Cacophonies sélectives
par Michel Koutouzis
samedi 8 janvier 2011
Si une chose fonctionne, c’est bien le transport de l’image à travers les ondes. A des milliers de kilomètres, j’assistai hier soir, en Afrique du nord, à un débat surréaliste de la télé française, une sorte de méli-mélo mélangeant intellectuels, hommes politiques et journalistes débâtant sur la mondialisation, les religions, la présidentielle, l’amour ou les primaires socialistes. Tout en faisant la promotion de leurs derniers bouquins respectifs. Il y avait de la cacophonie, ça partait (forcément) dans tous les sens, Le saxo Sollers, impérial et solitaire vantant l’amour insurrectionnel ou fustigeant les politiciens séjournant à Marrakech. Une flute sournoise et stridente du nom de Boutin susurrait à n’en plus finir sur un rapport qui lui avait coûté cher, suivez mon oreille. La flûte et le saxo retrouvaient quelques harmonies contradictoires concernant l‘amour, charitable pour l’une, autiste pour l’autre. Flûte et saxo croient aux diable (c’est sans doute la sentence la plus spirituelle de la soirée) l’une le combattant l’autre en faisant son partenaire libidinal. Puis (en fait avant), le trombone bien accordé, un peu lourdaud de Montebourg vanta les primaires socialistes qui sont en soit une révolution, mais surtout le fait que son grand père était arabe. Voilà un candidat aux origines arabes, en harmonie avec la diversité actuelle et non pas d’un ailleurs mittle Europa ou thessaloniquien, suivez mon nez. Le trombone, majestueux, martela qu’une démondialisation est possible, il suffit de le vouloir. Mais les citoyens veulent bien réguler. C’est justement ceux qui décident qu’ils ne le font pas. Soit dit en passant, la vérité sortant du pavillon du trombone, c’est la première fois depuis trente ans que les socialistes pensent réguler et le disent haut et fort à leur programme. Mieux vaut tard que jamais… Survient alors la clarinette, discrète et sans souffle, confondant nuance et inaudible, humour et second degré. La partition de Rambaud est sans doute bien ficelée, mais sa transposition en musique laisse à désirer. Du coup, le président et sa cour baroque s’en tirent, surtout que la clarinette, qui ne confond pas fêlure et rupture, entame un solo pour indiquer que le roi est très intelligent, et qu’on trouve plaisir (très XVIIe) à être en sa présence. Les fiches n’étant pas des partitions et la musique étant faite pour être entendue, cette partie de la cacophonie part en cymbales. Le cor Lévy, y perd son hallali. Habituée à la chasse robuste et unicorne, elle cherche désespérément un requiem anti islâm, un son brut de forge, sans succès. Mais ou sont passés les polyphonies assassines ? Elle s’ennuie… et le fait savoir par quelques notes de dépit. Quant aux autre journalistes, souvent spirituels, restent pourtant hors sujet : ils sont, comme, d’habitude restés à leur violon.
Ailleurs, un instrument non identifié du nom de Ferry, claironna tout au long de la soirée à la manière de Bourvil : scandalisassions : oui, indignation : non.
Les sons longs du muézine se perdent dans la cacophonie des klaxons matinaux, bientôt, à la sortie de la mosquée, le vox populi va claironner l’indignation…