Bibracte au mont Beuvray : une incroyable erreur ! L’honneur perdu des archéologues. La bataille de Magetobriga expliquée par le militaire

par Emile Mourey
samedi 31 décembre 2022

Je cite : Depuis 1984, ce sont une quarantaine de secteurs du mont Beuvray qui ont été explorés, au cours de plus de 300 opérations de fouilles, réalisées durant l'été par les équipes composées de chercheurs et d'étudiants d'universités européennes. C'est beaucoup, et pourtant, cela ne représente que 3 hectares, c'est-à-dire à peine 5 % de la surface totale de l'oppidum. L'essentiel de Bibracte repose donc toujours sous la forêt...(Centre archéologique européen 58370 Glux-en-Glenne)

Vous avez bien lu : des centaines d'étudiants qui creusent des trous puis qu'on rebouche.

Je cite : Il reste encore à Bibracte du travail pour des générations d’archéologues, un temps long nécessaire pour arriver à comprendre totalement les mécanismes de développement de la ville antique, à discerner son organisation et à mesurer le rythme et l'impact de l'intensification des contacts avec Rome et la Méditerranée. Un temps long qui permet aussi aux étudiants en archéologie protohistorique de toute l’Europe de se former sur les chantiers de Bibracte et de bâtir l’archéologie de demain.(idem)

Vous avez bien lu : une archéologie de demain, je rêve...Question : depuis que François Mitterrand a renoncé à se faire enterrer au mont Beuvray, Anne, ma chère Anne, ne vois-tu rien venir ?... Réponse : je ne vois que du rocher et un sol infertile, aucun lieu "copiossissimum" (dixit César), aucune mine d'or, aucune cité primitive enfouie, aucun nouvel Adam, aucune nouvelle Eve.

Je poursuis ma citation : l'extinction de Bibracte au profit d'Autun raconte l'histoire d'un ancien monde abdiquant pour un nouveau. « Une question d'aménagement du territoire, en somme », glisse Vincent Guichard. Alors qu'Autun-la-Romaine optait pour la modernité, Bibracte la Gauloise préféra disparaître sous la poésie des frondaisons. (idem)

Vous avez bien lu : Bibracte, une cité éphemère dont l'histoire s'est arrêtée avec l'arrivée des Romains. Professeur au Collège de France, Christian Goudineau ajoute : Heureusement que nous avons perdu la bataille d'Alésia sinon nous ne serions pas ce que nous sommes... 

Bis repetita placent, oubliée dans les archives des Antiquités nationales, une carte ancienne nous montre près de l'importante ville de Chalon-sur-Saône, une Bibracte en toutes lettres, une Bibracte aux allures de forteresse. Cette forteresse a perduré sous le nom de Mont-Saint-Vincent jusqu'à devenir celle des puissants comtes de Chalon. Plus loin, le mot "Froche" ne peut désigner que la forêt.
 

Voici ma reconstitution du pays éduen.

Le mont Beuvray n'est pas Bibracte, il est le site de Gorgobina, oppidum des Boïens, ce que je dis depuis de nombreuses années. Quant à la bataille de Magetobriga, le bafouillage continue.

Bataille de Magetobriga, l'interprétation du militaire.

Les historiens situent cette bataille en plaine d'Alsace ? Certainement pas ! Il aurait fallu pour cela que les Éduens y soient allés en traversant le pays séquane de Dijon, ce qui ne pouvait se faire sans combat. César écrit en effet que La Gaule était divisée en deux confédérations de peuples. A la tête de l'une se trouvaient les Eduens, à la tête de l'autre, les Arvernes. Pendant de longues années, ils luttèrent les uns contre les autres avec une telle âpreté que les Arvernes et les Séquanes avaient dû faire appel à des mercenaires germains. Il en était passé environ 15 000 en Gaule. (DBG,I,31, traduction E.Mourey).

C'est clair ! Eduens, maîtres de la Saône - le territoire des Eduens va de la Saône à la Dheune/Dubis mais pas plus loin (cf. Strabon) - Arvernes, maîtres de la Loire : deux voies commerciales importantes. Le mont Beuvray est aux Arvernes : Gorgobina, Gergovina sur un autre manuscrit. Il ne s'y trouve qu'une tour de guet "arverne" qui garantit la sécurité "arverne" de circulation jusqu'à la Loire. Dans le conflit qui oppose un pays éduen, ami des Romains, qui veut s'étendre et un pays arverne qui résiste, le militaire le plus ignare comprend aussitôt qu'Arioviste est venu renforcer les Arvernes qui occupaient le mont Beuvray, Gorgobina, alias Gorgovina, alias petite Gergovie ou fille de Gergovie. L'archéologue le moins averti devrait comprendre que, pour prendre la position, l'armée éduenne s'est portée de Mont-Saint-Vincent/Bibracte jusqu'à l'Arroux en empruntant un chemin de crête, hors forêts difficilement franchissables, alias chemin des druides, jalonné de pierres branlantes toutes plus mystiques les unes que les autres. 

Le 15 mars de l'an 60 avant JC, une lettre de Cicéron à son ami Atticus confirme l'affaire.

A. I. 19  Ce qu'il y a en ce moment de plus grave en politique, c'est la crainte d'une guerre dans les Gaules. Elle est déjà chez nos frères, les Éduens, qui viennent de livrer un combat malheureux. Les Helvètes sont sans doute sous les armes et ont fait des incursions dans la Province. Le sénat a décidé que l'on tirerait au sort les consuls qui iront commander dans les deux Gaules, qu'il y aura une levée de troupes, qu'on n'admettrait point d'exemption, qu'on nommerait des ambassadeurs, avec pleins pouvoirs, qui iront dans les cités des Gaules avec la mission de les dissuader de se joindre aux Helvètes. (traduction E. Mourey)

Magetobriga ? Mais voilà bien une preuve de plus de ce que j'affirme depuis des dizaines d'années. Magetobriga, le grand pont, c'est l'antique bourgade de Mesvres, au bord de l'Arroux. Au Moyen âge, elle s'appelait encore Magobrium. Qu'on rajoute le “g” qui a disparu à l'usage et on obtiendra Magobrigum. Voilà le lieu de la grande bataille (2) ! Il se peut même que les Eduens aient été attaqués par Arioviste, de nuit, alors qu'ils se trouvaient encore dans leurs camps de toile. Peut-être même n'avaient-ils pas franchi l'Arroux. 

Et voila que tout s'enchaîne dans la pure et incontournable logique miltaire. 

"Mais où sont les tumulus ? Où sont les armes brisées et perdues ? Où sont les équipements des morts ? La parole est aux archéologues." Wikipédia me donne aujourd'hui la réponse en indiquant à Mesvres : "maison forte des XVe et XVI ème siècles (ancien prieuré), restes d'un camp retranché antique au signal de Notre-Dame-de-la-Certenue, vestiges celtiques et gallo-romains". 

J'ajoute ce qu'Arioviste a dit à César lors de leur face à face dans la plaine d'Alsace : « Ce n'est pas moi qui ai commencé à faire la guerre aux Gaulois (aux Eduens et à leurs alliés), mais le contraire. Toutes les cités gauloises (de la confédération éduenne) qui sont venues dresser leurs camps contre moi pour m'attaquer (au Mont-Beuvray), je les ai vaincues (à Mesvres/Magetobriga). Il m'a suffi d'une seule bataille pour culbuter et repousser leurs troupes (jusqu'à l'Arroux). Si les Gaulois (de la confédération éduenne) veulent de nouveau tenter le sort, je suis prêt à me soumettre une nouvelle fois au jugement des armes. » (DBG I,44) Et César ajoute : « Arioviste avait donc vaincu une première fois (semel) les troupes gauloises à Admagetobriga ; à partir de ce moment-là, il imposa sa volonté ; et il ne dissimulait plus ni son orgueil, ni sa cruauté. » (DBGI,31)

Remarque importante : Si “Semel” est la bataille côté arverne qui s'arrêta au bord de l'Arroux, au pont de Magetobriga, “Iterum” ne peut évoquer qu'une autre bataille.

La bataille de Bibracte à Mont-Saint-Vincent, l'interprétation du militaire.

César écrit (DBG VI,12) qu'après les désastres subis par les Eduens, la partie la plus frontalière de leur territoire avait été occupée de force par les Séquanes. Cette partie — on le devine — correspond à la région des côtes, de Nuits-St-Georges (Vosne-Romanée) à la Cosanne prolongée de l'autre côté de la Dheune par la double muraille de Chassey-le-Camp. Les monts de Sène, côté séquane, de Rome et de Rème, côté éduen, sont des indices toponymiques très sérieux. C'est donc bien dans cette région, aux portes de Chassey-le-Camp jusqu'au Mont-Saint-Vincent qu'il faut localiser la deuxième bataille.

Dans le discours qu'il prononça devant ses troupes à Besançon pour leur remonter le moral avant de marcher contre l'armée germaine d'Alsace, voici ce que César disait des Gaulois (je précise : des Eduens et de leurs clients) : Si la funeste bataille des Gaulois et leur déroute (devant les mercenaires d'Arioviste) inquiètent certains d'entre vous, réfléchissez ! Arioviste avait établi ses camps dans les marécages et il est resté ainsi pendant un grand nombre de mois sans se manifester. Les Gaulois (les Eduens) ne purent le découvrir. Fatigués par une guerre qui n'en finissait pas, désespérant de combattre, ils avaient dispersé leurs forces. C'est alors qu'Arioviste, brutalement, les attaqua. C'est par l'habileté et l'intelligence tactique de leur chef que les Germains ont vaincu, plus que par leur valeur militaire. Arioviste lui-même sait pertinemment que les légionnaires que vous êtes ne se laisseront pas prendre à des ruses qui, à la rigueur, peuvent se révéler efficaces contre des hommes inexpérimentés qui n'ont pas la chance d'être romains...(DBG I,40)

L'interprétation du militaire : Après s'être infiltrés de nuit, les Germains restèrent cachés dans les forêts marécageuses de la région, ce qui en dit long sur leur rusticité et leur discipline. Puis, lorsqu'ils se rendirent compte que les Eduens avaient allégé leur dispositif, brutalement, une nuit, avant le lever du jour, ils se lancèrent à l'assaut des positions éduennes. Les combats dans la vallée, sur les monts d'Agneux, sur ceux de Santenay et de Chassey-le-Camp, sur la voie militaire qui mène à Mont-Saint-Vincent/Bibracte, furent d'une rare violence. Inférieurs en nombre et surpris, les Eduens qui s'y trouvaient se firent tuer sur place, nous n'en doutons pas.

« Tous les nobles cavaliers éduens et tous les membres du Sénat périrent. » (DBG I,31)

Alors, Arioviste, monté sur un cheval insigne, l'œil dur et le sourire narquois, s'approcha de la forteresse de Mont-Saint-Vincent, suivi de son état-major de guerre.
 Le vergobret gaulois vint à sa rencontre et demanda la paix. Les familles les plus distinguées de la cité livrèrent leurs enfants en otages. Seul, Divitiac ne livra pas les siens ; il enfourcha un cheval et, avec eux, il s'échappa. Divitiac d'après ses médailles+

Emile Mourey, Chalon-sur-Saône, 31 décembre 2022. Croquis E. Mourey ; extraits de mes ouvrages. Prochain article : la bataille de César contre les Helvètes.

 


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