Calcul de la limite de l’aire du droit de propriété
par Didier 67
lundi 11 janvier 2010
A faire vibrer les foules : commentaire d’une production de Laurence Parisot du 17 février 2009 !
Quand Laurence Parisot commenta au printemps dernier le bon mot de Nicolas Sarkozy qui prétendait qu’il lui plairait que les profits des entreprises soient répartis en trois tiers, elle exprima son désaccord :
Pardon pour tout ceci, mais c’est quand même bien de rappeler un certains nombres de principes. Par conséquent, nous considérons que le profit distribuable n’a pas à être divisé en trois. Il se décompose en deux parties. Je dois vous dire qu’hier autour de la table du Conseil, il y avait beaucoup d’émotion sur le sujet. Je voudrais surtout vous dire que ce ne sont pas les patrons du CAC 40 qui se sont exprimés. Ce sont les entrepreneurs, ceux qui sont créateurs d’entreprises, et qui comme l’un d’entre eux nous l’a rappelé, ceux qui en 20 ans ne se sont jamais distribué de dividendes. Fondamentalement, il faut comprendre que c’est quelque chose qui touche à un principe essentiel qui est le droit de propriété. Seul l’actionnaire peut décider du montant des dividendes. C’est son droit, ce droit est attaché au droit de propriété.
Source : http://www.medef.fr/main/core.php?pag_id=135928
Le droit de propriété est là présenté comme essentiel, fondamental.
Et pourtant, n’est-ce pas à chaque fois une atteinte au droit de propriété, même si cela est plus souvent implicite qu’exprimé, qui est à l’oeuvre dans :
l’obligation de dépolluer les sols souillés consécutivement aux accidents industriels,
l’interdiction des actes de cruauté à l’encontre des animaux domestiques ou d’élevage,
la loi sur la réquisition des logements vides, (http://asso.francenet.fr/cdsl/refs/lois/requis45.htm)
l’obligation légale de débroussaillement dans le cadre de la prévention des incendies de forêt, (http://ddaf.isere.agriculture.gouv.fr/article.php3?id_article=454)
etc, etc.... ?
Encore plus fondamental, la Convention de Genève du 25 septembre 1926 définit l’esclavage en ces termes :
"L’esclavage est l’état ou condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux."
L’abolition de l’esclavage est donc une atteinte essentielle au droit de propriété, et bien sûr combattue en tant que telle.
Si donc le droit de propriété est un droit premier de l’humain ("c’est mon doudou"), nous, société, en redéfinissons constamment les limites. Il n’y a là rien de nouveau, je vous le concède : la question de la propriété est centrale à l’œuvre de nombreux théoriciens (même si c’est très concrètement la faim qui met les populations en mouvement).
Or tant que l’univers était en expansion, il était toujours possible de dire "go west, young man". Et le blanc-bec de s’en aller plus loin faire pousser la barbe et du maïs. Mais maintenant que l’univers est fini, pire, qu’il se rétracte comme une vulgaire masse monétaire, la propriété oligarchique de la terre et des moyens de production est une violence encore plus extrême qu’au 19ème siècle.
Revenons donc au sujet : la piste de réforme du droit de propriété que je soumets à votre sagacité est joyeusement révolutionnaire : la mise à mort de l’actionnariat anonyme !
Cela se ferait très simplement en proclamant la règle suivante : seul celui ou celle qui travaille dans une entreprise peut en toucher des dividendes.
J’irai tout de suite plus loin en y ajoutant : celui ou celle qui travaille dans une entreprise en est obligatoirement actionnaire.
D’un côté, cela ne change pas grand chose : la liberté et l’envie d’entreprendre seront toujours là. Ceux qui se lèvent tôt gagneront toujours plus que ceux qui se couchent tard.
Soyons clair : je n’imagine pas que cette proposition recevra même ici un accueil enthousiaste et j’en vois déjà quitter la salle. Mesdames et Messieurs, voyons, restez, écoutez la suite. Car enfin, c’est finalement ridicule d’employer des mots comme "nouveau projet de société", "nécessaire invention", "placer l’Humain au coeur" et simultanément désirer encore "refonder le capitalisme" et participer aux banquets de Davos.
Revenons au texte de Mme Parisot cité plus haut. Nous avons " Ce sont les entrepreneurs, ceux qui sont créateurs d’entreprises" et plus loin " Seul l’actionnaire peut décider du montant des dividendes". Mme Parisot semble croire que les actionnaires sont les entrepreneurs. Est-ce de la bêtise, de l’aveuglement parisien, de l’hypocrisie ? Est-ce la même chose, risquer une grosse partie de son patrimoine pour un projet que l’on porte et placer des ronds dans une boîte en attendant que ça rapporte ? Hypocrisie, bêtise, parisottise !
Comme on le sait, les meilleurs jeux sont ceux qui permettent une infinité de situations à partir d’un nombre réduit de règles simples.
La disparition de l’actionnaire anonyme simplifierait les règles du jeu économique.
En particulier, elle réaliserait à elle seule cette obligatoire autre répartition des richesses que tous attendent, sauf bien entendu ceux qui tirent plus de revenus de leur capital que de leur travail.
La revalorisation du travail, c’est là qu’on la trouve, quand le salaire constitue une avance sur la richesse créée ensemble et non la dépense minimale consentie par l’employeur pour permettre la continuité de la mise à disposition de la force de travail d’un personnel a priori hostile.
"Refonder le capitalisme", quelle blague ! Cela vous a fait rêver, vous, le capitalisme ?
A toi l’actionnaire anonyme :
Il est vraisemblable que tu ne disposes pas d’un réel pouvoir d’action au sein des sociétés dont tu as acquis des actions (ou alors tu es vraiment fortuné). Tes participations te font donc devenir l’actionnaire anonyme type : un salaud, qui ne décide de rien et au nom duquel les stratégies les plus infâmes de surexploitation de la planète et de ses habitants sont conduites. Cela mis à part, je sais que tu t’investis positivement dans beaucoup d’autres domaines et j’ai vraiment beaucoup de plaisir à discuter avec toi : vivons heureux en attendant le résultat de nos actions et ressers-moi vite de cet incroyable Vendanges Tardives !