Cameroun : « Les nés avant la honte » !

par Aimé Mathurin Moussy
vendredi 13 juillet 2018

 

Dans les villes camerounaises, le lever du soleil s’accompagne d’une fraîcheur bienvenue. Vendeurs à la sauvette, et fonctionnaires prennent d’assaut les taxis de fortune, les buvettes et les bouis-bouis. Le matin ouvre les portes d’un rêve, on se retrouve entre amis pour décapsuler la première bière, pour parler du dernier fait divers, et pour parlementer sur le football.

Parfois, plusieurs centaines de personnes se rassemblent devant les kiosques à journaux, pour disséquer l’actualité politique. Tout ce qui est écrit souvent à la une des journaux est pris pour argent comptant. La plupart des gens, ne croient que ce qu’ils lisent, sans aucune retenue, sans aucun filtre. Les journalistes sont donc, pour cette frange de la population, des télévangélistes qui distillent la bonne nouvelle. Comme dans les églises, il faut croire sans avoir vu. Il en est de même des réseaux sociaux. On croit sans avoir lu et souvent sans avoir vu. Les télévangélistes dans le cas d’espèce, ce sont ces experts en tout, ces diplômés de tout ; ces candidats à tout.

Il serait quand même hasardeux, voire superfétatoire de remettre en question un enseignant d’université, gardien de la propriété intellectuelle ; il serait vaniteux de remettre en question les propos d’un éminent avocat sur des questions de droit ; il serait irrévérencieux sur des questions politiques de contrecarrer un politologue…. Voilà le complexe camerounais. C’est la gangrène de notre époque ! On dirait que certains intellectuels se sont tant investis dans leur parcours académique, pour s’exercer à des chorégraphies complexes.

La horde de bien-pensants, face à un pouvoir au bout du rouleau, pulse, vibre, s’agite. Les blessures des années 90 ne sont pas estompées, les cicatrices du passé colonial, non plus ! L’opposition à l’heure actuelle, n’existe que de nom, elle a été vidée de sa substantielle moelle, aujourd’hui alliée au parti au pouvoir. Ceux qui ont voulu lever la tête, sont déportés vers d’autres pays comme réfugiés politiques. En maille à se déterminer, ils ont trouvé un terrain fertile de recrutement et d’expression : les réseaux sociaux.

Ces réseaux sociaux sont de nouveaux lieux pour se divertir, pour retrouver une seconde vie, pour accéder à une reconnaissance sociale. Tant les Camerounais veulent se défaire de ce régime atone. Comme dans un marché, Il y en a pour toutes les bourses. Les plus futés sont devenus les commerçants de leurs philippiques ; les modestes optent pour la reconnaissance de leur statut d’antan bafoué ; Les crédules, ceux qui rêvent de changement, constituent le menu fretin voué à la potence. Cette manière d’abrutir la démocratie, renforce à n’en plus douter un régime aux abois qui s’accroche aux branches.

 

La guerre de l’image

 

Ces derniers temps, les thuriféraires de la chienlit ont réussi à susciter de l’émotion, avec des images dignes à couper le souffle. Personne n’a pris du recul, journalistes, hommes d’église et aficionados, ont repris en refrain la rengaine qui consiste à taxer ce régime de criminel. Les postures et les postulats eux seuls ne font pas plier un régime aguerri en la matière. Les images, sont parvenues à susciter de l’émotion. Et quand l’émotion est brandie à haut voltage, la raison s’enfuit.

Les deux images sont espacées de quatre semaines. Une qui présentait deux femmes traînées dans la boue par des militaires camerounais, et une autre présentant une femme et son bébé abattus froidement, par des militaires « camerounais ». Ces regards de l’horreur sont proches. On vit deux tentatives d’instrumentalisation de la violence, qui ne portent pas l’effet escompté sur le plan international. Parce que, ces apprentis sorciers ignorent que, les organisations internationales et les diplomates des pays avancés technologiquement, ont des outils de décryptage, des agents de renseignements crédibles, qui peuvent infirmer ou confirmer, des allégations aussi graves.

 

L’irresponsabilité de tels actes, produit un effet dévastateur sur l'opposition camerounaise, considérée comme menteuse et immature. Une fois de plus, les auteurs de cette falsification des faits, accordent à Paul Biya de bons arguments pour d'abord mener campagne, ensuite, être présenté comme l'homme de la situation.

 

Pour revenir aux accusations qui font un tollé sur la toile, on est à se demander si nous sommes encore sur la même planète. Les organisations des droits de l'homme ont des moyens technologiques de géolocalisation, pour borner les appareils présents sur ledit lieu du crime. En écoutant les deux vidéos, les timbres vocaux semblent identiques selon certaines sources diplomatiques.Avec le nouveau système de reconnaissance faciale, il est facile, pour les agences d'intelligence,de reconstituer une vidéo et savoir le jour, l’heure, l’endroit où la scène a été filmée… Personne ne s’émeut qu’une telle horreur n’ait pas suscité, la levée de boucliers de la communauté internationale. Par ailleurs certaines vidéos où les sécessionnistes étaient torturés ont été livrées avec l'aval de la hiérarchie militaire, comme arme de dissuasion. Quand le ridicule ne tue pas, il faut être né avant la honte pour continuer d'exister.

 Aimé Mathurin MOUSSY

 


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