Bientôt, « ramadan » pour toute l’Europe
par Bernard Dugué
vendredi 26 août 2011
Lorsque vous interrogez un honnête pratiquant de l'islam, il vous certifiera que respecter le ramadan fait de lui un bon croyant. Interrogez un passant au hasard, croyant ou pas, qu’il vous répondra que le ramadan est une pratique importante pour les musulmans, plus exactement, l’un des cinq piliers de l’islam. Si le ramadan est par essence une pratique d’abstinence, alors on trouvera dans d’autres cultes ce type de pratique exécutée sous des formes différentes. Le carême est pour les catholiques et les orthodoxes une période de quarante jours destinée à un recueillement, qui s’effectue en pratiquant un jeûne avec des règles assez souples, certains ne jeûnant que le mercredi des cendres et le vendredi saint, d’autres pratiquant un manger maigre, c’est-à-dire allégé en viandes et en matières grasses. L’Eglise réformée n’impose pas d’abstinence, préférant la méditation et la prédication. Le judaïsme prévoit quant à lui une période ascétique liée à une symbolique différente, celle du repos le septième jour. Le shabbat impose ainsi une période de non activité qui commence le vendredi soir et s’achève le samedi. En principe, cette ascèse permet une régénération de l’âme.
Ces pratiques d’abstinences se dessinent sous trois plans au moins. Le côté formel renvoie au déroulement de la pratique et s’inscrit plutôt dans une dimension traditionnelle autant cultuelle que culturelle. Le fidèle montre alors son appartenance à une communauté et son respect face à une religion. Le volet symbolique relie cette pratique à des éléments d’ordre théologique. Pour les chrétiens, le carême renvoie aux quarante jours de jeûne effectués par Jésus dans le désert, alors que le shabbat fait référence repose de Dieu après les six jours de la création et que le ramadan symbolise la purification de l’âme et le rapprochement avec Allah. Le dernier volet est d’ordre psychologique, renvoyant à l’efficace de la pratique censée transformer l’âme, la purifier. Les uns évoqueront une psychagogie en référence à Platon ou à Jung, d’autres y verront une pratique presque mystique, ce qui n’est pas faux car le jeûne prolongé, tel qu’il peut se pratiquer chez les orientaux ou alors dans une improbable secte, produit paraît-il des hallucinations et des visions.
Il y a peu, je discutai avec une de mes connaissances de confession musulmane. L’interrogeant sur cette stupéfiante résilience que demande le jeûne, il me répondit que c’était en effet dur mais que peu à peu, il sentait une modification complète. Le corps finissait pas s’habituer si bien qu’il ne commandait plus l’organisme qui alors, passait sous le contrôle de l’esprit. Du coup, je me suis amusé à tracer un parallèle avec un vécu personnel et un constat plus général. Le monde est submergé de produits, biens de consommation et autres objets offerts à l’envie et la tentation. On ne peut pas tout acheter et parfois, on doit se priver de choses devenues basiques, par exemple un resto, des vacances, une séance de ciné, un CD de son artiste préféré. Et là, la résilience agit intérieurement et l’on s’aperçoit que l’esprit contrôle les envies, les désirs et même les besoins. En période de disette financière, la diète n’est pas forcément une torture et l’existence n’en devient pas forcément sombre. Et puis c’est tout simple comme principe de vie et d’ailleurs, la plupart d’entre nous ont passé leur enfance à lorgner les vitrines tout en sachant que les jouets mis en vente ne nous étaient pas destinés. Une certaine idéologie a laissé accroire que le pouvoir d’achat allait augmenter et que les générations futures devaient mieux vivre en consommant plus. Autrement dit, vivre mieux c’est vivre avec plus d’argent pour acheter plus. Ce principe est relativement idiot mais il est partagé par une majorité de concitoyens.
2008, la finance faiblit, l’économie se rétrécit, les Etats s’endettent et peinent à rembourser les créanciers. Le mot tabou est lâché ! Rigueur. Le Portugal, la Grèce, l’Italie, l’Espagne, tous ces pays ont décidé de faire des économies dans les dépenses publiques. Ce sera donc le ramadan économique pour les Etats, les fonctionnaires, mais aussi hélas, pour tant d’exclus du marché du travail et donc, de la consommation. Apprendre à vivre avec moins de revenus, voilà le régime pour des dizaines de millions d’Européens plus ou moins touchés selon le pays où ils habitent et la situation professionnelle qu’ils occupent. Mais la résilience sera de mise et l’esprit prendra les rênes de l’individu qui saura se serrer la ceinture. Et se passer d’un tas de choses, à l’instar de celui qui pratique le carême ou le ramadan.
Le « ramadan monétaire » sera même inscrit dans les constitutions. Les ayatollahs de la finance et de l’euro, de Merkel à Sarkozy en passant par Zappatero, se félicitent de l’instauration de la règle d’or qui vaut comme précepte et la diète sera l’un des piliers de la croissance, de la finance et de la banque globale. D’ailleurs, plus de six Français sur dix sont favorables à cette règle d’or, preuve s’il en est que les citoyens sont respectueux de la religion financière qui se met en place dans l’empire européen. Bon, il est temps que l'été se termine.
Tes créances tu honoreras
Tes dettes tu rembourseras
La croissance tu vénéreras
Ton travail tu accompliras
Tes euros tu dépenseras
Ton épargne tu sanctifieras
Tu n’adoreras pas d’autres dieux que le Marché