Bayrou ou Le Pen, à moi de juger, c’est fait, adieu François !

par Bernard Dugué
lundi 20 novembre 2006

Jeudi 16 novembre, France 2 nous a offert un spectacle politique conforme à la culture médiatique de notre temps. A vous de juger : eh bien, j’ai jugé, rapidement, sur le style et sur le contenu. Mon verdict de citoyen qui joue au politicien doué d’intuition, c’est que François Bayrou est éjecté de 2007. Lorsqu’il a défendu le TCE dans les débats télévisés, j’ai compris sur l’instant que le « non » allait l’emporter. Et ce soir, j’ai eu une intuition évidente. Français Bayrou se dirige vers un échec électoral et a complètement raté sa prestation télévisée. Bref, la primaire s’est jouée à la fois au PS et sur France 2.

Premier acte : grand oral

François Bayrou cherche ses mots, manque de souffle, se perd dans des banalités, des questions de politique qui n’intéressent pas les Français. Son concurrent Jean-Marie Le Pen ne peut que briller par sa verve de tribun inspiré, altier, conquérant, sûr de lui, avec des convictions et une machine rhétorique parfaitement rodée. Le Pen sait où il veut nous conduire et trouver les failles de ses adversaires, en sachant appuyer là où ça fait mal, en résonance avec la sensibilité populaire, tout en connaissant parfaitement son sujet. Bayrou n’a montré aucune substance ni prestance, il ne sait pas où il veut nous amener mais il revendique la première place pour conduire l’attelage politique. C’est clair, et ce fut clarifié ultérieurement. François Bayrou cherche à prendre les commandes en se réclamant d’une synthèse entre PS et UMP.

Deuxième acte : l’affrontement

Le duel Le Pen contre Bayrou n’a rien amené de nouveau sauf une mise en tension entre deux hommes et à ce jeu, Bayrou a donné l’image d’un élève poussif et décomposé face à un professeur Le Pen sûr de lui, à la limite du sadisme. Bayrou cherchait ses mots, semblait tel un capitaine dans un canot de sauvetage, incapable de trouver les mots, brouillon, hésitant, inventant des expressions comme maçonnerie judéo-maçonnique ou victime soumise à la victimisation et j’en passe. Complètement déstabilisé, il faisait peine à voir. Ce débat était inutile. Les questions de fond sur la société n’ont pas été abordées. La faute n’en incombe pas à Arlette Chabot mais à l’intention des deux protagonistes de mener un combat de chefs, au cours duquel l’un s’est dévoilé comme un maître et l’autre comme un élève. L’avantage était au plus ancien. Sur la question des harkis, Bayrou a offert à Le Pen un boulevard pour qu’il déboule avec sa cavalerie et le lamine. A se demander si un certain masochisme n’habite pas Bayrou. Quant à Le Pen, son regard d’ogre ne trompait pas. On sentait le prédateur savourant la saisie sa proie.

Troisième acte : le naufrage

Patrick Devedjian et Arnaud Montebourg entrent en scène. François Bayrou ne remonte pas, bien au contraire, il s’enfonce dans son rôle de bizuth, et nos deux compères de mettre la pression. Un François Bayrou parfait dans la « destination » que le destin lui assignée. Attitude puérile. Inaptitude à prendre l’initiative, à occuper un espace et y naviguer. Lors du premier acte, Bayrou se voulait en chef d’attelage, mais en présence de possibles partenaires ; il s’est vu en simple cavalier, à la limite du reniement. Partage du pouvoir, c’est tout ce qu’il a pu proposer, dénonçant les pratiques des deux partis dominants qui monopolisent les postes. Gare ta gueule à la récré si tu ne veux pas partager tes billes, dit François, trouvant scandaleuse la politique bipolaire, passant sous silence le fait que les Etats-Unis fonctionnent tout aussi bien, sinon mieux, avec deux partis hégémoniques en alternance. Bref, nos quatre protagonistes ont joué au maillon faible, et le maillon faible c’était François Bayrou, sous le joug des deux autres qui l’ont complètement englouti, instrumentalisé, alors que Le Pen savourait ce spectacle digne d’un bizutage. On pourra toujours supposer que le président de l’UDF est visionnaire, avec une capacité à innover, mais qu’il a été amené dans un traquenard. Je n’en crois rien. Un présidentiable digne de cette fonction doit pouvoir s’extraire de cette situation et la retourner à son avantage. Bayrou n’aura été que le troisième homme d’un casting médiatique.

Quatrième acte : dialogue de sourds

Il y aura toujours des entreprises qui ouvriront, d’autres qui fermeront. Les Ardennes sont en France. On tient ce scoop de François Bayrou. Sinon, dialogue de sourds entre des Français vivant des situations personnelles en attente de solutions concrètes que les politiques pourraient apporter. Et chacun d’y aller de son explication, de sa théorie, contournant les connaissances basiques de l’économie. Bref, un triste spectacle. Les quatre n’ont guère été à la hauteur, chacun essayant d’être le plus habile pour duper les Français. Et les Français présents sur le plateau : tout aussi prompts à croire que la politique peut résoudre leurs problèmes cas par cas, alors qu’elle devrait changer la règle du jeu en convenant que le jeu n’est qu’un moyen pour parvenir quelque part. Où aller, et comment ? La vraie question politique !

Conclusion

Rien n’a changé depuis des années. François Bayrou n’a pas changé, quoi qu’il en dise. Sa seule conviction nouvelle, c’est que le monde politique va vers une bipolarisation, et les sondages semblent l’attester. Bayrou croit voir dans cette bipolarisation le mal français alors que ce n’est simplement que son propre mal qui se manifeste, la lente agonie de sa formation qu’il tente de conjurer en se servant de la France citoyenne, laissant accroire que le destin de la France est lié au destin de l’UDF et de la personne de François Bayrou. Ce n’était pas une messe mais un requiem. Il est temps de faire le travail de deuil, pour tous ses partisans. Ses chances politiques sont réduites à néant. Elles l’ont toujours été, sauf dans l’esprit de certains agitateurs médiatiques, internautes, iconoclastes d’un jour, activistes d’AgoraVox et d’ailleurs, se prélassant dans un agréable divertissement pascalien, s’inventant des histoires, sans voir en doctes stoïciens des temps hypermodernes que la destinée de François Bayrou est dans les oubliettes de l’histoire. Donc, ne rêvez plus. La partie se jouera à trois. Entre Sarko, Ségo et Le Pen.

A l’attention des lecteurs. L’adieu à François ne signifiant pas la bienvenue à Le Pen, loin s’en faut !


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