Banlieues, Sarkozy-Amara : « peut mieux faire »

par Smile Talk
jeudi 14 février 2008

Nicolas Sarkozy dévoile un « plan banlieue » qui se veut global pour, dit-il, assurer une certaine « égalité des chances » entre les quartiers de la République. Ce plan comprend des aspects sécuritaires, préventifs, des programmes de seconde chance et des mesures incitatives.

Le président de la République a raison d’insister sur la nécessité établir la sécurité des biens et des citoyens comme préalable à toute action. Ainsi comment pourrait-on inciter les ménages à s’équiper si les biens d’équipement sont menacés de vols et de dégradation ? Un bien d’équipement est une formule de socioéconomiste pour désigner, comme chacun sait, une voiture, un téléviseur, un ordinateur, un téléphone, un réfrigérateur, du mobilier... Il est impensable, par exemple, d’inciter un couple à acquérir un véhicule qui flamberait le lendemain ou un téléviseur qui encouragerait une visite non désirée dans son propre logement.

L’insécurité génère des zones dites de « non-droit ». Les zones de non-droit se développent à l’abri d’une économie parallèle qui de par nature est illégale. Economie illégale n’est pas une expression pour désigner un petit commerçant sympathique cherchant à dissimuler des recettes péniblement gagnées aux regards aussi inquisiteurs que gourmands du Fisc ; cela désigne une économie de la drogue, de la prostitution, des armes et de la contrebande.

S’il faut en choisir un, la drogue serait pour moi LE mal de notre société. J’entends déjà certaines voix dédramatiser la consommation d’un petit joint entre amis ou d’une gentille extasy lors d’une rave tecktonik. Malheureusement, ils encouragent un commerce destructeur, source de violence urbaine, familiale et d’autoflagellation. Combien de petits larcins et de crimes sordides ont pour origine la drogue ? Je ne suis pas en possession de statistiques précises sur le sujet, mais demeure convaincu qu’un individu à la recherche de sa dose est prêt à tout. Combien de filles se prostituent pour pouvoir acheter leur dose et la consomment pour supporter l’enfer de la prostitution ? L’industrie de la drogue est un monstre qui se nourrit du crime, de la prostitution et finance l’institution de zones de non-droit autant à l’échelle urbaine que planétaire.

Le second volet du plan concerne le volet préventif. Ainsi un représentant de l’Etat sera l’autorité désignée pour imposer le respect des objectifs du plan dans chaque quartier. De surcroît, l’Etat sera à même de régler certaines petites dépenses d’associations en moins de 48 heures. J’avoue que je ne saisis pas l’importance de ces mesures si ce n’est une volonté intéressante :

• de suivi des actions au niveau du territoire concerné en imposant une dose de volontarisme ;

• de fluidifier la relation entre l’Etat et les acteurs associatifs de terrain pour le règlement rapide de situations légères avant qu’une dégradation de ladite situation ne s’opère.

L’intention paraît bonne, mais le concept devra être approfondi.

Le troisième volet concerne les programmes de seconde chance. Le président de la République reste fidèle à ses engagements en confirmant son intention d’accompagner toute personne désirant apporter une contribution constructive à la société. Bien entendu, la philosophie « sarkozyenne » entend par le mot « constructif » une contribution positive au produit intérieur brut du pays. Cela n’empêche que des programmes de recyclage qui permettraient aux personnes exclues du marché du travail d’y entrer sont les bienvenues.

Les mécanismes d’exclusions ne sont, par contre, pas suffisamment approfondis si ce n’est au niveau sécuritaire ; une dose d’accompagnement à l’acquisition d’une certaine « identité nationale » aurait été la bienvenue car l’identité nationale s’acquiert par l’intégration à la nation et non par les charters pour ceux qui cherchent désespérément à y adhérer.

Le quatrième volet comprend des mesures classiques d’aide à la création de l’entreprise. Ce volet manque de vigueur et d’imagination. Les banlieues sont riches dans leur diversité et sont capables d’accueillir des centres d’excellence. Aujourd’hui, les centres d’excellence se consacrent principalement aux biotechnologies et technologies de l’information et de la communication sans parler des bassins désormais traditionnels de savoir aéronautique ou encore automobile. Or, il serait bienvenu de créer des centres d’excellence dans les domaines de la communication et du spectacle au sein des quartiers. Studios, salles de spectacle, écoles de Beaux-Art, musées, opéras et sociétés de production, d’animation et de création se verraient octroyés des avantages et des encouragements si elles installent leurs activités dans les quartiers au sein de centres équipés et sécurisés. Même certaines tours pourraient être recyclées à cet effet car si les tours ne sont pas des logements appropriés, elles restent tout à fait adéquates pour accueillir des entreprises.

Le plan Sarkozy-Amara, couple improbable en politique, reste tout de même positif, mais manque curieusement d’imagination et de volontarisme. Malheureusement, beaucoup des mesures annoncées ont déjà été essayées et des recettes connues génèrent des plats qui ont souvent le même goût. Un de mes professeurs du lycée Lyautey de Casablanca m’avait gratifié d’une appréciation que je remets à mon tour au couple aussi improbable que décevant : « ne peut que mieux faire ».

Smile Talk


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