« Casse-toi » et « c’est moi le plus fort » ; tout un programme pour 2012

par Bernard Dugué
samedi 19 février 2011

On ne peut que le déplorer mais avons-nous le choix. La campagne de 2012 aura comme thème central non pas l’emploi, ni la sécurité et encore moins l’identité mais un objectif placé au centre des intentions. A vrai dire, presque une redite du TSS de 2007 mais cette fois argumentée par une expérience de 5 ans. Sarkozy doit partir. Une majorité de Français ne veulent pas d’un second mandat du président actuel. Les arguments ne manquent pas. Malgré les apparences, les sophismes éditoriaux, les commentaires sur une politique internationale menée au pas de course, le bilan de Sarkozy est mauvais. L’essentiel de la campagne en 2012 consistera pour la majorité à embellir une action et faire passer le président actuel comme un chef visionnaire qui a su mener les réformes, sauver l’avenir ; mais la faute à pas de chance, sa gouvernance a été entravée par la crise financière de 2008 qui s’est invitée dans l’histoire, faisant dérailler le train de réformes lancées par Sarkozy, puis vaciller la cohésion européenne, sans compter le déficit et le chômage. Je n’aimerais pas être à la place d’un porte-parole de l’UMP. Il faudra manier une langue de bois avec l’art de la rhétorique sophistique tout en restant stoïque et droit dans le discours, sans ciller malgré le sentiment du mensonge, en gardant son aplomb tout en sachant que les chiffres fournis sont légèrement manipulés.

La politique, c’est tout un art. Le cinéma a ses acteurs dont le talent est hors de portée du commun, comme du reste la musique révèle des stars dont la voix est surhumaine. La politique a aussi ses maîtres à discourir. Faire campagne dans les médias impose d’être doublement compétent, dans la connaissance des dossiers et l’art de débattre, quitte à mentir. On peut penser que c’est difficile mais en vérité, l’homme politique est doté d’un psychisme lui permettant de croire à ses mensonges. Il croit à la réalité d’un monde dont il parle avec son langage qui est la demeure de sa nation qu’il gouverne. Voilà pourquoi il paraît sincère dans ses discours alors qu’il donne l’impression aux citoyens de parler d’un monde qui n’existe pas. On l’a constaté avec les déclarations d’une Michèle Alliot-Marie qui visiblement, ne savait pas que ses amitiés suspectes n’étaient pas conformes à la morale républicaine. Elle n’avait pas le sentiment de mal faire en voyageant avec quelques spécimens appartenant à la caste prédatrice de la Tunisie. Il ne faudra pas s’étonner si lors de cette campagne, en quelques occasions, nous avons l’impression d’entendre des gens à la télé parler d’un pays imaginé, pour ne pas dire imaginaire. Rien de comparable avec un sport où le ballon ne peut qu’être dans les buts ou en dehors. En politique, un porte-parole peut déclarer sans sourciller que l’action de Sarkozy pour l’emploi a été un succès. Mais rien n’assure que les Français le croient. Alors, la tâche de la gauche sera facilitée et il ne sera pas difficile de convaincre les Français que l’action du président et ses ministres a été un fiasco. Et qu’en plus, l’image de la France a été ternie par de nombreuses affaires. Aussi, dans le camp adverse, il ne faudra pas lésiner sur les sophismes et autres déclarations visant à discréditer l’adversaire et faire croire aux Français que le PS est incapable de gouverner, n’a pas d’idée, et même que sa principale figure n’a pas d’ancrage dans le terroir qui lui, ne ment pas, la terre sachant très bien qui doit la gouverner.

Le thème central étant donné, la campagne pour 2012 promet un ennui mortel. Dieu merci, les têtes d’affiches de manquent pas. D’aucuns se délectent d’un croisement de fers entre Marine et Jean-Luc alors que les paris sur le troisième homme (ou femme) feront l’objet d’une attention soutenue. Mais ne nous y trompons pas, le jeu consistera à sortir le sortant. Ce qui se jouera au second tour alors que la campagne permettra à chaque candidat de montrer ses muscles et se présenter comme le plus fort. A la clé, des alliances sont négociables pour les législatives. Et surtout, pour les places de ministres. L’équation est simple pour les Verts. Peu importe le discours, seul compte le résultat. Un faux écolo comme Hulot à 12 points sera choisi plutôt qu’une femme de conviction comme Eva Joly à 6 points. Le décompte en ministre sera plus avantageux. Qui sera le plus fort, le plus beau, le plus habile, le meilleur pour récolter des voix ? Voilà le second thème de l’élection présidentielle de 2012, étant entendu que l’objectif central sera de sortir Sarkozy de l’Elysée, excepté pour le Nouveau centre dont la mission est de prendre le plus de voix pour ensuite négocier une alliance avec Sarkozy ; un Nouveau centre dont la maxime est, ne te casse pas, on sera là pour t’aider à gouverner si tu veux bien enfin nous prendre au sérieux. Mais la partie sera difficile car beaucoup de Français n’espèrent qu’une chose, que Sarkozy s’en aille. Le reste étant livré aux caprices de l’économie. La France se porte assez bien parmi les pays européens, tout en souffrant de manques dans beaucoup de secteurs et d’une fracture territoriale conséquente, accentuée d’année en année malgré tous les plans de replâtrage délivrés depuis l’Etat. La France ne devrait pas aller mieux et s’enfonce dans la morosité. Alors les Français auront au moins une satisfaction en 2012, celle de ne plus voir Sarkozy, de ne plus l’entendre avec ses provocations et son théâtre d’annonces et d’invectives.

Evidemment, on ne peut se réjouir du tournant que prend la vie politique en France. L’horizon s’est fermé. Dans les années 1970, les citoyens avaient des aspirations à défendre, des espaces à conquérir, des valeurs à partager, des utopies pour rêver. La technique dominait mais n’était pas le seul horizon contrairement aux années 2010 marquées par les désirs de smart consommation. Dans les années 1970, les aspirations sociales se superposaient à l’univers technique qui, tel qu’abouti en 2010, se suffit à lui-même pour donner la feuille de route. Les finances sont au plus bas. La croissance est atone. La France n’a plus d’avenir et doit être gérée par un spécialiste du surendettement. DSK est l’homme de la situation. Les caisses étant vides, tout projet politique matériellement programmable est mis au rancart. Les politiques ne pourront le dire aux Français, enfin, pas de manière directe. Le seul avenir repose sur les inventions sociales et autres innovations portées par les citoyens du vrai monde. La politique ne peut pas faire grand-chose.

Il ne faut pas le répéter mais en 2012, le citoyen aura le choix entre deux impasses. Celle de Sarkozy qui veut des services publics plus efficaces avec moins de moyens et une croissance dans un contexte où elle est impossible. Celle du PS qui veut des soins, du care, des partages dans une société où il n’y a plus de sous et où chacun défend ses sous. Irréalisable, comme du reste le délire de la croissance verte. Conclusion . Deux thèmes, « casse-toi ! » et « je suis le plus fort ».


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