Voilà donc pourquoi on le hait tant, aux USA : ce n’est pas seulement pour avoir embrassé Castro ou Ahmadinejad : c’est aussi parce que son pays détient des ressources pétrolières colossales ! Et on en découvre encore, comme il n’y a pas si longtemps, en octobre 2009 par exemple, avec un champ de gaz assez conséquent : "
une découverte de gaz de classe mondiale dans le champ de Perla, dans des eaux peu profondes au large des côtes du Venezuela", comme l’a montré un "
forage exploratoire" "
situé dans le bloc Cardon IV dans le golfe du Venezuela" Et ce qui doit faire rager encore plus les américains, à l’annonce de cette trouvaille, ce sont les conditions de celle-ci :
"la Perla 1X et à 50 km de la côte, a rencontré une colonne d’hydrocarbures de 240 mètres (775 pieds)". La découverte ayant eu lieu à 3 147 mètres de profondeur. Selon le classement officiel, IHS, c’est l’une des cinq découvertes majeures de 2009. Le Brésil, pendant ce temps, en découvrait
à la pelle ces derniers mois.
"
Le Block Cardón IV (de 924 km2) est actuellement autorisé et exploité par un joint venture entre Eni à 50% et Repsol pour les autres 50%, nommé Cardón IV SA. L’entreprise publique vénézuélienne Petroleos de Venezuela SA (PDVSA) possède 35% de remise de droits pour la phase de développement et, s’ils sont exercés, Eni et Repsol détiendront chacun une participation de 32,5% restants dans le projet" dit-on officiellement.
"Les réserves du site sont estimées à 170 milions de mètres cubes, et "pendant l’essai de production, le gaz produit de haute qualité est d’une capacité de 600 000 mètres cubes par jour et 500 barils de condensats. La production de gaz, normalisée devrait augmenter à plus de 1 million de mètres cubes par jour"... pour ajouter à la couleur verte du visage des pétroliers texans, le 12 avril 2010 dans le champ voisin de Perla II, le Vénézuela annonçait 30% de gaz en plus....
"avec une poche pouvant approvisionner l’Espagne pendant sept ans."
Gag supplémentaire, le champ a été découvert par la une plateforme ancienne, de typ
e "Jackup" connue sous le nom d’
Ensco 68, conduite par Eni. Elle a été construite en 1976 et a été dessinée par Marathon LeTourneau, de Brownsville, au Texas (et de Vicksberg (Mississipi) : autrement dit un des plus
vieux design existants en
tripode. Vraiment de quoi faire rager ceux qui s’escriment à 1500 m de profondeur dans le Golfe du Mexique. La plateforme de type MLT-84 CE, étant louée par Eni
à... Chevron, firme pétrolière US ! Un engin âgé de 34 ans donc, et amené sur site
par remorquage, n’étant pas autonome ou submersible.
R.G Letourneau, né en 1888 (mort en 1969), dans une famille de Huguenots français du Vermont, affichait un sacré parcours, celui d’un dessinateur autodidacte d’engins de chantiers, de scrappers ;
d’engins monstrueux, devenu
constructeur de barges de forage, qui
citait à tout bout de champ la Bible, notamment l’évangéliste Matthieu (il écrira "
Dieu dirige mes affaires" !). Selon lui, dit MP (N°244 de septembre 1966)
"il n’y a pas de gros travaux, mais des machines trop petites". C’est lui, en fait, l’inventeur de la plateforme tripode, conçue dès le départ pour résister aux ouragans du Golfe. L’inventeur, aussi, des
"trains terrestres". Il avait failli disparaître dans la mise au point de sa roue à moteur électrique, devenue un standard depuis.
Mais cette fois, pas de plateforme Letourneau : celle qui vient de couler est d’un modèle connu, dit
Acker H3, construit dans le monde à 37 exemplaires dans les années 70. Une des premières semi-submersibles, reconnaissable à sa
forêt de poteaux et à ses pontons sous-marins pointus. Dessinée en 1968 pour les fonds de Mer du Nord, avec de très grandes vagues, on a multiplié ces supports pour la rendre plus rigide. 18 000 tonnes de déplacement pour 22,6 millions de dollars à l’époque de sa sortie (le double aujourd’hui !), pouvant forer jusque 7 000 m de profondeur, sous 450 m d’eau, c’était la championne de l’époque. Lors de l’accident, elle opérait sur des fonds de 160 m seulement, dans le champ de Dragon, appartenant à Mariscal Sucre, où elle en était à son sixième forage sur huit prévus.
La plateforme qui a sombré avait été construite en 1977, par Far East Levingston, au chantier de Singapour de la firme enregistrée désormais au Viet-Nam. Construite pour une compagnie norvégienne, Wirlig, qui opérera au Viet-Nam à partir de 1991. Elle a creusé un peu partout, elle aussi, et en 1984 subira dans les eaux peu profondes de la Mer de Norvège une remontée de gaz et une explosion mais sans dommages et sans gravité. En 1991, la plateforme change de propriétaire et en retrouve un bien connu ici depuis le début de cette série : Transocean ; le suisse de l’étape, qui la rebaptise "
Transocean Seeker", puis "
Transocean Treasure Seeker". En 1996, elle est louée à Transsocean par notre fameux
gouverneur du Texas, William Perry "Bill " Clements Jr, qui la renomme "
Transocean Sedco Forex Discoverer" et qui la fait forer dans le Golfe du Mexique (elle aussi !)
En 2000, elle est vendue 43,5 millions de dollars au groupe Fred Olsen Energy qui la baptise Bulford Dolphin, et reste dans le golfe du Mexique. Puis c’est l’Equateur, avec Equator Exploration associé à une société nigérianne Peak Petroleum Industries Nigeria Limited qui la souhaitent pour aller forer au large du Nigeria sur le champ prometteur de l’
Owanare : l’imposante plate forme traverse l’Atlantique remorquée par l’énorme
Maersk Advancer. On la photographie le 10 juillet 2006 en
cours de remorquage. Hélas, les résultats des forages s’avéreront "décevants en volume" apprendra-t-on
en mai 2006. Le 2 juin 2006, elle subira sous ce nom une attaque de pirates au large du Nigeria. Enfin, en 2007 elle est rachetée à nouveau par Petromarine Energy Services de Singapour, et devient l’Aban Pearl : elle part pour le Venezuela, on la photographiera au passage des
Açores le 1er août 2007. A bord, on pouvait loger 99 personnes. 95 étaient à bord le jour du naufrage, tous sauvés.
Le capitaine était indien, assisté par deux américains de Chevron : Aban Offshore est en effet une
entreprise indienne, et Petromarine Energy Services une simple filiale de d’Aban OffShore !
Selon le ministre vénézuélien de l’Energie et du Pétrole, Rafael Ramirez, en charge du dossier,
"les systèmes d’alarme de la Perle Aban se sont déclenchés à 23h20, le 12 mai, après qu’une panne ait été détectée dans systèmes de flottaison de la plate-forme. Les 92 travailleurs de la plate-forme ont été évacués quand une inclinaison de 10 degrés a été enregistrée. Mais le capitaine et une petite équipe de techniciens de marine et des puits de pétrole sont restés à bord plusieurs heures de plus. Lorsque la plate-forme a atteint 15 degrés d’inclinaison, les opérateurs ont fermé le puits en au fond de l’eau et débranché l’arrivée de gaz à la plate-forme pour éviter un désastre environnemental potentiel dans la région. La Pearl Aban a atteint une inclinaison de 45 degrés à environ 01h30 le 13 mai, date à laquelle le commandant de bord et les techniciens qui restent à bord ont été évacués. La plateforme a coulé à 02h20."
Le naufrage s’est donc produit assez rapidement, par temps calme, après qu’un des pontons ait été victime d’une entrée d’eau semble-t-il d’après ce que l’on sait : la plateforme s’est mise à gîter fortement, puis a fini par se retourner au bout de trois heures. Si Chavez affirme aujourd’hui qu’il n’y a pas eu de pollution, car les techniciens ont eu le temps de fermer les vannes anti-blow-up du fond (celle qui n’a pas fonctionné sur le forage de BP), il convient de préciser qu’à bord il y avait quand même 400 000 litres de combustible. La plateforme devrait être relevée, paraît-il, selon Chavez ... pourquoi donc ? Pour l’essence à son bord, qui pourrait être pompée facilement ou plutôt pour être inspectée ? Chavez craindrait-il quelque chose ? Imaginez que remontée, on lui trouve les mêmes impacts que le Cheonan ! Il a en tout cas dépêché la SEBIN, les services secrets du pays, pour étudier l’affaire de près. Sa paranoïa connue a dû précipiter l’envoi des fins limiers, sans doute.
C’est certes une bien vilaine hypothèse, je l’assume, mais comme le disait
l’Independent "le fait que les États-Unis reçoivent la moitié de leur pétrole d’Amérique latine a été l’une des raisons pour laquelle la IVe Flotte des États-Unis a été rétablie dans la région en 2008. Les navires de la flotte peuvent inclure des sous-marins nucléaires Polaris, un déploiement considérée par certains experts comme une violation du Traité de 1967 de Tlatelolco, qui interdit les armes nucléaires dans le continent". La mise en service de la plateforme vénézuélienne "indépendante" aurait-elle à ce point exacerbé la rancœur pétrolière américaine ? L’hypothèse est bien trop risquée : Obama ne peut pas, à ce jour, jouer à ce jeu dangereux-là. Seule la CIA, qui joue l’indépendance depuis toujours, aurait pu être tentée ! Même si
cet engin-là, rentré à
Bangor le 11 décembre 2009 doit logiquement déjà être reparti patrouiller... un peu partout (il aurait dû faire un long périple, Bangor est sur la côte Ouest des Etats-Unis !). Hypothèse farfelue, mais les sbires de Cheney ont bien fait le forcing pour la théorie farfelue du sous-marin nord coréen, rendons-leur au moins la monnaie de leur pièce, sur le même thème, qui plus est !
Tout est dans la constatation simple de l’enjeu vénézuélien : ce pays nargue littéralement les USA, et ce n’est pas uniquement dû à la personnalité actuelle de son chef d’état. Il les nargue avec des chiffres insolents, que nous rappelle parfaitement LeMonde :
"Le pays sud-américain, détenteur des deuxièmes réserves mondiales de pétrole, estimées à 211 173 millions de barils, aspire aussi à devenir une puissance gazière en portant ses réserves prouvées à 10 640 milliards de mètres cubes d’ici fin 2014, ce qui le situerait au quatrième rang mondial". Si un jour les USA envahissent le Venezuela, on saura au moins tout de suite pourquoi !
En réalité, là encore, c’est aussi tout bêtement et fort probablement un accident : la plateforme avait déjà failli couler de la même manière,
note un témoin. En plein remorquage, les
techniciens d’Aban ont en effet décidé de tester le ballastage, qui permet à la plateforme de s’enfoncer.
"Au retour de Singapour, après être passée par Le Cap, puis les Açores, en direction de Trinidad il lui était déjà arrivé le même tour : Cette plate-forme revenait juste de Singapour et Cape Town, puis vers Trinidad, lorsqu’ ils ont décidé de faire quelques essais de lestage et de ballastages. Après avoir mis délibérément les 90 personnes à bord en danger, ils ont décidé de vérifier le bas des colonnes, d’après ce que j’ai pu savoir, là où 4 panneaux avaient été ouverts, permettant à l’eau de circuler très vite entre les colonnes en croisillon, et tout le monde à bord que plate-forme s’est alors vu heureux qu’ils n’aient pas rencontré de mauvaises conditions météorologiques en remorque, car, alourdie par l’eau, cela aurait pu être désastreux". Un autre ajoutant
: "J’ai refusé de continuer à travailler sur cette plate-forme pour de nombreuses raisons. J’ai refusé d’être sur le voyage de Cape Town. La question la plus importante dans ce genre d’opération est la sécurité. C’était non-existant sur cette opération au cours de mon bref séjour. Beaucoup d’argent a été dépensé à Singapour, en grande partie non pas sur la plate-forme. Chaque recoin semblait certes correct derrière une couche de peinture, mais si regardait derrière les coins et on trouvait des "nids de rats". La vétusté et l’incompétence, les deux raisons véritables de la catastrophe vénézuélienne. La peinture pour cacher les misères risque de se payer cher en définitive, pour Aban. La firme indienne est en effet
lourdement endettée par son développement trop rapide :
selon India Infoline, Aban Offshore présentait déjà 356 millions de dollars de dette en 2011 et en projetait 642 pour l’année 2012 ! Selon son site Web, c’était sa seule plateforme submersible de forage sur les 20 qu’elle détenait : la seule submersible qui lui reste est une plateforme d’exploitation, ou
Floating Production Unit (FPU) c’est la
Tahara ex-
Sedco K (de notre
gouverneur texan !).
A chacun son incompétence donc, qui se résume de façon assez surprenante pour Chavez comme pour l’équipe Bush à une seule chose : en cherchant à faire des économies de bout de chandelle dans la manipulation d’engins aussi sophistiqués, on prend des risques énormes. Cheney en décidant de se passer de vannes de sécurités, Chavez en employant un personnel indien, que l’on doute payé nettement moins chers que ceux de Chevron sur une plateforme hors d’âge, même maquillée de peinture. Sur ce point, la responsabilité des deux dirigeants est strictement la même !
Mais pour Chavez, c’est sûr, le coup est très dur à encaisser : c’était sa première plateforme offshore "entièrement vénézuélienne", même s’il avait eu recours à un personnel indien."M. Chavez a indiqué le 27 avril que le forage dans les champs de gaz Dragon, où la plate-forme a été localisée, est « historique » pour PDVSA comme ce fut le premier projet offshore développé sans partenaires étrangers. « C’est historique, parce que tout a été fait par PDVSA à lui seul", dit-il. « Nous avons déjà les conduites, les robots sous-marins à distance et les technologies contrôlées que PDVSA fabrique lui-même." Les américains auraient-ils voulu tester les capacités de détection des rovers sous-marins de Chavez ? La plateforme percluse de rouille et vieillie par ses longs trajets en mer s’est-elle désagrégée toute seule, rongée par 33 ans de service ?
Hugo Chavez risque surtout, désormais, de se tourner vers un partenaire comme OAO Gazprom, à l’affût dans la région, car à ce jour, et c’est une surprise, le Vénézuela importe bien du gaz, de Colombie, fourni par... les américains de Chevron !