Bébés volés : Dictature et Église

par alinea
samedi 5 janvier 2013

« Je suis rentrée dans cet hôpital enceinte et j'en suis sortie seule ».

« On m'a volé ma vie ».

 

Ce n'est pas tous les jours que l'on apprend quelque chose qui nous souffle : c'est ce qui m'est arrivé ce soir en écoutant le magazine de la Rédaction de France Culture.

De 1940 à la fin des années quatre-vingt un nombre incertain de nouveaux-nés ( entre deux mille et cent mille, c'est dire si ça se sait !)) ont été volés à leur mère, dans les maternités ou chez les religieuses.

L'idée première lancée par Franco, était de soustraire aux « Rouges » ( des « noirs », il n'y avait plus) leur progéniture, de manière à les formater aux dogmes fascistes. Il avait noté une « propension dégénérative des enfants ayant grandi dans une atmosphère républicaine » et voulait éradiquer les « gènes néfastes du marxisme ».

Ensuite, le pli étant pris, cela est devenu un marché juteux jusqu'à la fin des années quatre-vingt !!

Des suspicions de quelques-uns qui n'avaient pas digéré leur peine, des soupçons d'enfants, de quelques mots lâchés ça et là, certains se sont mis en quête de savoir.

Au début, une grande partie de ces nouveaux nés étaient placés en orphelinat où ils recevaient une éducation digne d'une dictature fasciste ; d'autres étaient placés dans des familles convenables ! Ensuite, quand il s'est agi d'argent, le choix était moins restrictif.

Ce petit trafic est resté étatisé puisque les parents adoptants n'étaient pas déclarés comme tels : les papiers « étaient en règle » ; l'enfant avait un père, une mère et...basta ! Nulle part aucun soupçon d'adoption.

Au début des années 2000, grâce à un historien et à une journaliste catalane, des recherches ont été effectuées au sujet de « ces enfants perdus ». En 2008, le juge Balthazar Garson s'est penché sur le problème et, par son travail sur les victimes du franquisme, a soulevé ce lièvre ; on sait ce qu'il est advenu de lui !

Mais aujourd'hui encore, la justice refuse de s'en saisir.

Cela n'est pas étonnant quand on sait qu'en Espagne, le corps de la Justice n'a pas été modifié après l'épuration et qu' une grande majorité de juges sont les fils et les petits-fils des franquistes.

Grâce aux médias et surtout à Internet, les victimes se sont « retrouvées » et sinon comptées, ont du moins découvert qu'elles étaient nombreuses.Les premiers parents sont de très vieilles gens, s'ils ne sont pas morts, et les premiers enfants ne sont plus tout jeunes. Quant aux autres, il n'y a que très peu de pistes hormis d'hypothétiques archives religieuses. Leurs certitudes reposent sur des tombes au cercueil vide, sur lesquelles ils se sont recueillis toutes ces années !

Le reportage ne dit pas si les statistiques donnaient beaucoup de mortalité infantile pendant toute cette période mais le fait est qu'on disait aux mères que leur enfant était mort. S'ils demandaient à le voir, « on » trouvait toutes sortes de faux-fuyants pour couper court ; du reste, ces gens étaient des gens de peu, républicains de surcroît !

Cela nous ouvre l'esprit sur un pouvoir totalitaire insensé, et pour tout dire inconcevable.

Nous savions cela en Argentine, nous avons eu vent des orphelinats de Ceauscescu ; nous en fûmes indignés, choqués.

La folie démoniaque d'un pouvoir totalitaire et... tellement aidé par une religion qui a perdu ses papiers de textes fondateurs depuis bien longtemps est, vous me direz, la « une » quasi quotidienne de nos journaux. Une molle habitude se crée, un détachement ou un cynisme pour masquer notre impuissance mais quand même, on a beau savoir que les peuples trinquent, pourquoi cette acceptation, cet oubli, cette indifférence !

Tout procès, dix, vingt, cinquante ans après les faits, m'a toujours paru dérisoire mais aujourd'hui en Espagne, merde, il faut donner un bon coup de balai !

On invoque l' E T A et ses attentats qui ont donné du fil à retordre et d'autres soucis pendant toutes les premières années de la démocratie.

 

Des mères craquent à chaque Noël, dit le reportage...

Aucune des personnes concernées étaient de potentielles mères : des hommes, des nonnes ! Est-ce une explication ou l'ombre d'une excuse à ce réseau politico-religieux ? J'en doute.

 

Il règne un silence assourdissant en Espagne : l'Église, le Pouvoir politique (faible) et l'Armée, tous unis contre le bruit et la fureur que soulèverait l'exhumation de ces crimes.

Au niveau de l'Église, seul le pape pourrait agir comme il l'a fait en ce qui concerne la pédophilie des prêtres ! Car la plupart des victimes et des coupables vivent encore ! Les coupables, on s'en doute, ne font rien pour éclaircir les affaires.

C'est le Pacte du Silence. Et il semblerait que les espagnols ( le peuple) aient d'autres chats à fouetter ces temps-ci.

L' Europe est bien mal fagotée, L' Espagne avec Franco, l'Italie avec Mussolini, l'Allemagne avec Hitler, la Grèce avec ses colonels, le Portugal avec Salazar !! et tout le côté russe, nous avec la collaboration et les autres, plus ou moins parties prenantes des uns ou des autres ! N'y-a-t-il, jamais, aucune leçon à retenir de l'Histoire ? Aucune humilité mais aucune détermination ?

Avons-nous toujours vécu dans une douce euphorie autant que possible et dès que l'assiette est pleine oublier ? Et quand elle est vide, avoir d'autres soucis ?

 

Je comprends mieux ce soir l'élan fou des espagnols dans leur illusion de richesse...

 

Je n'en dirai pas plus, je plongerais dans un mélo plaintif, mais vous ne perdrez pas votre temps à écouter ce magazine


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