Avortement, hystérie et république des juges

par Rémy Mahoudeaux
lundi 27 juin 2022

Rest in peace, Roe vs. Wade. L’arrêt de la Cour suprême des États-Unis d’Amérique qui étendait le droit d’accès à l’avortement à toute la fédération n’est plus, il a été révoqué par cette même juridiction.

L’hystérie s’exporte facilement. Des manifestations ont eu lieu aux USA pour protester contre cette décision. En France aussi, avec pour revendication d’inscrire dans la constitution le droit à l’avortement, d’en faire un droit fondamental. Aurore Bergé, Judas en jupon jadis biberonnée en politique par le catholique Jean-Frédéric Poisson, a annoncé le dépôt d’une loi constitutionnelle en ce sens, approuvée par la Macronie. Toute la Macronie ? Non. Sauf François Bayrou, merci à lui, qui questionne l’opportunité d’une telle mesure : aucun des partis ayant des élus au parlement n’envisage de remettre en cause le droit à l’avortement, et François-Xavier Bellamy se faisait lyncher médiatiquement pour simplement oser dire qu’il faudrait en réduire le nombre. Il faut dire que lancer le mot « avortement » est le plus sûr moyen de déclencher des hystéries collectives, par exemple sur les réseaux sociaux. Une lecture politique possible : la Macronie fera feu de tout bois pour tenter de dégager des consensus éphémères, afin de démontrer sa capacité à gouverner malgré son absence de majorité. L’hystérie made in USA lui en fournit une occasion, mais ça reste de la comm’, de l’apparence qui prévaut sur la substance.

Peut-être que ce droit à l’homicide1 intra-utérin sera effectivement inscrit dans notre constitution. Tant pis pour la cohérence avec l’article 3 de la déclaration universelle des droits de l’homme : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. », ratifiée jadis par la France. En ces temps orwelliens, tous les individus sont égaux, mais certains sont plus égaux que d’autres.

Est-il possible de suggérer publiquement ici de considérer cette nouvelle décision de la Cour suprême pour ce qu’elle est : la renonciation de juges à écrire eux-mêmes la loi qu’ils sont sensés seulement lire pour l’appliquer ? Rendre aux parlements élus de chaque état fédéral le pouvoir de légiférer par eux-mêmes n’est-il pas plus démocratique que d’imposer via une jurisprudence fédérale une loi uniforme ? Bref, aux États-Unis, la « république des juges » recule d’elle-même, consciente d’en avoir trop fait par le passé, au mépris de la subsidiarité structurelle voulue par les pères de leur nation et les institutions de ce pays. Si seulement les très corrompus Conseil d’état2, Conseil constitutionnel3 et Cour européenne des droits de l’homme4 pouvaient en faire de même !

Billet paradoxal, après avoir approuvé François Bayrou (tout arrive), je vais conclure en convoquant les mânes de deux autres personnes bien éloignées de ce que je pense et promeut : le sénateur Jean-Pierre Michel et François Mitterrand.

Jean-Pierre Michel, gauchiste patenté, expliquait : « Ce qui est juste, c'est ce que dit la loi. Voilà, c'est tout. Et la loi ne se réfère pas à un ordre naturel. Elle se réfère à un rapport de force à un moment donné. Et point final. C'est le point de vue marxiste de la loi. » Que ceux qui se plaignent des régressions de l’accès à l’avortement dans certains états se conforment à cette logique particulière, la loi du plus fort, dont ils sont plus naturellement que d’autres les promoteurs.

Et puis François Mitterrand et son « Méfiez-vous des juges, ils ont tué la monarchie. Ils tueront la République.  » Faut-il être tenté de les laisser faire tant notre république est corrompue ? Et pour quoi mettre à la place ? Ou la république n’aura-t-elle pas besoin des juges pour mourir ? Ni fleurs ni couronnes.

 

 

Illustration : Supreme court Cliché Joe Ravi CC-BY-SA 3,0

1Homicide : Action de tuer volontairement ou non un être humain. (Larousse)

2Nomination d’Yves Lévy ; gestion de la crise sanitaire

3Y siègent un repris de justice et un « responsable pas coupable »

4cf. affaire des juges Open society foundation / Soros


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