Boris Johnson et l’Empire britannique

par Patrice Bravo
jeudi 31 décembre 2020

 

Le triomphe du Brexit et de Donald Trump a mis en scène la fin du « scénario téléologique » dans lequel le but des processus créatifs était planifié par des modèles finis qui pourraient interagir en modelant ou simuler plusieurs futurs alternatifs et dans lesquels prévalaient l'intention, le but et la prévoyance et l'irruption du « scénario téléonomique », le tout marqué par des doses extrêmes de volatilité qui affecteront particulièrement la vieille Europe.

Après leur retour au pouvoir, les conservateurs dirigés par David Cameron et les fidèles à leur politique eurosceptique (pas de volonté britannique de se lancer dans un projet en déclin dans lequel la souveraineté britannique serait soumise aux mandats de Bruxelles) ont inscrit dans leur programme électoral de 2015 l'appel à un référendum sur la sortie de l'UE pour 2016, rassurant ainsi la base la plus radicale de son parti tout en arrachant le drapeau au parti montant des eurosceptiques (UKIP) dans la conviction d'une victoire confortable et de la continuation du Royaume-Uni en l'Union européenne dans des conditions similaires à celles de la Suisse. 

Cependant, des forces centrifuges menées par l'ex-maire de Londres, ont fait remporté à Boris Johnson la victoire inattendue des partisans du Brexit qui estiment que « le Royaume-Uni n'a pas besoin de l'Europe car il pourrait devenir le Singapour de l'Occident depuis sa tour de guet financière de la City de Londres ainsi qu'une métropole de commerce d'outre-mer en pilotant le fleuron d'un Commonwealth renaissant, suivant la philosophie de Winston Churchill », disant : « We are in Europe, but not in it » (Nous sommes avec l'Europe, mais nous ne sommes pas d'elle).

L'accord in extremis entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, qui parvient à éviter le chaos d'un Brexit dur, signifiera le renforcement de la figure de Boris Johnson qui mettra en œuvre une politique économique néolibérale sévère qui comprendra la nationalisation des principaux services de base et qui se caractérisera par l'opposition frontale des syndicats de classe britanniques (Trade Union Congress-TUC) qui n'hésiteront pas à paralyser le pays en déclarant des grèves sauvages. 

De même, Johnson va dépoussiérer le concept de l'Empire britannique en renforçant l'axe anglo-saxon (USA, Grande-Bretagne, Australie, Canada et Nouvelle-Zélande) ainsi que la renaissance du Commonwealth, sans exclure la tenue d'un nouveau référendum en Ecosse qui pourrait se conclure avec le départ de l'Ecosse du Royaume-Uni et son entrée dans l'Union européenne, par le processus d'une transition aiguë à chronique des violences en Ulster, de la fermeture de Rock Gate et de la réédition du conflit des Malouines. 

L'Europe de l'après Brexit. L'Europe souffrirait d'une crise d'identité aiguë aggravée par le triomphe du Brexit et par le « processus de la balkanisation européenne » conçu par les Etats-Unis pour provoquer, par des attaques terroristes sélectives, la crise des réfugiés et le réveil du désir d'indépendance des nations européennes, l'apparition de forces centrifuges qui accélèrent le démembrement de l'actuelle Union européenne. Ainsi, on pourrait assister à une réaffirmation tardive de la souveraineté européenne par la France et l'Allemagne qui sera la genèse d'un nouveau projet européen (Europe des Six), composé de la France, de l'Allemagne, de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg et de l'Autriche, avec le reste des pays européens périphériques (Portugal, Espagne, Irlande, Italie, Grèce, Slovénie, Malte et Chypre) gravitant dans leurs anneaux orbitaux. 

D'autre part, la forte baisse des exportations due à la force de l'euro et la sévère contraction du commerce mondial en raison de la pandémie de la Covid-19 et la mise en œuvre croissante de mesures protectionnistes auront une influence particulière sur les pays traditionnellement exportateurs tels que la Finlande. Ainsi, la Finlande serait passée de l'utopie de l'Etat providence au flirt avec la récession, alourdie par l'effondrement de Nokia et de l'industrie papetière, (les deux moteurs du miracle économique finlandais) pour envisager donc sérieusement d'abandonner l'euro. Il ne peut être exclu qu’après son départ, elle procède à la constitution d’une fédération scandinave composée du Danemark, de la Norvège, de la Suède et de la Finlande. 

Pendant ce temps, le reste des pays d'Europe centrale et orientale (membres de cette Europe émergente), qui s'étendrait des pays baltes à l'Ukraine européenne, en passant par la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie, sera le bélier que les Etats-Unis utiliseront pour remplacer la dépendance énergétique européenne de la Russie (30% du gaz importé par l'UE provient de Russie) par la fracturation de la dépendance, inondant le marché européen de GNL (gaz naturel liquéfié aux Etats-Unis et transporté par des tankers) pour faire baisser les prix du gaz russe ainsi que promouvoir l'utilisation de la technique d'extraction dans ces pays qui dépendra de la technologie d'entreprises américaines telles que Chevron ou Shell, sans exclure de voir une nouvelle guerre des Balkans qui sera un nouvel épisode local dans le retour à l'endémisme récurrent de la guerre froide entre les Etats-Unis et la Russie. 

Germán Gorraiz López, analyste politique

Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs

 

Source : http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=2321


Lire l'article complet, et les commentaires