Cantat, ce sombre héros de l’amer

par siatom
jeudi 15 mars 2018

Qu’il était beau le rebellâtre au verbe haut lors de la soirée des Victoires de la musique en 2002 lorsqu’il tançait vertement Jean Marie Messier Moi-Même Maître du Monde alias ‘’J6M’’ surnommé ainsi par les Guignols de L’info du temps, hélas révolu, où ils étaient souvent drôles.

Sa rebellitude de pacotille avait pourtant certaines limites qui l’empêchaient alors de dénoncer le contrat qui liait son groupe ‘’Noir Désir ‘’et la multinationale qui produisait les albums car celui-ci lui procurait des avantages susceptibles d’apaiser les tourments et de panser les blessures de cet écorché vif rejetant le système capitaliste honni tout en ne rechignant pas à en accepter ses largesses.

On aurait pu penser qu’après le drame de Vilnius et avoir payé sa dette à la société qui s’était montrée en l’occurrence indulgente et plutôt accommodante à son égard, le rocker bordelais aurait fait profil bas.

C’était mal connaître ce donneur de leçons de morale qui ne s’est pas privé dans sa chanson ‘’l’Angleterre ‘’ de réprimander les Anglais qui n’avaient pas voté à son goût lors du référendum sur le Brexit et se seraient montrés ainsi défiants et inhospitaliers envers les migrants.

Lui qui partage pourtant avec Hollande une saine détestation de la finance se serait même permis en juillet 2014 lors du Main Square Festival à Arras de le traiter de « salaud qui nous gouverne » en soutien aux intermittents.

Il ne nous viendrait pas à l’esprit de contester l’expertise de Cantat en matière de saloperie mais au moins peut-on lui faire remarquer que le scootériste masqué quand il se rendait chez sa dulcinée lui apportait des viennoiseries sans doute nocives pour la ligne mais non létales tandis que Marie Trintignant succombait, victime d’une volée de coups de poings assénée par un être si sensible à la misère du monde et à la douleur d’autrui.

Peut-il encore chanter ? Nous répondons sans hésitation par l’affirmative en tous lieux et en toutes circonstances, sous la douche, sous la pluie, sur scène mais les protestataires ont aussi le droit de manifester leur désapprobation et les organisateurs de concerts de le déprogrammer. S’il avait exercé dans la plomberie avant son crime, la tâche serait plus aisée, les chasses d’eau et les robinets n’ont pas l’habitude de manifester leurs états d’âme.

Hélas, chanter ne lui suffit pas et la discrétion ne lui sied pas, il a fallu qu’il s’épanche, pleurniche et s’apitoie sur son sort avec indécence à longueur de colonnes dans les Inrocks ce canard labellisé ‘’gauche divine’’ réceptacle privilégié de tous les mutins de panurge.

Au hasard de nos errances sur le Net nous sommes tombés sur un vrai bijou qui prouve que le camp du Bien ne laisse jamais tomber ses brebis momentanément égarées pour peu qu’elles restent doctrinalement pures et inaltérables.

Ainsi pouvait-on lire dans le Monde en Août 2003 sous la plume de trois arbitres des élégances idéologiques Hélène Châtelain, Claude Faber et Armand Gatti une tribune sobrement intitulée ‘’ Bertrand Cantat reste des nôtres’’ dont nous avons extrait ce court passage qui en dit long sur le délitement moral et l’aveuglément de ces prétendus intellos « Mais ceux qui le connaissent, ceux qui l'ont applaudi, ceux qui l'ont accueilli dans leurs rédactions, leurs meetings, leurs rendez-vous publics, ceux qui l'ont appelé en soutien, ceux qui ont salué sa détermination, son engagement, son talent artistique, son humanisme, sa rigueur intellectuelle, sa liberté de pensée... ne peuvent l'oublier et taire la réelle personnalité de Bertrand »

Peut-être seraient-ils plus avisés de lui conseiller désormais de redevenir ce sombre héros de l’amer qui avait su auparavant traverser les océans du vide. Always lost in the sea.


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