Bref point sur le Covid-19 et l’utilisation de la chloroquine
par Bernard Dugué
mercredi 25 mars 2020
Dernières nouvelles du front, puisqu’il s’agit bel et bien d’un front constitué d’une ligne de défense en plusieurs axes face à un envahisseur qui déjoue et pronostics mais que l’on connaît de mieux en mieux depuis qu’il est passé en France et que les remontées cliniques augmentent en nombre et en précision. Voici des données et des arguments à prendre comme des pistes de réflexion et non des avis.
1) Sentinelles. La première donnée importante mais trop précoce est fournie par le réseau Sentinelles. Cette fois les données chiffrées sur le Covid-19 vont être disponibles. Elles seront affinées si les tests sont pratiqués. Néanmoins, le tableau clinique étant connu, les médecins sont capables de poser un diagnostic sans test et faire remonter les infos, comme cela se fait chaque année pour la grippe ou la gastro-entérite. Pour la semaine du 2, sur 138 prélèvements naso-pharyngés effectués sur des patients en syndromes grippaux, 2% étaient positifs au SARS-CoV-2. Pour la semaine suivante je ne donne pas le chiffre, il n’y a eu que 39 tests. Et pour la suite, les médecins ont reçu comme consigne de faire remonter les diagnostics pour donner une photo précise de la cinétique épidémique, avec un affinement par les tests, pas forcément systématique. Tout ce que l’on sait, c’est que ce qui est utile à savoir sera su un peu plus tard.
Il serait fort utile que le réseau Sentinelles pense à sélectionner les symptômes pour établir le stade de la maladie. Il ne le fait pas pour la grippe parce que ce n’est pas nécessaire et que de plus, il n’existe pas de différences notables entre les patients. En revanche, le pourcentage de personnes affectées par les stades 1, 2 et 3 s’avère utile, surtout pour apprécier la proportion de cas sévères. Le jour où il faudra remonter sur le pont et se croiser à nouveau, alors que le virus n’aura pas disparu, il faudra s’armer de courage ou alors être rassuré par les chiffres. Le paramètre important c’est le pourcentage de stade 3 rapporté à la prévalence du virus, en précisant les facteurs de fragilité du patient. Le Covid-19 apparaît comme une maladie à trois stades dont le dernier est sévère et tient à plusieurs facteurs, la réponse immunitaire, l’âge et l’état physiologique (un virusse qui semble jouer à la roulette russe). On sait déjà que les personnes à risque devront prendre des précautions. Et pour les personnes en bonne santé, le pourcentage de cas graves donne un indice sur les risques. Entre un risque de 0.01 et 1, ça change beaucoup. En sachant qu’en arrivant au stade 3 ça secoue mais ça ne signifie pas game over si on est assez solide. A titre de comparaison, nous avons les accidents de la route dont le risque est accepté au vu du nombre d’automobilistes. Ce n’est pas avant un mois que des estimations seront accessibles et trois ou quatre mois pour des résultats plus précis.
2) Un bref point sur les traitements récupéré sur un blog des plus sérieux. Quelques études ont été compilées, essentiellement venues de Chine. En bref, les antiviraux du style remdesivir ou favipavir ne laissent guère d’espoir. L’hydroxy-chloroquine a montré quelques signes encourageants et d’autres études sont en cours. Enfin, une donnée à prendre avec pincette, 90% des patients auraient été guéris par la médecine traditionnelle chinoise. Méfions-nous de ce genre d’annonces qui peuvent être un moyen pour le régime de défendre son identité culturelle. En Inde, il y a un ministère du yoga et des médecines traditionnelles, notamment l’ayurvéda. Enfin, soyons prudents. Il y a guérison et guérison. Au stade 1 et 2 du Covid-19, on guérit, même sans médecine traditionnelle, ce qui n’exclut pas des effets positifs de cette médecine. Si on peut guérir plus vite, je pense que tout le monde signe. Pour les fans des huiles essentielles, prenez celles qui sont riches en cinéol 1, 9 (ravintsara, eucalyptus, romarin…)
3) Dernier point sur la chloroquine. Si les traitements sur patients en réanimation ne sont pas concluants, ce n’est pas pour autant qu’il faut abandonner cette molécule. Le résultat principal de Didier Raoult semble être la diminution de la charge virale, encore plus nette avec l’ajout de l’azithomycine mais il faut d’autres études pour confirmer. La charge virale diminue certes, mais l’objectif est de remettre sur pied le malade. Et si les essais cliniques ne sont pas assez concluants, c’est peut-être que l’administration a été faite trop tard. Le virus aurait « disparu ou presque » mais le patient est dans un tel mauvais état qu’il ne peut plus faire face et décède. Des études sont en cours et livreront leurs résultats bientôt. Pour l’instant, les cliniciens naviguent à vue avec quelques indices tangibles devant être confirmés.
Avis provisoire sur la chloroquine. Des résultats cliniques en réanimation non probants ne signifient pas qu’il faille laisser tomber ce traitement. Si la charge virale diminue, la molécule a un intérêt. Il serait alors utile d’administrer la chloroquine dès que les malades présentent les symptômes de l’entrée en stade 3 avec quelques signes connus, notamment un début de détresse respiratoire et une difficulté à se lever. La charge virale diminuerait avec le traitement et le patient aurait encore des forces pour tenir le choc en étant secondé par le traitement, pour autant qu’il soit si efficace. Ce patient restera alité à domicile au lieu d’aller vers une admission aux urgences déjà saturées. Une administration au stade 2 n’est sans doute pas recommandée. Une administration au stade 1 ne se justifie pas.
Lien vers le blog
https://blogs.sciencemag.org/pipeline/archives/2020/03/24/the-latest-coronavirus-clinical-trials
Sentinelles
https://www.sentiweb.fr/document/4851