Carnaval de Marseille : incurie ou duplicité des pouvoirs publics ?
par Fergus
vendredi 26 mars 2021
Le dimanche 21 mars s’est déroulé, au cœur de Marseille, le Carnaval de La Plaine. Et cela dans un non-respect quasi-total des mesures de prévention de la contamination au Covid-19. Comment ce défilé festif débridé a-t-il pu avoir lieu alors que les autorités de la cité phocéenne étaient parfaitement au courant de la tenue de cet évènement ?
La plaine est le nom populaire donné à la place Jean-Jaurès, et par extension au quartier qui l’entoure. Chaque année un carnaval d’esprit libertaire est organisé dans ce secteur et le quartier de Noailles sur fond de lutte contre la « gentrification » de la ville. En 2020, cette manifestation festive et haute en couleurs a dû être annulée pour cause de Covid. Pas question pour les Marseillais attachés à cette tradition, et notamment pour les membres du collectif d’organisation, d’y renoncer cette année.
Durant les semaines qui ont précédé le 21e Carnaval indépendant de La Plaine, de nombreuses affichettes ont été placardées sur les murs des quartiers environnants : Noailles, Thiers, Réformés, Camas et Notre-Dame du Mont. Le jour dit, des milliers de personnes, déguisées pour la plupart d’entre elles, se sont présentées au lieu de rassemblement malgré une interdiction préfectorale.
Interdite, vraiment ? Yannick Ohanessian, maire-adjoint en charge de la Sécurité avait averti par courrier Frédérique Camilleri, préfète de police des Bouches-du-Rhône, quelques jours avant ce carnaval. En outre, les forces de police ne pouvaient ignorer sa tenue, eu égard à la publicité qui en avait été faite sur la voie publique. Or, aucune interdiction n’a été notifiée aux organisateurs, au motif que la manifestation « n’était pas déclarée, et donc interdite de facto ! ». ‘L’interdiction de facto, un nouveau concept !
À 14 h 30, le défilé s’est ébranlé, rythmé par la musique, les chants et les danses. Autour du parcours, de nombreux policiers et CRS ont été mobilisés malgré cette interdiction « de facto », mais sans que soit décidée par la préfète la moindre intervention de leur part. Il est résulté de cet étrange laxisme de la préfecture un défilé joyeux et débridé qui s’est tenu durant des heures dans un mépris presque total des mesures barrière.
Ce n’est qu’en fin d’après-midi que les forces de l’ordre ont dispersé les 6500 participants – évaluation de la police –, moyennant quelques incidents et dégradations, certes regrettables mais sans réelle gravité.
Muette jusque-là, la préfète s’est alors indignée : le carnaval « s'est déroulé dans une ambiance de non-respect des gestes barrière », a-t-elle constaté, notant en outre qu’il « s’est terminé dans la violence contre les forces de l’ordre et avec des dégradations commises contre du mobilier urbain. C’est véritablement injustifiable. »
Frédérique Camilleri a enfoncé le clou dans un tweet : « Ni déclaration en préfecture, ni masques, ni distanciation physique. Irresponsabilité totale des participants au Carnaval de La Plaine à Marseille en pleine crise sanitaire. »
Certes, les participants ont, par leur comportement, créé les conditions de l’émergence d’un nouveau foyer de contamination du Covid-19. Et en agissant ainsi, c’est moins eux-mêmes qu’ils risquent de mettre en danger dans les prochaines semaines – la plupart des participants étaient jeunes – que leurs proches et leurs amis âgés, obèses ou atteints de comorbidités ! Mais pour quelle raison la préfecture a-t-elle fait preuve d’un tel laxisme ?
Questionnée sur ce point, la préfète a prétendu qu’il était difficile de « pouvoir disperser la foule en toute sécurité » durant le défilé, ce que personne ne nie, surtout dans une ville qui souffre d’une insuffisance chronique d’effectifs. Mais pourquoi n’avoir pas agi en amont ? D’une part, en notifiant aux organisateurs l’interdiction formelle du carnaval dès le signalement par la mairie de Marseille. D’autre part, en demandant aux forces de police de disperser les participants au fur et à mesure de leur arrivée sur le lieu de rassemblement mentionné sur les affichettes ?
Faute de réponses, d’autres questions se posent, et notamment celles-ci : La préfète de police et ses collaborateurs ont-ils fait preuve d’incurie en ne prenant pas les dispositions préventives que la situation sanitaire de la région exigeait ? Ou bien a-t-elle délibérément laissé se dérouler cet évènement « interdit de facto » pour complaire à une droite marseillaise qui surjoue l’indignation en tentant de discréditer les militants de la gauche radicale ? Cela relèverait de la duplicité !
Images du Carnaval 2021 : lien.