Belgique : feu Joe Van Hoelsbeek, parangon des communautaristes

par Guillaume Ribeaucourt
mercredi 26 avril 2006

La mort de Joe Van Hoeslsbeek, tué de cinq coups de couteau parce qu’il ne voulait pas donner son MP3, a suscité en Belgique une vive émotion dans les foyers. Dimanche, 80 000 personnes manifestaient silencieusement, en demandant « plus de sécurité dans les villes ».

Les deux malfrats, qu’on pouvait voir sur des caméras de surveillance, étaient trop basanés pour que soit formulé le moindre doute sur leur origine ethnique : selon une grande majorité dans l’opinion belge, ils devaient être arabo-musulmans, c’était certain. Les débats ont été vifs, sur les forums Internet et dans la presse. Une vague xénophobe était en train d’envahir la Belgique, l’air de rien, sous couvert d’une argumentation sécuritaire.

Notre article paru sur AgoraVox a suscité de vives réactions de la part de certaines personnes qui oublient que la haine et la rage ne peuvent pas faire l’économie du respect du droit. Ces mêmes personnes se sont peut-être retrouvées dans cette marche silencieuse de dimanche, voire dans la marche néo-fasciste de samedi, cautionnant par là-même, les appels à la haine raciale qu’on a pu lire sur les différents forums Internet.

Aujourd’hui, la presse révèle une information qui va provoquer une crise de conscience dont on ne mesure pas encore les conséquences. Il apparaîtrait en effet, que les deux suspects incriminés dans ce meurtre ne soient pas arabo-musulmans, mais bien d’origine polonaise. De surcroît, ces deux individus seraient mineurs, et auraient profité de la complicité de leur famille dans les heures qui ont suivi le meurtre (dans ce cas-ci, l’absence de dénonciation, à la vue des images publiées très rapidement après le drame, constitue bel et bien un fait de complicité, même passive).

Le doute que nous émettions dans notre article à propos de l’origine arabo-musulmane des deux meurtriers présumés, et la dénonciation d’une société devenue totalement paranoïaque, s’exprimant par des comportements d’hystérie collective, se voit donc justifié.

La Belgique, et par la même occasion l’Europe, grandit sur un terreau fait de peurs et d’appels à une justice populaire. On le voit, ces grandes manifestations ressemblent à s’y méprendre aux grandes manifestations de l’Allemagne nazie, qui, dans les années trente, ne suscitaient guère d’inquiétudes. Or, on pourra observer que les amalgames sont légion, et qu’ils sont le signe d’une société qui cherche ses repères, qui cherche ses valeurs. Si les deux meurtriers de Joe Van Hoelsbeek avaient été arabo-musulmans, parions que des scènes de lynchage auraient vu le jour en Belgique.

Les Belges se réveillent, aujourd’hui, avec la gueule de bois. N’empêche, la machine est bien emballée, et les discours des politiciens qui ont suivi cette vague de paranoïa resteront tout de même dans les consciences. Ainsi, bon nombre d’entre eux déploraient le manque de policiers sur le terrain, et affirmaient qu’ils répondraient aux revendications des manifestants en organisant, dès mercredi, une réunion gouvernementale, visant à discuter de toutes ces questions. On ne s’étonnera guère que M. Dewael, ministre de l’Intérieur à la main de fer, se sente pousser des ailes, lui qui prévoyait déjà pour 2007 l’engagement de 3232 policiers supplémentaires. D’autant que selon un sondage réalisé par 7sur7, très peu fiable mais qui représente l’avis de 2180 persones, 70% des sondés sont pour le rétablissement de la peine de mort.

Le peuple aura donc ce qu’il réclame ; plus de sécurité et plus de policiers. Il est difficile de conclure en n’étant pas ironique, tant la situation est d’un tragi-burlesque dont seule la Belgique a le secret.


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