Bibracte au mont Beuvray ? Confrontée aux textes, la grande faillite de l’archéologie française

par Emile Mourey
mercredi 13 juillet 2016

Explications...

I. Bibracte dans les Commentaires de César

En Gaule, la situation était la suivante : "longe principes haberrentur Haedui", les Éduens étaient considérés comme étant de loin les premiers (DBG VI, 12)... "summa auctoritas antiquitus erat in Haeduis", depuis longtemps, l'autorité suprême était aux Éduens (DBG VI, 12). 

"Bibracte oppido Haeduorum longe maximo et copiosissimo", Bibracte, l'oppidum des Éduens, de beaucoup le plus important et le plus riche (DBG I, 23).

C'est une société d'érudits, la société éduenne d'Autun, qui a "inventé" Bibracte au mont Beuvray... un mont Beuvray isolé en pleine forêt, dans un Morvan qui, encore au Moyen âge, ne disposait comme ressources que de ses bois de chauffe et du lait de ses nourrices. Oui, en vérité, il faut vraiment être, encore aujourd'hui, d'une singulière mauvaise foi pour y voir un site non seulement "cops", non seulement "copiosus" mais "copiosissimus", c'est-à-dire d'une très grande abondance.

il est bien évident qu'il faut comprendre "très riche en blé". Tout au long de sa guerre des Gaules, César a eu le souci du ravitaillement de ses troupes. Ce ravitaillement régulier, il ne pouvait le trouver que dans les magasins où dans les silos dans lesquels les capitales des cités stockaient leurs céréales. Or, malgré des fouilles intensives et coûteuses, il n'a pas été trouvé de traces de silos au mont Beuvray, même pas l'ombre d'un grain de blé.

Dès lors qu'on accepte de comprendre, en toute logique, que les champs de blé sont ceux des bords de Saône, en Bourgogne du sud, sachant par ailleurs que le haut lieu de la région était le Mont-Saint-Vincent - les comtes de Chalon y avaient leur forteresse - il n'est pas besoin de sortir d'une école militaire pour comprendre qu'avant d'être la forteresse des dits comtes, elle était celle des Gaulois.

"Éporédorix Haeduus, summo loco natus", l'Eduen Éporédorix, né sur le lieu suprême (DBG VII, 39). Dans une chaumière du mont Beuvray ? c'est absurde ! Ce lieu suprême est l'importante forteresse de Mont-Saint-Vincent que Louis VII a fait raser. Et c'est bien parce que c'était une forteresse comme il y en avait dans le monde gréco-romain, que César lui donne le nom de Bibracte, Bibrax, Bis arx, la deuxième forteresse ; la première étant Nuerax, Nue arx, la nouvelle forteresse, que je situe à Cabillodunum/Taisey (il n'en reste qu'une tour). 

Concernant la phrase de César DBG I, 23, qu'on ne dise pas que j'exagère la richesse de Bibracte ; n'importe quel latiniste devrait savoir que "longe" devant un superlatif en renforce le sens. De même, le superlatif "maximus" ne peut mettre en exergue que la fortification du lieu et non son étendue, terme pour lequel le latin utilise un autre adjectif. D'où le titre de ville murée qu'avait encore le Mont-Saint-Vincent au Moyen âge. D'où l'absurdité de classer les oppidum gaulois en fonction de leur étendue.

Quand, avec sa cavalerie, César prit ses quartiers d'hiver à Bibracte, c'est pour être en soutien et en liaison, depuis le Mont-Saint-Vincent, avec ses légions qu'il avait installées, l'une à Chalon-sur-Saône, l'autre à Mâcon (DBG VII, 90). Et certainement pas dans un lieu aussi éloigné qu'est le Beuvray.

Enfin, quand dans sa poursuite des Hélvètes qui avaient fait demi-tour (itinere converso), il réinstalla ses légions sur le même mouvement de terrain du jour précédent (proximus collis), il faut bien évidemment comprendre qu'il revenait sur ses pas et qu'il se dirigeait, non plus vers l'oppidum du mont Beuvray/Gorgobina mais vers Bibracte/Mont-Saint-Vincent (DBG I, 23). Les fanatiques de la thèse du mont Beuvray ont beau triturer les textes, l'expression "itinere converso" ne peut se traduire que par "leur cheminement ayant été inversé" et non par "obliqué".

II. Un refus de débat particulièrement agressif à mon égard.

Je cite : il n'y a pas de débat possible sur cette question car elle est tranchée depuis belle lurette, vous vous êtes inventé, Monsieur Mourey, une histoire parallèle pseudo-scientifique... où vous fantasmez le petit village du Mont-Saint-Vincent en métropole gauloise et un autre petit village auvergnat en Gergovie... Vous vous inventez aussi une linguistique et des traductions latines pour satisfaire ces rêveries. Je serai franc : personne dans la communauté scientifique ne vous répond car personne n'a à perdre de temps avec ces absurdités. Tout cela n'a aucune rigueur et n'a pas à être discuté sur WP car il s'agit d'un travail inédit sans reconnaissance scientifique aucune (Luscianusbeneditus, contributeur modérateur de Wikipédia, professeur, cf. Bibracte, discussion, 1.7.2013).

« Dans la communauté scientifique, ça fait belle lurette que plus personne ne doute. Ça fait au moins 130 ans que plus personne ne doute de la localisation de Bibracte, capitale des Eduens, mentionnée par César à multiples reprises, sur le mont Beuvray. C'est absolument clair. » (Vincent Guichard, FR3 Bourgogne, 14.4.1999, réponse à mon interview).

« On ne va pas recommencer une polémique d'Alésia. » (Vincent Guichard, France culture, 11.2.1995.)

Aux savantes interprétations (que sont les miennes), les archéologues opposent mille faits objectifs. (catalogue de l'exposition au mont Beuvray, en 2002).

III. Bibracte dans les textes de Strabon.

a. Le malentendu des deux "Dubis", Doubs et Dheune.

Μεταξὺ μὲν οὖν τοῦ Δούβιος καὶ τοῦ Ἄραρος οἰκεῖ τὸ τῶν Αἰδούων ἔθνος, πόλιν ἔχον Καβυλλῖνον ἐπὶ τῷ Ἄραρι καὶ φρούριον Βίβρακτα. (Strabon, géographie, II, IV , 3, 2).

Ma traduction : Entre le "Doubios" (la Dheune) et l'Arar (la Saône) habite le peuple des Éduens. Leur appartiennent la citadelle/place forte de Bibracte (φρούριον) et la ville/cité (πόλιν ἔχον) de Cabyllynum/Chalon, sur la Saône.

Je dis bien : entre la Dheune et la Saône, et non "entre le Doubs et la Saône", ce qui fait dire aux traducteurs que Strabon écrit n'importe quoi. En revanche, ma traduction par Dheune confirme la localisation de Bibracte à Mont-Saint-Vincent et non à un mont Beuvray qui se trouve au-delà.  

Il n'y a aucun doute ; Strabon utilise bien le mot grec "Doubios" pour désigner la Dheune ; les écrits médiévaux permettent d'ailleurs de retrouver l'évolution logique du mot : de Doubios en Dubios en Dubos en Dubina en Duina, puis en Dheune.

Il semble même que le géographe historien grec utilise indistinctement les mots Δοῦβις, Δούβιος, Δοῦβιν pour désigner soit le dit Doubs, soit la Dheune... comme si le Doubs et la Dheune n'étaient qu'un seul et même fleuve.

b. César confirme les deux "Dubis" de Strabon. 

En effet, si le mot latin utilisé par César est bien "Dubis" pour désigner le Doubs, il est précédé dans les manuscrits d'origine par celui de "alduas" ; je dis bien "dans les manuscrits" car dans le texte retenu, on a tout simplement supprimé ou mis entre parenthèse cet "alduas". N'en comprenant pas le sens, on a pensé que c'était une glose rajoutée par un copiste (DBG I, 38). On a eu bien tort. Sachant que "al" est une abréviation attestée pour aliter ou alter et que duas évoque le chiffre deux, deuxième ou les deux, j'en déduis, en toute logique, qu'il s'agit d'une expression équivalente à "alterutrum", l'autre des deux. Il faut donc comprendre qu'en se plaçant à la confluence de Verdun-sur-le Doubs, César voyait à l'ouest, le Dubios de Strabon, alias Dubis (Dubios/Dubos/ Dubina/Duina,la Dheune) et à l'est, l'autre des deux Dubis (le Doubs). (Voyez mon croquis en bleu, en haut). On ne peut pas reprocher à Strabon ou à César un manque de précision. Il fallait comprendre qu'ils nous ont décrit un paysage géographique tel qu'ils le voyaient ou le comprenaient.

c. Du malentendu à la falsification.

Parler de malentendu est un euphémisme. Le terme de falsification me semble plus approprié. Car c'est bien une falsification que les partisans du mont Beuvray ont commise en faisant "obliquer" les Helvètes vers Montmort où aurait eu lieu, selon eux, la bataille. Et cela, alors que César dit textuellement qu'ils ont fait demi-tour (itinere converso, DBG I, 23), littéralement : leur cheminement ayant été inversé, ce qui signifie qu'ils sont revenus sur leurs pas. La bataille de César contre les Helvètes s'explique sur le terrain de Sanvignes comme le nez au milieu de la figure. Mais cela implique que César se dirigeait vers Bibracte/le Mont-Saint-Vincent.

Le Magetobriga de la bataille des Éduens contre les Germains qu'évoquent César et Cicéron se retrouve au Magobrium de Mesvres, mais cela implique, de même, que les Éduens venaient de Bibracte/Mont-Saint-Vincent.

IV. Bibracte dans les discours du rhéteur Eumène.

Alors que dans le reste du monde antique, les archéologues nous révèlent de véritables capitales/forteresses qui perdurent sur les points forts du terrain, les nôtres nous inventent une pauvre Gaule en bois avant que les Romains n'y apportent l'usage de la pierre de construction. Ils imaginent une ville d'Autun fondée par l'empereur Auguste, sur la seule foi de leurs interprétations archéologiques, alors qu'aucun texte ne le dit.

La vérité est beaucoup plus conforme à ce qui existe ailleurs. À Mont-Saint-Vincent, après la guerre des Gaules, l'antique Bibracte est restée capitale mais sous le nom d'Augustodunum, l'oppidum dédié à l'Auguste du ciel. C'est une forteresse de pierre, encore plus imprenable que la ville de Bourges contre laquelle César dressa pourtant une rampe d'accès d'une hauteur jamais vue jusque-là. Autun porte le même nom d'Augustodunum car elle est la colonie de Mont-Saint-Vincent. C'est une ville d'immigration, nourricière et commerciale. Dans son discours adressé au gouverneur de Lyon, Eumène plaide pour les bâtiments de son école (d'Augustodunum/Mont-Saint-Vincent) : « Puisque les empereurs (Dioclétien et Maximien) ont voulu relever cette colonie (Autun, colonie du Mont-St-Vincent) et la vivifier avec les plus grandes et les plus nombreuses ressources de l'empire, il est évident que leur intention est surtout de voir réparer ce sanctuaire de belles-lettres (Augustodunum/Mont-St-Vincent). Cette description ne se retrouve pas à Autun mais à Mont-Saint-Vincent. 

Cet Augustodunum, alias Bibracte, alias Mont-Saint-Vincent, perdurera comme capitale burgonde, puis franque, jusque dans le comté de Chalon, avant de se fondre dans le duché de Bourgogne.

Le plus important était donc de comprendre que la description qu'Eumène donne d' d'Augustodunum, avec ses temples et ses écoles, ne concernaient pas Autun, mais le Mont-Saint-Vincent, antique Bibracte... et cela change toute la compréhension de notre histoire.

V. Plus j'apporte de corrections à notre histoire, plus on cherche à me faire passer pour un farfelu.

Je cite : vous vous êtes inventé, Monsieur Mourey, une histoire parallèle pseudo-scientifique où vous placez les églises romanes dans la Gaule protohistorique sans considération aucune des textes, des méthodes et de la réalité archéologique, où vous fantasmez le petit village du Mont-saint-vincent en métropole gauloise et un autre petit village auvergnat en Gergovie et en même temps en Atlantide...

Voilà bien le dilemme. Mon interprétation des textes d'Eumène m'amène à voir dans l'église de Mont-Saint-Vincent, un temple d'Apollon... un temple à l'image de la description que donne la Bible du temple de Jérusalem. Et au lieu d'y voir une confirmation de ma relocalisation de Bibracte, Wikipédia/discussion y voit une absurdité de plus. De même, quand je situe l'Atlantide dans la Gaule de Gergovie. Et pourtant, ce n'est pas ma faute si, là encore, on a mal traduit le texte de Platon.

Le passage important du Timée est la localisation de l'île Atlantide par rapport au détroit de Gibraltar. Luc Brisson donne la traduction suivante : C'est que, en ce temps-là, on pouvait traverser cette mer lointaine . Une île s'y trouvait en effet devant le détroit qui, suivant votre tradition, est appelé les Colonnes d'Héraclès. Victor Cousin a traduit par "au devant". Je suis très surpris. Si la traduction littérale de l'expression "πρό τοῦ στόματος" par "avant le détroit" paraît s'imposer, elle pose néanmoins problème quant à la position de l'observateur. En effet, pour un grec d'Athènes, cela aurait signifié que l'île se trouvait "avant le détroit" - avant de le franchir - ce qui est en contradiction avec ce que le texte veut dire par ailleurs. Il est très surprenant que Platon se soit permis une telle ambiguité. Après quelques recherches dans d'autres écrits, il apparaît qu'il n'existe pas de contexte où le mot "πρό" aurait pu signifier devant ou en avant pour indiquer un lieu ou une position comme les traducteurs le pensent. En revanche, c'est bien dans le sens temporel qu'on le trouve, par exemple pour dater un événement : avant la peste. On trouve dans le dictionnaire l'expression "προ μεσημβρίας", l'avant-midi. La traduction que je propose pourrait être la suivante : Une île s'y trouvait avant (qu'existe) le détroit qui, suivant votre tradition, est appelé les Colonnes d'Héraclès. Bref, si le détroit n'existait pas, cela signifie qu'en venant de Grèce, les navigateurs n'y trouvaient que le continent apparemment insulaire de l'Espagne et de la Gaule (au temps où Gergovie y régnait).

VI. Au député Christophe Siruge qui, à ma demande, l'interroge sur le bien-fondé de la localisation de l'oppidum de Bibracte au mont Beuvray, Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, répond, en langue de bois, au JO du 11/6/2013, que les questionnements relatifs à la stricte identification de Bibracte au site du Mont Beuvray s'avèrent d'un intérêt accessoire.

C'est ainsi qu'au mont Beuvray, l'archéologue Vincent Guichard continue de proclamer ses fausses interprétations.

C'est ainsi qu'à Corent, l'archéologue Matthieu Poux n'a toujours pas rectifié les siennes malgré les découvertes récentes de son équipe de fouilles.

On ment au peuple en toute connaissance de cause. Depuis la mort de François Mitterrand, aucun, aucune ministre de la Culture n'est venue sur le site du Beuvray. Comme me l'a dit un député du coin, on ne s'aventure pas sur une planche pourrie.

Emile Mourey, 13 juillet 2016

 

Copie à M. le Président de la République

à Mme la Ministre de la Culture

à M. Vincent Guichard, chantre de la fausse Bibracte du mont Beuvray

à M. Matthieu Poux, inventeur de la Gergovie en bois sur le plateau de Corent

 


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