Bibracte et la carte de Peutinger, une preuve de plus

par Emile Mourey
vendredi 17 décembre 2010

Non, monsieur le Ministre, Alésia n’est pas à Alise parce que les archéologues le disent (1). Alésia est à Alise parce que César l’a dit, à condition, bien sûr, de lire correctement son texte. Et si des fouilles archéologiques le confirment, ce n’en est que mieux. Non, monsieur le Ministre, Bibracte n’est pas au mont Beuvray parce que les archéologues le disent. Bibracte est à Mont-Saint-Vincent parce que les textes le disent, à condition de les lire correctement (2). Et il n’est pas besoin de faire des fouilles archéologiques pour le prouver car les vestiges sont toujours là et bien visibles (3).

Nous ne vous demandons pas, monsieur le Ministre, d’approuver telle ou telle thèse. Nous vous demandons de retirer au mont Beuvray la caution de l’Etat que votre oncle lui a donnée ; car c’est en se retranchant derrière l’autorité de votre oncle que nos contradicteurs refusent le débat contradictoire que nous demandons.

Professeur au collège de France, titulaire de la chaire des Antiquités Nationales, Christian Goudineau écrit dans l'un de ses ouvrages : « Dès lors, les historiens doivent se poser la question suivante : à 27 km de quelle ville éduenne peut-on trouver un champ de bataille correspondant à la description de César ? », mais lui-même ne répond pas à cette question. Mes ouvrages et articles y répondent : La bataille de César contre les Helvètes a eu lieu à Sanvignes. La veille de la bataille, César se trouvait à 27 km de Bibracte/Mont-St-Vincent. Première preuve.

Les grandes manoeuvres que César relate autour de Gorgobina ne peuvent s'expliquer que si l'on met Gorgobina au mont Beuvray. Deuxième preuve.

César décrit Gergovie avec une précision telle qu'on ne peut que l'identifier à la forteresse du Crest. Il s'ensuit que celle de Bibracte ne peut être qu'à cette image et non à l'image du mont Beuvray. Troisième preuve.

Lorsqu'il prend ses quartiers d'hiver après la bataille d'Alésia, César installe une légion à Matisco/Mâcon, une autre à Cabillo/Chalon. Il est militairement absurde de l'éloigner au mont Beuvray mais logique de le mettre à Bibracte/Mont-Saint-Vincent, près de la Saône et de ses légions. Quatrième preuve.

Strabon situe le pays éduen et la forteresse de Bibracte entre l'Arar (la Saône) et le Dubis (la Dheune) et il dit aussi que le territoire des Arvernes touchait à celui des Mandubiens, ce qui place le mont Beuvray en territoire arverne avant qu'il ne devienne éduen. Cinquième preuve.

Les réponses "langue de bois" des ministres de la Culture Trautmann et Tasca sur la question du résultat des fouilles menées au mont Beuvray et de la conclusion des experts montrent bien leur embarras. Sixième preuve (Assemblée Nationale, JO du 02-07-2001, p. 3835. Sénat - JO du 01-04-1999, p. 1064).

Eumène nous décrit Augustodunum avec des détails très précis. Ces détails, on ne les trouve pas à Autun mais à Mont-Saint-Vincent ; voyez mon dernier article. Septième preuve.

Le seul vestige burgonde signalé par l'archéologie à l'époque de la prise d'Augustodunum par les Francs - le trésor de Gourdon - n'a pas été trouvé à Autun mais au pied de Mont-Saint-Vincent. Huitième preuve et j'en passe...

Neuvième preuve : la capitale éduenne indiquée par la carte de Peutinger n'est pas Autun mais Mont-Saint-Vincent.

On a vu jusqu'à maintenant Autun dans la vignette à deux tours désignée par le nom Augustodunum. Et en effet, la distance indiquée de XVIII lieues pour aller à la première station de Sidotoco (Sidicoto) correspond bien aux 40 kilomètres qui séparent Autun de Saulieu, et ainsi de suite jusqu'à Autessio-dunum (Auxerre). Et on s'est arrêté là.


 La vérité est beaucoup plus complexe. Qu'on examine très attentivement la carte et on s'apercevra qu'entre la vignette à deux tours et la station de Sidicoto, la voie fait un coude supplémentaire inexpliqué. Supposons que la vignette corresponde non pas à Autun mais à Mont-St-Vincent et imaginons Autun justement sur ce premier coude inexpliqué avant Saulieu. Si on lit la carte de cette manière, on constate que le dessinateur a placé de toute évidence le mot Augustodunum de façon qu'il recouvre à la fois la vignette à deux tours et le premier coude de la voie de Saulieu, comme s'il voulait désigner sous ce nom (Augustodunum) deux lieux distincts : la vignette à deux tours (Mt-St-Vincent), et le premier coude de la voie de Saulieu (Autun). Cet indice est capital. Il nous confirme qu'Augustodunum n'était pas seulement Autun, mais aussi et surtout le Mont-St-Vincent.
 Dans ce cas, il faut admettre que la carte indique des distances de cité à cité, mais qu'elle ne mentionne pas celle qui sépare le Mont-St-Vincent d'Autun, probablement parce que c'était une distance à l'intérieur de la cité-double. Cet oubli, volontaire peut-être, minime en apparence, est à l'origine pourtant d'une des plus graves erreurs d'interprétation de notre histoire.

 

Mon hypothèse de la cité-double s'accorde avec les discours du rhéteur Eumène

Dans son éloge/panégyrique de Constance-Chlore, Eumène s'adresse au César : Cette cité des Eduens (Mont-St-Vincent + Autun + Perrecy + Bourbon-Lancy + etc…) au nom de laquelle je dois t'adresser de particulières actions de grâces, cette cité qui t'est entièrement dévouée, a recueilli, comme fruit de ta victoire en Bretagne, une multitude d'ouvriers qui étaient fort nombreux en ce pays ; et maintenant, elle se lève de ses ruines avec la reconstruction des vieilles maisons et des édifices publics et la restauration des temples. Comme tu es son nouveau fondateur, elle croit par là-même que le vieux nom de frères du peuple romain a été rendu à ses habitants.

Dans son discours d'action de grâces à Constantin (Constance-Chlore) prononcé à Trèves, Eumène s'adresse à un Constance-Chlore empereur. En habile diplomate, il plaide pour une réduction d'impôts tout en laissant entendre à son interlocuteur qu'il serait juste et souhaitable qu'il continue la politique généreuse de son prédécesseur à l'égard de sa cité. Ton divin père (Maximien, père spirituel de Constance-Chlore) a voulu relever de ses ruines la cité des Eduens (après la jacquerie bagaude) et réparer toutes ses pertes. Non seulement il a fourni de l'argent et a fait reconstruire les bains chauds (de Bourbon-Lancy), mais il a attiré des colons de tous les pays afin de reconstituer comme la mère unique des provinces une cité (Bibracte etc...) qui, la première, a reconstruit sur l'emplacement des villes (détruites) des villes en quelque sorte romaines (Autun).

Et il termine en disant : Nous n'avons pas craint de prendre ton nom en mettant de côté l'ancien, car Bibracte (Mont-St-Vincent) s'est appelée jusqu'à présent Julia, Pola, Florentia, mais maintenant, c'est Flavie (Autun) qui est la cité des Eduens. (par son prénom, Constance-Chlore, alias Gaius Flavius Valerius Constantius, se plaçait dans la descendance politique de l'ancienne dynastie flavienne).

Dans son discours adressé au gouverneur de Lyon, Eumène plaide pour les bâtiments de son école : « Puisque les empereurs (Dioclétien et Maximien) ont voulu relever cette colonie (Autun, colonie du Mont-St-Vincent) et la vivifier avec les plus grandes et les plus nombreuses ressources de l'empire, il est évident que leur intention est surtout de voir réparer ce sanctuaire de belles-lettres (Mont-St-Vincent).

Il semble qu'Eumène ait voulu exprimer une opposition entre istam coloniam, cette (sens péjoratif) colonie qui ne peut être qu'Autun, et illam sedem, ce (sens laudatif) sanctuaire de belles-lettres qui ne peut être que le Mont-St-Vincent. Ce qui signifie que la capitale éduenne se trouve toujours à Mont-Saint-Vincent, qu'il s'agit toujours de l'antique Bibracte, et qu'Autun n'en est que la ville.

Enfin, dans le quatrième discours/panégyrique pour Constantin Auguste, Eumène s'adresse au futur grand Constantin après la mort de son père Constance-Chlore.

Mon hypothèse de la cité-double s'accorde avec les itinéraires d'Antonin.

Augustodunum se trouve cité une première fois sur l'itinéraire de Lyon à Boulogne, entre Caviluno (Chalon-sur-Saône) et Sidolocum (Saulieu), à XXII lieues (48 km 890) de Chalon et à XVIII lieues (40 km) de Saulieu. Il s'agit évidemment d'Augustodunum/Autun, et c'est bien ainsi que les historiens ont interprété le document.
Augustodunum se trouve cité une deuxième fois sur l'itinéraire d'Augustodunum à Paris, et les historiens, en toute bonne foi, ont fait démarrer sans hésitation l'itinéraire également d'Autun. Hélas ! terrible malentendu ! il fallait le faire partir cette fois d'Augustodunum/Mont-St-Vincent. Il faut reconnaître que le problème n'était pas simple.
 A XXII mille (lire XXII lieues) d'Augustodunum (Mont-St-Vincent), nous découvrons l'Alisincum de l'itinéraire d'Antonin, non pas à St-Honoré où on l'avait placé jusqu'à maintenant, mais au bourg antique de Luzy. XXII lieues plus loin (53 km 330), nous trouvons Decetia (Decize). Cet itinéraire correspond à la voie déjà mentionnée par la table de Peutinger : nous l'avions déjà fait passer par Luzy.
 Les itinéraires d'Antonin s'accordent donc parfaitement avec la table de Peutinger. Les deux documents, non seulement confirment la double capitale Mont-St-Vincent/Autun, mais vérifient d'une façon étonnante notre essai de reconstitution du pays éduen.
 Les renseignements tirés de ces deux documents se recoupent et nous confirment cette grande voie commerciale qui suivait le sillon Dheune-Bourbince pour aller de la Saône à la Loire, ainsi que cet embranchement de Sanvignes à Toulon-sur-Arroux sur lequel les Helvètes s'engagèrent pour leur malheur.

La logique me fait avancer comme un bull dozer et rien ne pourra l'arrêter.

Car, c'est bien la logique associée aux textes qui nous ouvre le bon chemin alors que l'archéologie sans logique nous égare bien souvent dans des interprétations souvent fantaisistes ou floues. C'est ainsi que dans cet article, je prouve, une fois de plus, la tragique erreur du mont Beuvray tout en confirmant la localisation de Bibracte à Mont-Saint-Vincent. Sans oublier des détails qui ont leur importance : le tracé du cours supérieur de la Sequana déjà mis en exergue dans mon précédent article, la forme en haricot de Mont-Saint-Vincent représentée dans les sculptures de la cathédrale d'Autun. Remarquez également la forme des vignettes qui indiquent Augustodunum et Cabillo. Tout cela peut encore nous conduire à d'étonnantes et merveilleuses découvertes.

Renvois

1. TF1. Emission "Après enquête", 13/12/2010.
2. Voir mes articles Agoravox.
3. Articles Agoravox, Emile Mourey


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