C’est comme un soulèvement, dans notre territoire, on se parle

par Roland Gérard
lundi 1er mai 2023

Cela pourrait être n'importe où en France...C'était le samedi 29 avril nous étions plus de quarante dans le parc public dont plus de trente femmes...Un grand tour de parole nous a permis de mieux nous connaître, d’entendre une volonté de transformation de la société... une envie de convergence des luttes... d’horizontalité... de désobéissance civile... de joie... une volonté de se former... de chanter... de déviriliser la politique... de faire face à l'éco-anxiété, d'agir contre l’artificialisation des sols et pour le vivant... était là aussi le désir de construire une véritable démocratie... celui aussi d’écouter, apprendre, comprendre... de trouver de la place au beau, à la poésie et des copains de lutte... on peut évoquer aussi une petite note féministe... l'envie de se retrouver pour continuer était forte au moment de se quitter ...

 

Guerre ou rassemblements joyeux ?

 

Que se passe t-il dans notre pays ? De Sainte-Soline en mars nous parviennent des images et des commentaires qui font penser à la guerre, puis quelques semaines plus tard en avril sur le chantier de l'A69 ce sont des images de rassemblement joyeux et de fête et pléthore de message qui témoignent d'un moment de très haute qualité humaine.

 

Sens des responsabilités

 

Lors d'une réunion en Bigorre, nous avons pu entendre les témoignages d'une dizaine de personnes, surtout des jeunes femmes, qui ont vécu la mobilisation des 22 et 23 avril à Saïx contre la construction de l'A69. Déjà celleux qui avaient vécu Sainte-Soline contre les méga-bassines avait fait état d'une dimension d'une grande humanité, d'une qualité d'organisation « incroyable » et d'un grand sens des responsabilités chez les participant.es. Tout cela est plus que confirmé.

 

« ...Jouissance... »

 

« la marche a été une pure jouissance... une ambiance de joie » dit une des participante de l'A69. Plusieurs autres dans le cercle acquiescent. Cela ressort de nombreux témoignages. On parle d'un moment « cool et bon enfant », d'une ambiance « très familiale ». D'un moment « joyeux », « bienveillant », « festif » on parle d'une « festivalmanif ». « La bataille de peaux de bananes … on avait l'impression qu'il n'y avait que des enfants au bord de la route ».. « le moment des bananes euphorique, irréel ». On constate que ce climat fait tomber les inhibitions sociales habituelles : « On pouvait parler à tout le monde ».

 

A Sainte-Soline aussi

 

Quand nous avions dans les mêmes conditions débriefé Sainte-Soline, nous avions été saisi, par une participante en particulier qui avait témoigné de son choc en voyant que tout ce qui s'était passé pendant ce week-end de lutte avait été résumé par les média à des images et à des commentaires sur la violence, alors que ça avait été aussi tellement riche, humain et convivial. Nous avions déjà compris que les luttes qui se déroulent aujourd'hui, c'est tout autre chose que de la violence. C'est au contraire beaucoup de responsabilité, beaucoup d'humanité, une vraie citoyenneté vivante qui s'exprime...et impossible à ce moment du propos de ne pas penser à tous ces jeunes qui ne votent plus. Sont-ils moins citoyens que les générations précédentes ? Non. Sont-ils plus irresponsables ? Certainement pas. Sont-ils plus désespérés ? Sans doute... En tout cas ils ne croient plus à la capacité des partis politiques d'arranger les choses... ça tout le monde le sait.

 

Un atout maître : l'organisation

 

De tous les témoignages qu'on a entendu, c'est peut-être le plus marquant. Celleux qui ont vécu ces moments sont unanimes et montrent un étonnement empreint d'admiration quand ils évoquent : « trop de gens pour aider partout », « la capacité de faire la cuisine pour tout ce monde » de là est apparu un « sentiment de sécurité » et des « comportements très responsables » de la part des participant.es. Ce souci constant d'organisation ne s'arrête pas aux événements, est évoquée la « volonté de créer des liens avec les autres comités ». L'organisation ça se construit lentement. 516 ha de terres saccagées pour un projet de plus de 50 ans, ce n'est plus possible. Le prochain rdv c'est pour la fête des retrouvailles et contre Grand contournement Est de Rouen les 6,7,8 mai : Sortie de route pour l' A133-A134 Avec ici toutes les informations nécessaires. Il faut maintenant prendre grand soin des milieux naturels qui restent et de leurs habitants non humains.

 

Des participant.es « reboosté.es »

 

Quoi de mieux qu'une « festivalmanif » pour lutter contre l'écoanxiété ? On peut se le demander. Toutes et tous ont le sourire aux lèvres quand c'est la « musique », la « danse » ou les « rencontres » qui sont évoqués. Est évoquée aussi la qualité des conférences et des multiples réunions qui ont lieu à chaque fois. On y dit ce qu'on pense et on se respecte, les jeux de domination ne sont pas de mise. Une participante dit que ce week-end lui y a mis du « baume au coeur ». Vrai que les cœurs n'en peuvent plus de tant d'angoisse devant les méga feux, les inondations, les canicules … qui viennent. Sans compter la fin des hirondelles.

 

Dissoudre le peuple

 

Nous voilà avec trois conseils des ministres passés, depuis la promesse du ministre de l'intérieur de dissoudre les Soulèvements de la terre. Et toujours pas de dissolution. Pourquoi ce revirement ? Il y a certes les prises de position d'Annie Ernaux, Ken Loach, Noam Chomsky, Adèle Haenel... et autres stars du circuit... et les presque 100 000 signatures de la tribune mais pas que. Il y a eu aussi une soirée mémorable organisée par Reporterre, Blast, Socialter et Terrestres... plus de 150 comités locaux qui apparaissent sur une carte et autant d'engagement et de créativité citoyenne. Beaucoup de citoyens et de citoyennes savent que c'est injuste d'assimiler les jeunes qui se battent pour la planète à des terroristes. C'est même quelque chose d'insupportable. Ils ont du l'entendre là-haut... alors il se pourrait bien que le gouvernement sur ce point, recule. Il faut dire que ce n'est pas forcer le trait que d'y voir une volonté de dissoudre le peuple, comme cela a été dit par Bertolt Brecht suite à l'insurrection du 17 juin 1953 à Berlin-est « ...Ne serait-il pas plus simple alors pour le gouvernement de dissoudre le peuple et d’en élire un autre ?"

 

La raison de la non dissolution

 

La raison ? Il n'y en a peut-être en définitive qu'une seule : l'organisation et le sens partagé des responsabilités qui va avec. Ils sont allé trop loin à Sainte-Soline, bien-sur qu'ils sont allés trop loin... comme ils sont allés trop loin avec les 30 gilets jaunes mutilés, comme ils sont allés trop loin avec la réforme de retraites, comme ils sont allés trop loin avec Remy Fraisse et les 200 blessés de Sainte-Soline dont 40 graves et Serge toujours entre la vie et la mort, comme ils voudraient aller trop loin à Mayotte... Et maintenant les casserolades. Quelque chose du rapport de force se modifie... peut-être que c'est cette histoire de la peur qui a un moment change de camp ?

 

Puissance

 

Partout en Europe des jeunes de moins de 20 ans se collent les mains sur le bitume pour stopper les voitures, Greta est à son 245 ème vendredi de grève contre l'inaction des gouvernements quant à la crise du climat, d'autres repeignent les façades de banques ou des ministères, d'autres s'en prennent aux œuvres d'art … pour sauver les derniers oiseaux qu'il reste, pour dire stop aux canicules... Ils ne votent plus, mais semblent vouloir prendre leur destin en main... Il y a sans doute un autre facteur à prendre en compte maintenant et c'est la puissance. Une participante à décrit la situation d'une « nana » qui a sauté sur 5 cagettes avec les encouragements de la foule elle dit : « On a énormément de puissance, la force du groupe est folle ». Les mots « nourrit », « nourriture » reviennent plusieurs fois « je suis enchanté de ce moment très nourrissant » dit une participante.

 

« Justice sociale et crise écologique c'est très lié »

 

Avec ce qui se passe en ce moment dans notre pays ont se rend un peu plus compte que les liens sont forts entre toutes les luttes. Une participante dit : « Justice sociale et crise écologique c'est très lié » les liens sont même très forts : « On lutte, mais avec une sorte de joie de vivre intéressante à observer, commente de son côté Cédric Rossi, de Solidaires Informatique. Les gens se réapproprient leur pays, ça m’émeut et ça me rassure. » (Médiapart). C'est bien la même chose que nous ressentons au sein des Soulèvements de la Terre.... le monde change. À suivre !

 


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