Bientôt un parti social-démocrate en France ?

par bzhboy
mardi 17 avril 2007

La toute récente déclaration de Michel Rocard qui appelle à une alliance entre François Bayrou et Ségolène Royal vient confirmer ce que la montée surprise de Bayrou dans les sondages avait semblé indiquer : il existe une place pour un parti social-démocrate en France.

La plus grande surprise à mon sens dans cette annonce a été la réponse de Bayrou, qui jusqu’alors avait refusé de se prononcer sur ce qu’il ferait en cas de duel Royal-Sarkozy. On pouvait penser improbable qu’il retourne s’allier à Nicolas Sarkozy, ce qui serait pour lui un suicide politique car ça mettrait à terre son positionnement "je ne suis pas plus de droite que de gauche" - sans compter les rancoeurs à droite que ses critiques on dû créer. Cependant, étant un homme qui vient de la droite, il restait un sérieux doute sur la réalité de son "virage à gauche". Je considère pour ma part qu’il reste un homme de centre droit, mais qui a compris que face au bulldozer UMP la seule manière de donner une place aux idées qu’il défend est de trouver des alliés à gauche.

La bonne nouvelle pour lui, c’est qu’à sa gauche le Parti socialiste se trouve empêtré dans ces contradictions entre première et seconde gauche. La première gauche (en venant du centre) est la gauche sociale démocrate, pro-européenne et qui assume l’économie de marché. Celle à qui la seconde gauche ne cesse de reprocher d’être "molle" et de ne pas être assez "à gauche" - comme si il s’agissait d’une vertu en soi - ou encore - suprême insulte - d’être "libérale". La seconde gauche du Parti socialiste est celle du non au référendum européen, de l’éEtat-providence, qui est prête à sacrifier l’efficience économique aux noms de principes idéologiques, qui voudrait faire "autrement". Il est bien connu qu’entre ces deux gauches, surtout depuis le référendum, il y a de l’eau dans le gaz. Alors pourquoi chercher à tout prix une illusoire "motion de synthèse" entre première et deuxième gauche, qui oblige le Parti socialiste à tergiverser sur de nombreux sujets ? Ceci amène leur candidate à rester dans un flou très nuisible en terme de crédibilité : Ségolène compte-t-elle mener une politique socialo-étatiste (généralisation des 35 heures, smic à 1500 € ...) ou s’agit-il d’un vernis de surface pour amener une troisième voie ("Il ne faut pas dénigrer se qu’a fait Tony Blair", il faut soutenir les entreprises...) ? La réponse ne me semble pas claire.

D’où la tentation de la première gauche de saisir l’occasion de construire une alliance avec François Bayrou pour amener à une reconstruction du paysage politique français : un parti social-démocrate au centre, issu de l’agrégation de la première gauche et de la partie de l’UDF qui n’a pas rejoint l’UMP, autour des valeurs d’ouverture européenne, de la culture du compromis entre économie de marché et nécessité d’une redistribution des richesses. Un parti "gauche alternative", constitué de la deuxième gauche et de la "gauche antilibérale". Et bien sûr l’UMP de Sarkozy, autour des valeurs de travail, de sécurité et de patrie.

Un tel scénario suppose l’explosion du Parti socialiste. A mon sens, elle serait logique compte tenu que les clivages d’aujourd’hui ne sont pas exactement ceux d’hier. Le nouveau clivage qui détermine fortement une politique dans le monde de demain est le positionnement par rapport à la mondialisation et la construction européenne : Doit-on mener une politique protectionniste et conserver la souveraineté nationale ? Ou bien faut-il mener une politique d’ouverture : intégrer fortement l’économie française dans l’économie mondiale, vouloir plus d’Union européenne ? C’est, je pense, le clivage qui s’est exprimé lors du référendum et qui traverse tout le spectre politique. De gauche à droite, dans la France du non : communistes, altermondialistes, deuxième gauche, la partie la plus à droite de l’UMP, souverainistes, nationalistes. La France du oui : première gauche, UDF, droite modérée. Un redécoupage des partis reflèterait mieux cette réalité de la société française et permettrait un positionnement plus clair des hommes (et femmes) politiques.

La question est donc : le Parti socialiste va t-il effectivement éclater ? Je ne connaîs pas l’état d’esprit de ce parti de l’intérieur, je suis donc probablement mal placé pour le dire. Cependant une absence de Mme Royal au deuxième tour mettrait probablement le feu aux poudres. Dans l’hypothèse d’un second tour classique, la probable alliance avec M. Bayrou (quoi qu’en dise aujourd’hui le premier secrétaire, il changera d’avis le 22 avril car le Parti socialiste ne peut pas gagner tout seul, ni même avec les quelques pourcents des autres partis de gauche) pourrait tout de même mécontenter la deuxième gauche et montrer qu’il est possible dépasser le clivage gauche-droite. Si bien qu’à moyen terme le résultat sera le même : le rapprochement des social-démocrates et des démocrates sociaux.


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