Blanche !
par Ariane Walter
lundi 4 décembre 2017
Il y a un mois, une grosseur au sein, puis d’autres grosseurs à l’autre sein. La médecine annonce un cancer généralisé. Elle est morte hier soir.
En un mois !
Je suis dévastée !
Blanche, si belle, si vivante, si joyeuse !
Quelle tragédie quand la mort prend nos enfants ! Quand cela va si vite. Même si une pitoyable consolation nous fait dire : « Cela vaut mieux que de souffrir trois ans en allant de chimio en chimio. »
On s’accroche à ce qu’on peut dans ces terribles naufrages.
Mais le cœur ne sait pas flotter sur nos larmes.
Je suis noyée, ce soir.
Ma toute belle, ma si belle…C’est fini.
On devait se revoir.
On avait tout le temps…Mais non.
Elle, mais aussi, il y a une semaine, la femme de l’osteo de mon fils cadet. Rendez-vous annulé. On venait d’annoncer à son mari, d’un coup de téléphone, qu’elle allait être opérée d’urgence. Cancer. Il a reçu mon fils en pleurant.
Mon voisin, aussi. Homme charmant qui m’a si souvent aidée. il y a six mois, cancer du poumon. Cela allait mieux et récemment, il m’apprend qu’il a un cancer du cerveau. Il attendait des résultats d’examen. Il ne m’a pas rappelée.
Pendant tout ce 20 ème siècle où nous avons rêvé au 21 ème, nous étions sûrs que le cancer allait être vaincu. Tellement sûrs. On nous le disait tous les jours. Et voilà qu’il rôde comme jamais. Qu’il bouffe à pleines dents.
C’est pour mieux le guérir, sans doute, que le glyphosate, fait partie de nos menus.
Nous vivons une ère de dévastation alors qu’elle devrait être une ère de progrès.
Il y a les cancers des corps et les cancers des âmes.
Black Friday…
Black Sunday…
Blanche et tant d’autres enfants dont les parents pleurent ce soir…
Combien sont morts cette année, dans la pourriture d’un air irrespirable (n’est-ce pas, enfants de Fos sur mer ?), en avalant tous les poisons de la chimie, sous les bombes des guerres qui enrichissent les marchands d’armes ?
Blanche, ce qu’on a ri …
J’attends que passe l’insondable tristesse de ce moment pour pouvoir te retrouver. Intacte. Supérieure à la mort puisque tu es dans ma mémoire.
La mémoire est notre paradis. Lointain, ce soir. Mais je saurai le rejoindre. Un jour, ton nom sera à nouveau de la joie.
En attendant…
Quand j’étais toute petite, pour Noël, mes parents avaient préparé un arbre fantastique. Au petit matin, je suis entrée dans la cuisine, puisque le Père Noël passait la nuit, et je suis restée bouche bée, n’ayant jamais rien vu d’aussi beau. Je ne sais ce que cette apparition a eu d’important dans ma vie. Mon goût pour la beauté, la lumière, la surprise, l’émerveillement.
Je reçois toute ma famille chez moi, cette année.
Héléna, Naomi, Iris, Gareth…
Et je me suis dit que voulais faire une décoration qui les laisserait bouche bée.
J’aimerais un émerveillement équivalent à celui qui m’a faite, moi.
Profitons de nos joies.
Rendons-les fortes.
Profitons de nos amours.
Toute vie, en fait, ne dure qu’une seconde.
Blanche, ma bien-aimée, je suis en Chine avec toi…