Bertrand Delanoë jetterait-il Paris dans la gueule du loup Microsoft ?
par Jean-Christophe Frachet
mercredi 30 janvier 2008
Le syndrome de Stockholm peut se caractériser par le développement
d’un sentiment de confiance, voire de sympathie des otages vis-à-vis de
leurs ravisseurs et par le développement d’un sentiment positif des
ravisseurs à l’égard de leurs otages.
Il semble bien que tous les éléments soient réunis pour que les utilisateurs de Windows changent encore d’ordinateur pour pouvoir installer la dernière version « Vista », pour acheter Microsoft Office au lieu de télécharger librement Open Office et passer du temps à réinstaller leurs programmes qui plantent régulièrement en ayant l’impression de faire de l’informatique. Et, bien sûr, tout en payant plusieurs centaines d’euros pour racheter ce qu’ils ont déjà payé, combien de version de Windows et de pack office ont-ils déjà acheté ?
L’habitude, le temps passé à comprendre la complexité (inutile ?) de
ces logiciels et la non-connaissance d’autres environnements
informatiques rassurent l’utilisateur qui pense ne pas pouvoir éviter
l’éditeur de Redmond, celui-ci étant devenu hégémonique.
Le 29 janvier 2008, Bertrand Delanoë et Bill Gates signent un partenariat numérique pour Paris.
Ce serait pour former les demandeurs d’emplois aux métiers de l’informatique, mais c’est les obliger à s’acquitter de la dîme pour travailler. Ce serait aussi pour apporter un soutien aux entreprises développant des solutions logicielles en faveur de la protection de l’environnement, mais n’est-ce pas aberrant d’être obligé de changer d’ordinateur parce que Windows est de plus en plus gourmand en ressources informatiques ? C’est une des causes de la pollution informatique et de la consommation électrique grandissante.
Ce serait aussi pour l’administration électronique ? Mais c’est une
nouvelle privatisation du service public alors qu’il existe des
solutions libres. Quant à un “espace sportif numérique”, cela se saurait si la manipulation de la souris était bonne pour la santé.
Quelle mouche a donc piqué Bertrand Delanoë ? Alors que Paris
pourrait être le fer de lance français et international d’une autre
société de l’information, basée sur le partage, l’échange et la
mutualisation, le maire de Paris livre les Parisiens aux griffes du
plus grand éditeur mondial américain.
Les systèmes d’informations, les logiciels et l’informatique ne sont
pas des marchandises comme les autres. Il s’agit de manager la
connaissance, de gérer des informations nous concernant tous et de
moderniser les services publics. Il s’agit d’éducation, d’information
et d’accès à la culture. Les systèmes d’information ont complètement
envahi notre quotidien, internet, réseaux, télévision, téléphone...
Ces systèmes gèrent l’ensemble de nos activités privées, publiques et
professionnelles.
Toute décision dans ce secteur est politique avec des implications dans le court, mais aussi dans le moyen et long terme.
Cette décision de contractualiser avec Microsoft est importante et
c’est un signe vers les autres collectivités et les capitales du monde
entier. Elle a été prise sans aucune concertation avec les élus, les
associations et les citoyens. C’est la négation de la Politique avec un
grand « P » au profit des lobbies.
Soit, le maire de Paris ne mesure pas ce que cela signifie pour le bien commun dans la société de l’information, l’intérêt des Parisiens et pour la rationalisation de l’argent public.
Ou alors il le sait et il vend Paris, certes avec une bonne remise, à
l’éditeur de logiciel américain en le recevant comme un chef d’Etat
comme l’avait fait J. Chirac, pour un bénéfice financier à très court
terme. Ou bien il s’en fiche et fait un simple coup de communication, ce qui
serait bien décevant pour celui qui brigue un second mandat dans une
des plus belles villes du monde.
Faire de la politique, ce n’est pas une liste de courses avec un
savant saupoudrage de mesures afin de satisfaire un peu tout le monde.
Il s’agit d’avoir une réelle direction idéologique, d’avoir des valeurs
et d’agir en cohérence avec celles-ci.
Cette décision est antinomique avec l’intérêt des Parisiens et du service public. Berceau de la Révolution française et du siècle des Lumières, après avoir enfanté la Déclaration de l’homme et du citoyen, c’est indigne de la capitale de la France de faire acte d’allégeance à un multimilliardaire américain, fût-il le fondateur d’une entreprise qui a racketté les utilisateurs d’ordinateurs pendant 25 ans jusqu’à devenir le plus riche du monde.
Bill Gates à l’hôtel de ville de Paris - Le Parisien
Crédit photo : AFP/Stephane de Sakutin