Catholicisme et évolution

par trevize
mercredi 24 décembre 2014

Un petit billet rapide en cette veille de Noël, évoquant une sortie récente du chef de l'église catholique, François premier. Mon intention n'est pas de relancer une guerre de trolls sur le sujet de la théorie de l'évolution, même si c'est bien ce qui risque de se produire.

Afin de mieux comprendre ma démarche, il me faut préciser avant toute chose que je me suis longtemps considéré comme un scientifique rationaliste et athée, rejetant toute forme de spiritualité, ne voyant dans les religions que "l'opium du peuple" et un carcan privant l'être humain de son libre arbitre. Seule la science pouvait expliquer efficacement les phénomènes de l'univers, les ennemis de la science étaient mes ennemis, au premier rang desquels les religieux qui la rejettent. Je voyais les êtres religieux comme de pauvres personnes égarées dans une vision du monde totalement archaïque. J'ai, depuis, mis beaucoup d'eau dans mon vin, compris l'utilité des religions et toute la sagesse qu'elles peuvent contenir. Au point de ne plus comprendre cette absurde querelle opposant les religieux partisans de la création de la vie, et les scientifiques partisans de l'évolution.

Dans le fond, création et évolution vont de pair. Rien n'est figé dans l'univers, toutes les choses évoluent. La création est un processus : on part d'un presque rien qui évolue pour devenir quelque chose. En fait, ces deux termes sont pratiquement des synonymes. Ce n'est qu'à notre petite échelle que la distinction entre les deux a un sens, car même la plus aboutie et la plus figée des créations évolue. Dès l'instant où nous considérons qu'une oeuvre est "finie", elle entame en fait sa période de déliquescence. Toutes nos oeuvres, nos écrits, nos tableaux, nos monuments finiront par disparaître un jour ou l'autre, usées, rongées par le temps, le climat. Même la plus stoïque des montagnes évolue : certaines continuent à croître, d'autres se font rabotter par les glaciers et les intempéries. Et quoiqu'il arrive, le compte à rebours cosmique tourne : le soleil brûle ses réserves d'hydrogène à raison de 627 millions de tonnes par seconde. A mesure que ses réserves s'épuisent, il s'étend il s'expand, et il finira par englober la terre, réduisant à néant la plus pérenne des créations terrestres, qu'elle soit le fait de l'homme ou non.

Alors je me refuse à comprendre le pourquoi de cette querelle opposant "évolutionnistes" et "créationistes". Ou plutôt, je la comprend très bien à titre personnel, mais je me refuse à partager cette explication qui est elle-même toujours mal comprise. ça paraîtra peut-être prétentieux, mais je me sens totalement en-dehors de ça, et je perçois les membres de ces deux groupes comme de pauvres hères hypnotisés. La querelle est née avant eux, ils n'en sont pas responsables, au sens qu'ils ne l'ont pas créée, pas plus qu'on ne leur demande de la perpétuer, mais la nécessité de comprendre le monde et de donner un sens à leur vie les pousse à choisir un camp et à le défendre en attaquant l'autre. Plutôt que de ne rien faire, choisissons de faire n'importe quoi.

Les scientifiques introduisent le hasard partout où dieu leur manque. Les scientifiques veulent vider dieu de sa substance, lui arracher chaque parcelle de connaissance pour construire leur édifice. Les religieux ne voient pas du tout ça d'un bon oeil, ils ressentent cela comme une agression, et s'en défendent comme ils peuvent. Le croyant veut se savoir proche de dieu, ça ne lui plaît donc pas qu'on lui dise qu'il "descend du singe". Il rejette cette idée avec violence. Ce n'est pas conforme à une lecture au pied de la lettre des saintes écritures, et ça ne flatte pas non plus son égo : d'après la science, l'homme ne serait pas différent de l'animal, donc pas plus proche de dieu que lui. Les deux groupes s'aveuglent : la science ne videra jamais dieu, il y aura toujours quelque chose de plus à connaître et à comprendre. Quelle que soit la longueur de la chaîne de causalités que nous construisons, on peut toujours ajouter un maillon en amont. Quoi que l'on découvre, quoi que l'on comprenne, il restera toujours un pourquoi à poser, donc toujours une place pour dieu.

De mon point de vue, cette querelle est un pur dialogue de sourds. Une bataille d'orgueilleux qui disent la même chose de deux façons différentes, qui n'arrivent pas à dépasser l'apparente contradiction entre "l'homme est un animal" et "dieu a fait l'homme a son image". Chacun veut placer l'autre sous sa domination, les scientifiques disent que la science est plus forte que dieu, les religieux affirment le contraire. Il est un ancien proverbe, que nous tenons des romains, qui eux-même le tiennent de dieu sait qui, qui dit : "la vérité sort de la bouche des enfants". Je voudrais partager avec vous une vérité sortie de ma bouche lorsque j'avais huit ans. Alors qu'on venait de me dire que les grecs s'expliquaient les éclairs comme étant l'expression de la colère de Zeus, le dieu suprême, une pensée m'a illuminé l'esprit : "dieu est responsable de tout ce que nous ne savons pas expliquer". Et le hasard de la science n'est rien d'autre que ça. La science appelle hasard les phénomènes qu'elle ne parvient pas à expliquer, les chaînes de causes et de conséquences qu'elle ne parvient pas à déceler.

Cette querelle concerne principalement les religions monothéistes. Pourtant, parmi celles-ci, il s'en trouve une, la religion catholique, qui a un chef spirituel suprême, le pape, et plusieurs de ces papes ont annoncé publiquement, en prenant plus ou moins de précautions, que cette vision du monde que propose la science n'est pas dépourvue de bon sens, et qu'elle ne s'oppose pas du tout aux écrits sacrés.

L'historique de ce rapprochement est consultable ici, je ne reprendrais donc pas toutes les étapes, seulement les plus importantes. Jean-Paul II a rappelé que "la distinction entre science et religion n'entraîne pas leur opposition".
Plus récemment, en octobre de cette année, François premier a affirmé que "le big bang n'est pas en contradiction avec l'intervention créative de Dieu, au contraire il la nécessite" et "l'évolution requiert la création de choses qui évoluent". Tout cela n'a rien de nouveau, puisque ce rapprochement a commencé il y a déjà plusieurs dizaines d'années. Cependant, François va beaucoup plus loin lorsqu'il dit : "Quand nous lisons le récit de la Création dans la Genèse, nous risquons de prendre Dieu pour un magicien, brandissant sa baguette magique pour tout faire. Mais ce n'est pas ainsi."

Sans le dire crûment, François nous invite à ne pas prendre la genèse au pied de la lettre, il rappelle que science et religion, bien que distinctes, ne sont pas opposées. Cette guéguerre n'a que trop duré ; le big bang et l'évolution sont des théories, des concepts flous qui ne demandent qu'à être précisés, qui nous permettent d'expliquer bien des choses, mais qui ne détruisent pas dieu, bien au contraire. La science n'a pas la volonté de détruire dieu, et quand bien même elle l'aurait, s'il existe, elle n'y parviendrait pas. Il serait temps que les religieux cessent de ne voir en la science qu'un ennemi mortel à abattre, il serait temps qu'ils cessent de perpétuer la guerre, en voulant détruire la science, ou la mettre insidieusement sous leur coupe avec leurs théories créationnistes.

Tout cela est proprement ridicule. Je n'ai fait ni cathéchisme, ni communion, pourtant nous arrivons au paradoxe suivant : en croyant à la théorie de l'évolution et au big bang, j'adopte la même pensée que le pape François et ses prédécesseurs, et je me trouve donc plus proche de lui qu'un fervent pratiquant catholique qui prend la Genèse au pied de la lettre et rejette violemment les théories scientifiques. Je suis donc plus croyant qu'un pratiquant. Catholiques, montrez-vous plus intelligents que les scientifiques athées. Comprenez que ces théories ne détruisent pas Dieu, puisqu'elles sont pleines de zones d'ombres que nous n'expliquons pas et qui sont la preuve de Son influence. Les zones d'ombre de la science ne sont pas la preuve de la nullité des théories scientifiques, pas plus que les phénomènes que la science explique ne remettent en cause l'existence de dieu.
Si la foi vous paraît inconciliable avec les théories scientifiques actuelles, alors je vous conseille de changer de religion au plus vite, ou bien d'opérer une révolution au sein de ses plus hautes instances, car votre chef spirituel, le représentant de votre dieu sur terre, est en désaccord avec vous : j'enfonce le clou une dernière fois, foi catholique et science sont distinctes mais pas opposées.

Voilà, j'espère un débat serein sans trop y croire. J'aimerais savoir, si vous vous considérez comme catholique et que vous êtes contre l'idée d'évolution, comment parvenez-vous à concilier votre foi avec la position officielle du Vatican ?


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