Bretagne : une agro-industrie dont on ne veut plus

par Henry Moreigne
mercredi 30 octobre 2013

En Bretagne, l'agriculture et l'élevage intensifs sont rois. Un modèle productiviste dépassé qui a tiers-mondialisé une région en assurant la fortune de quelques-uns sur l'exploitation de beaucoup et la dégradation de l'environnement. Désormais que les eaux sont durablement polluées et que les algues vertes font fuir les touristes on fait mine de découvrir que, du jour au lendemain, comme n'importe quelle usine, les abattoirs peuvent fermer pour se délocaliser.

Qu'on aime ou pas José Bové, l'eurodéputé dresse un constat aussi implacable que juste de la situation : "La Bretagne, est en passe de devenir une espèce de colonie productrice d'un minerai de viande, qui est transformé et valorisé ailleurs, un peu sur le modèle dramatique de la Côte d'ivoire qui fournit du cacao au monde, mais pas de chocolat !"

Dans ce contexte il est un peu fort de café de voir la FNSEA et quelques organisations patronales distribuer les bonnets rouges et jouer les croquants. Alors que plus de 750 000 porcs produits en Bretagne roulent plus de 2000 kilomètres dans des conditions déplorables pour être abattus dans des usines, installées dans le nord de l'Allemagne, faut-il être opposé à une éco-taxe qui constitue une mesure incitative pour limiter les transports et donc développer valorisation locale et filières courtes ?

Que les Bretons ne se trompent pas de combat. José Bové a une nouvelle fois raison lorsqu'il souligne que "L'agriculture en Bretagne a le dos au mur" et que, "Dans un marché mondialisé, les produits standard trouveront toujours un pays où la main d'œuvre est moins chère, où les environnementalistes sont moins pénibles".

Les animaux sont également les grands oubliés du débat. Pourtant, au mois de février, 7 Français sur 10 déclaraient prêter attention aux conditions d'élevages des animaux, alors qu'un autre sondage dessinait qu'ils seraient autant à être capables de payer plus cher pour manger un poulet élevé en plein air plutôt qu'un de ces animaux élevés en batterie. Et encore ne parle-t-on pas des animaux bourrés d'antibiotiques avec les conséquences sanitaires que cela entraîne.

Le citoyen a une responsabilité lourde car ses choix de consommateurs construisent ou détruisent les modèles économiques. Mais la grande responsabilité des dirigeants politiques français et européens c'est d'avoir acheté la paix sociale par l'abandon de toute régulation douanière au profit du déversement sur le grand marché intérieur des produits de consommation aux prix les plus bas possibles. Il suffit de regarder l'origine des fortunes de ces dernières décennies essentiellement construites sur la spéculation ou l'importation de produits bon marché.

Comme l'écrit Stanislas Kraland dans le Huffington Post, "de là à croire que chaque fermeture d'un abattoir ou d'un élevage présage l'ouverture d'une ferme bio, il n'y a qu'un pas : celui qui sépare le fantasme de la réalité. Le porc Français viendrait-il à manquer qu'il serait immédiatement remplacé par ses concurrents allemands, belges ou néerlandais, élevés dans des conditions similaires, si ce n'est pire".

Aujourd'hui les Bretons et les Français ont rendez-vous avec la réalité. Le modèle des grandes coopératives aux stratégies de multinationales, c'est fini sauf à vouloir demeurer exposé à des séismes à répétition causés par la concurrence étrangère et la fin programmée des aides européennes.

A cet égard, la question de l'éco-taxe a le mérite de poser les limites du système actuel et d'entrouvrir une porte vers un autre modèle.

 


Lire l'article complet, et les commentaires