CDD précaires : quand les syndicats étaient du côté du gouvernement

par lionel.a
vendredi 22 juillet 2016

Les syndicats viennent de dénoncer le mouvement amorcé par la Loi travail. Or, dès 2014, à l’occasion d’une QPC relative à la prime de précarité des CDD, les syndicats auraient pu défendre les travailleurs. Ils se sont abstenus.

La « Loi travail »vient d’être validée à coup de 49.3 après un parcours a été assez chaotique. Malheureusement, les acquis sociaux en sortent fragilisés, notamment avec l’émergence des CDD qui semblent devenir la règle à assez brève échéance.

Les syndicats se sont, ces derniers temps, battus, c’est exact. Mais une action, ou plutôt une absence d’action, est passé sous silence. Remontons en 2014.

Dans les années 2010, j’avais rempli un contrat à durée déterminée, dit « d’usage ». C’est un CDD pour lequel l’employeur est dispensé de payer au salarié la prime de précarité de 10 %, normalement due à l’issue de la mission. La liste des employeurs chanceux est fixée par décret, et porte sur des domaines tous aussi divers que les chantiers à l’étranger, le sport, les spectacles, l’humanitaire, les métiers saisonniers…

Après un échec de discussions avec mon ancien employeur, j’avais porté l’affaire devant le Conseil de Prud’hommes, en joignant une Question prioritaire de constitutionnalité (« QPC »). Celle-ci consiste en une requête susceptible d’être présentée devant le Conseil constitutionnel pour que la loi soit annulée. Rien que ça ! (Sinon, il faut au moins soixante députés ou sénateurs pour s’y opposer devant l’Institution.) À charge ensuite aux parlementaires de corriger leur texte, sans 49.3…

Avant d’aboutir devant le Gardien de notre Constitution, toute une série de barrages doivent être franchis, fragilisant les chances de succès : les Prud’hommes (succès) puis la Cour de cassation (succès, n°14-40009 du 9 avril 2014). J’ai dépassé ces obstacles jusqu’à l’audience publique du 3 juin 2014 devant le Conseil constitutionnel, QPC n°2014-402. Là, mon élan s’est arrêté. C’était déjà très bien que le simple citoyen que je suis parvienne à un tel niveau, et sans avocat !

L’affaire que j’apportais aurait permis à de nombreux travailleurs précaires de toucher cette prime de précarité de 10 % que leurs homologues perçoivent la plupart du temps. Il ne s’agissait pas tant de pénaliser l’entreprise, mais d’aider des salariés. Aujourd’hui, quand on voit que les syndicats réclamaient une taxation supplémentaire des CDD, on a l’impression qu’il s’agit de sévérité envers les employeurs. Cette sanction est-elle utile ? Le gouvernement a jugé que non.

Quand ma QPC avait franchi le seuil des Prud’hommes, j’ai contacté les trois principales formations syndicales par téléphone. Pour certains, on me transférait l’appel avec un interlocuteur, tandis qu’avec d’autres on me donnait l’adresse mail du service juridique. À chaque fois, je ne me contentais pas de parler, mais je transmettais mon dossier complet.

Aucune des trois structures n’a jugé opportun d’appuyer cette affaire. Pire, devant la Cour de cassation le gouvernement s’appuyait sur les accords obtenus avec les syndicats ! Ainsi les travailleurs n’étaient pas défendus, mais au contraire, on se servait de leurs prétendus soutiens pour les enfoncer… Mon amertume m’a poussé, calendrier aidant, à envoyer à ce trio un mail intitulé « Triste premier mai ». Ce n’était pas le fait de me battre seul, je sais faire, mais j’avais l'impression d’être face à un mélange d’hypocrisie, d’incompétence, ou encore de rôles que les syndicats se donnent pour montrer qu’ils savent discuter avec le gouvernement et le Medef, le tout sur le dos de travailleurs précaires.

Alors, ces dernières semaines, j’étais quelque peu curieux de voir si la tartuferie continuerait. Ensuite, il fallait que j’informe sur ce qui s’est passé en 2014 : les syndicats n’étaient pas au rendez-vous.


Lire l'article complet, et les commentaires