Canal+, la lente agonie d’un géant à bout de souffle

par loupette45
mercredi 5 juin 2013

A la seule évocation du nom de la chaine, l'imaginaire collectif s'emballe. Il faut dire que Canal+ a longtemps été synonyme d'audace et d'irrévérence. Une réputation électrique qui continue de l'auréoler, malgré un changement de braquet radical, ces dernières années. Du statut de chaîne avant-gardiste et sulfureuse, Canal+ est passée à celui de chaîne vaguement hype, bobo sur les bords, un peu molle, un peu suiviste aussi. L'audience dévisse. Pourtant, le prestige de chaîne culte, lui, reste. Tentative d'explications.

Les grandes heures de Canal

Le projet Canal+ voit le jour en 1981, dans la foulée de l'élection de François Mitterrand. D'abord présentée comme une chaîne culturelle, puis comme une chaîne axée sur le cinéma, elle verra finalement le jour en 1984, en tant que chaîne généraliste. On y diffuse du foot, beaucoup, des films inédits à la télévision, du porno, une fois par mois, mais aussi des émissions grand public.

Surtout, sous l'impulsion d'Alain de Greet et Pierre Lescure, Canal+ met en avant, dès 1985, des programmes phares tels que Coluche 1 Faux (Coluche) et, en 1987, Objectif Nuls (Les Nuls) et Nulle par ailleurs. Le ton est donné, l'identité de la chaîne trouvée. Canal+ sera décalée ou ne sera pas. Tout va pour le mieux. En quelques années, le groupe gonfle son nombre d'abonnés de façon spectaculaire.

Tout commence à basculer en 1994, lorsqu'André Rousselet est débarqué. La même année, Jean-Luc Delarue s'en va. Deux ans plus tard, c'est au tour d'Antoine de Caunes de faire ses bagages. En 1995, la fameuse ellipse Canal+, véritable identité visuelle du groupe, est abandonnée, au profit d'un logo en cartouche noir au lettrage blanc. Un changement de ligne symbolique. Si Canal+ continue depuis de vivre sur ses programmes superstars (Les Guignols de l'Info, Groland, le Zapping...), elle semble éprouver un certain mal à se renouveler, et ce ne sont pas les créations originales de la chaîne - parfois réussies, souvent foireuses, en un mot inconstantes - qui permettent de renverser la vapeur.

Pas davantage que le Grand Journal.

 

Le Grand Journal, la grande esbroufe ?

Emission hype par excellence, le Grand Journal est un peu la vitrine autour de laquelle s'articulent et se déclinent l'ensemble des programmes de la chaîne. Pourquoi ? La question se pose.

Pâle copie de Nulle part ailleurs - à ceci près qu'une kyrielle de chroniqueurs en carton-pâte vient prêter main forte à l'"animateur", Michel Denisot, soporifique au possible - l'émission est un monument à la gloire du vide. Il ne s'y passe rien, ne s'y dit rien qui ne soit, pour reprendre un mot d'Alain Finkielkraut, d'"une arrogance absolument fanatique, (d')une bien-pensance en béton armé, (d')une certitude de granit".

Vacuité telle qu'Ollivier Pourriol, chroniqueur dans l'émission durant la saison 2011-2012, a même écrit un pamphlet (On/Off. La comédie.) pour dénoncer le vide abyssal dont participe le programme.

Canal+ a fait feu de tout bois des valeurs chics et chocs qui étaient les siennes, pour verser dans la dictature de la hype. Une hype qu'elle suit de loin plutôt que de la précéder. Anciennement prescriptrice de tendances, la chaîne est devenue un traquenard duquel les abonnés ont du mal à s'extirper, pour cause d'impossibilité de résilier son contrat avant sa date anniversaire. Culte ? Peut-être encore, oui, grâce à son rayonnement passé. Mais le halo faiblit à vue de nez. 


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