certain Dick Cheney, qui avait mis sur la table 57 milliards pour ... avoir au bout une belle maquette en bois.
 
 (**) Le trajet Bagdad-Téhéran fait pile 700 km, Bagdad-Natanz 698 km : si les Raptors devaient y aller, ce serait avec des "bidons" accrochés sous leurs ailes : sans furtivité !
 

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