Burkini, voile, etc., faut-il tolérer les intolérant(e)s et l’intolérable ?

par Desmaretz Gérard
lundi 12 septembre 2016

Voile, burkini, etc., là ne réside pas le nœud gordien, il ne s'agit que de prétextes à discussions spécieuses afin d'obtenir toujours plus d'hommes et des femmes politiques avides de « fidèles » acquis à leur idéologie « politic(h)ienne ». N'importe quel incident donne immédiatement naissance à une rumeur scélérate éculée reposant bien souvent sur la stigmatisation et interprétée au détriment de la vérité et du sens des responsabilités. Nous sommes saturés d'images et d'informations qui heurtent la société française au point que certains autochtones ne disent plus « On est chez nous ! » mais « Ils sont chez-nous ! », de poursuivre, nous n'aurons pas à partir en guerre, c'est la guerre qui viendra à nous et elle nous sera imposée chez-nous.

Le burkini que l'on semble découvrir aujourd'hui est apparu sur la scène publique européenne en janvier 2008, lorsqu'une une jeune femme a voulu se baigner ainsi vêtue à la piscine municipale d'Almedo ! Ce vêtement recouvrant intégralement le corps et la chevelure, ne laissant apparaître que le visage, les mains et les pieds, a été commercialisé en 2007 en Australie par Aheda Zanetti, une modiste libanaise, et proposé à la vente pour une centaine d'euros. La secrétaire d'État aux sports appelée à se prononcer avait alors déclaré : «  le burquini ne dépareille pas avec les combinaisons de plongée, et peut être bon pour l'intégration des femmes musulmanes.  » Une femme s'était penchée sur le voile dans les années cinquante, la résistante et ethnologue Germaine Tillion proche du Front de Libération Nationale algérien... Selon elle, le port du voile ne remonte pas au début de l'Islam, mais aux origines de la civilisation méditerranéenne, de citer Plaute un auteur du III° siècle avant notre ère pour qui le fait pour une femme de se montrer en public à visage découvert était signe d'infidélité conjugale, et de rappeler que le Coran ne mentionne le port du voile que pour les femmes de la famille du prophète.

Mustapha Kemal plus connu sous le nom d'« Ataturk » décida en 1923 que les femmes ne seraient plus astreintes au port du voile. En 1936, le Shah Reza Pahlavi proscrivait le port du voile. Au Pakistan, la fille aînée du sultan parue non voilée en public, c'était en 1947, imaginez le scandale parmi la population analphabète. Le président Habib Bourguiba allait pousser plus loin l'émancipation de la femme en 1956 avec le code du statut personnel qui abolissait la polygamie, la répudiation, instituait l'âge minimum du mariage à 17 ans et sous réserve de son consentement, ainsi que le divorce. Le CSP allait inspirer le Moudawana (code de la famille au Maroc). Nasser interdira le port de la mélaya noire (vêtement surtout utilisé les par les danseuses égyptiennes) dans les grandes villes, une coutume de plus en plus délaissée par les classes aisées et instruites, les jeunes égyptiennes se rendant au lycée maquillées. Dans les années soixante on comptait encore beaucoup de femmes voilées en Algérie, surtout dans les villages, tandis que le port du voile restait la « norme » en Arabie saoudite, au Yémen et en Afghanistan.

Quand on parle du voile laissant le visage à découvert, il s'agit tantôt : du hijab qui recouvre la chevelure et le cou - de la djellaba ou jilbab - du khimar qui couvre les épaules et le haut de la poitrine - du tchador pièce d'étoffe ouverte sur le devant qui ne possède pas d'ouverture laissant passer les mains (Iran) - la shayla, longue écharpe épinglée aux épaules - le niqab recouvre le corps tout entier pour ne laisser voir que les yeux, alors que la burqua recouvre le corps tout entier, les yeux dissimulés derrière un voilage. L'amalgame est parfois avancé avec le port du voile par les religieuses catholiques, c'est Saint-Paul qui a recommandé aux femmes de se voiler les cheveux pour assister aux offices religieux, coutume qui ne se rencontre plus guère que dans les campagnes et dans quelques milieux traditionalistes.

La femme qui marche derrière l'âne sur lequel son époux est juché appartient à la culture locale et ne choque pas in situ, et imaginer l'inverse leur demeure impensable ! Les inégalités entre les hommes et les femmes dans les pays musulmans ne sont pas uniquement lié au Coran ou à la Charia qui donne un droit prépondérant à l'homme, mais au poids du passé. Le Cheikh Taj Aldin ai-Hilali, le plus haut dignitaire musulman en Australie a déclaré en octobre 2006 : « Si vous placez de la viande dans la rue sans la couvrir et que les chats viennent la manger, qui doit-on blâmer le chat ou la viande à l'air ? » L'ancien recteur de la Faculté de la charia, cheikh Rashar Hassan Khalil, a lancé une fatwa (avis religieux) : « Être tout nu pendant l'acte sexuel invalide le mariage. » Le chef du comité des fatwas d'al-Azhar a répondu : « les époux peuvent se voir nus, mais sans regarder les parties sexuelles, » de recommander de placer une couverture sur leurs corps ; certains fondamentalistes vont jusqu'à interposer une feuille de journal entre leurs deux corps...

On peut rétorquer que dans un lieu privé chacun est libre de faire ce qui lui plait mais que cela ne saurait être le cas dans un lieu semi-privé ou public sans y tenir compte des us et coutumes, sinon cela peut donner lieu à des situations ubuesques. Une coiffeuse norvégienne a comparu le 8 septembre pour avoir refusé une cliente musulmane portant le hijab. La coiffeuse d'expliquer qu'elle aurait été obligée d'interdire son salon aux clients masculins devant lesquels la femme n'aurait pu ôter son « voile » ni montrer sa chevelure... Aucune femme occidentale n'aurait l'idée de porter le monokini dans un pays islamique sauf à vouloir provoquer ou à rechercher la lapidation. Pourquoi la réciproque ne serait-elle pas de bon aloi ? Cela requiert une seule qualité, l'adaptabilité culturelle, discipline peu enseignée qui appartient au champ de l'anthropologie, de la sociologie, de la psychologie culturelle. Pourquoi les actions du groupe féministe, les femen, choquent toutes les religions en bravant le code vestimentaire ?

La liste des comportements inadéquats est longue, il ne faut donc pas s'étonner qu'ils nourrissent des tensions inter-communautaires. Le tissu social semble avoir atteint son point de saturation et il serait bien naïf de penser que ces pratiques religieuses s'arrêtent soudainement. Chaque fidèle sunnite porteur du passé d'habitude et de traditions interprète l'Islam à sa guise et ne semble pas prêt à accepter un Conseil de l'Islam laïcisé... Est-ce seulement le fait du hasard si nombre de polémiques surviennent dans le milieu scolaire ou péri-scolaire : port du voile (1989), jupe longue, repas hallal, tenue de sport, etc., en rapport avec des adolescents peu matures et incapables d'esprit critique, ou faut-il y voir malice et manigance ? Un proviseur d'un lycée de Strasbourg avait suspendu la natation, filles et garçons de confession musulmane refusant le maillot de bain. Lors d'une sortie à Verdun dans le cadre de l'enseignement de l'histoire, des collégiens ont refusé de pénétrer dans la nécropole prétextant la présence de signes religieux, attitude qui « contraste » avec celle des fidèles musulmans qui se sont rendus à l'église à la suite de l'égorgement du prêtre dans son église à Saint-Etienne-du-Rouvray. On peut être opposé à une religion quelconque sans pour autant être opposé à la communauté des individus qui la compose (CQFD). La société est-elle confrontée à une technique de manipulation - à une démarche emprunte de sincérité et miséricordieuse - ou ces musulmans pensent-ils en leur for intérieur au terrorisme dans leur pays d'origine ? Leur compassion serait alors une catharsis très éloignée de l'altruisme.

La France n'en finit pas d'avoir mauvaise conscience. Comment expliquer aux générations actuelles qu'ils n'ont aucune responsabilité dans les expéditions coloniales décidées voici bientôt deux siècles ? Quant aux descendants des anciennes colonies vivant en France, ne devraient-ils pas procéder à une deuxième décolonisation, à commencer par celle de leurs esprits ? « Si, face à des menaces islamiques vous pouvez déprogrammer un opéra de Mozart à Berlin, une exposition à Londres, censurer un professeur de philosophie qui s'exprime dans le Figaro, c'est que vous pensez que le droit de dire ce que l'on veut est beaucoup moins important que la paix, qui vaut tous les sacrifices, y compris celui des valeurs. (...) Il faut que l'Europe soit fière de ses valeurs. Dans toutes les affaires récentes, elle s'est constamment reniée (Pascal Bruckner). »

Kant s'interrogeait : « Qu'est-ce que la liberté de penser si on ne peut communiquer sa pensée. » Le Coran a le mérite d'être aussi clair que le fut l'écrit d'un certain chancelier auquel personne n'avait accordé d'importance ; sourate V verset 51 : « Vous qui croyez ne prenez pas de juifs et de chrétiens pour amis, ils sont amis entre eux. Qui les prend pour amis sera des leurs, mais Dieu ne conduit pas le peuple coupable. » On pourrait multiplier les exemples ainsi que les extraits. Si le livre saint se doit à être interprété par un spécialiste de l'exégèse coranique pour être transposable à notre époque et adapté au multiculturalisme ainsi qu'à la laïcité (ce qui semble improbable de l'islam traditionnel), pourquoi le diffuser sans annotations explicatives actualisées afin d'en éviter toute lecture mal assimilée ou dévoyée ?

La stigmatisation ou le procédé gagnant - perdant, consiste à tirer profit de tout conflit mineur, fusse-t-il : idéologique, culturel, professionnel, personnel, grégaire, ou psychologique. La guerre des esprits ou guerre psychologique se propose de séduire et de convaincre une population cible. Si vous parvenez à faire poser les mauvaises questions, soyez assuré de ne jamais obtenir les bonnes réponses. Répondre à une polémique revient trop souvent à s'y enfermer, le petit père des peuples l'avait parfaitement compris et interdit par décret le port du voile en 1920. Le gagnant - gagnant n'est que de la « foutaise », dans toute négociation il y a toujours un perdant auquel on permet de « sauver la face ». Si chacun est libre de faire ce que bon lui semble chez lui sans indisposer ses voisins, les parents de confession musulmane vivant en France sont-ils conscients que maintenir ou encourager la pratique de valeurs culturelles passées en inadéquation avec la République laïque n'est pas la meilleure façon qui soit de préparer leurs enfants à la société française, ou faut-il y déceler un message subliminal et craignent-ils un jour d'avoir pour raison X ou Y de s'en retourner ?


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