Ce qui se cache derrière le prétexte Dieudonné

par Caleb Irri
jeudi 23 janvier 2014

J’ai regardé - et écouté, ou lu - beaucoup d’analyses sur « l’affaire Valls/dieudonné » depuis un peu plus d’une semaine, en me demandant chaque fois ce qui relie cette affaire à la situation économique et sociale actuelle. Car j’ai vraiment du mal à croire que toute cette affaire n’ait pas d’autre objectif que la défense des opprimés… Ca se saurait ! Et je crois avoir trouvé l’explication qui me satisfait le plus ; je vous l’expose ici :

tout d’abord il apparaît, sans vouloir tomber dans le conflit stérile du « deux poids, deux mesures » qu’on nous ressert à chaque débat (la mort ou la persécution d’un homme, quel qu’il soit et pour quelque raison que ce soit, est un drame un point c’est tout), que ce n’est pas pour lutter contre l’antisémitisme que Valls a mis en scène toute cette mascarade, car en faisant cela il l’attise plutôt qu’il ne le fait disparaître. (voir « La religion des cons » et « Les guerres ne sont jamais de religion »)

 

Et que ce n’est pas non plus pour préserver la dignité humaine (nos politiques s’assoient dessus quotidiennement, en capitalisme la rentabilité passe avant la dignité humaine), ni pour éviter les troubles publics (ils en sont les principaux responsables).

Ce qui est certain maintenant, c’est que le gouvernement attaque dangereusement la liberté d’expression grâce à cette affaire (Dieudonné n’est que le prétexte qui sert les intérêts du gouvernement), et qu’il s’apprête par ce biais à interdire, même a priori, quiconque se mettra en travers de leur route. Et pas sous le prétexte de l’antisémitisme, comme l’indique l’ordonnance du Conseil d’Etat (enfin redevenu accessible), mais pour atteinte à la dignité humaine. Il faut avouer que cette affaire est un coup de maître, car elle est « tombée » la même semaine à la fois de l’adultère révélé du président, et surtout de l’annonce du « pacte de responsabilité » qui servira clairement à réduire encore un peu plus les aides sociales, appauvrissant un peu plus encore les plus faibles et énervant encore un peu plus les liens sociaux.

Question troubles à l’ordre public, ce « pacte » a quand même tout pour faire exploser la colère du peuple… et c’est bien parce que le pire est encore à venir qu’il faudra donc pour le gouvernement être en mesure de contrôler totalement les prises de paroles de certains « meneurs d’opinion » (pas les humoristes qui gagnent de l’argent en provoquant le gouvernement non) qui luttent véritablement contre le système capitaliste et les aberrations qu’il crée, car avec internet il est trop difficile de supprimer un texte ou une vidéo rapidement : une jurisprudence de censure « a priori » était donc nécessaire. Pour que les critiques les plus engagés n’aient tout simplement pas le droit de parler. Et hop, « à la chinoise » : on coupe le robinet !

 

Maintenant, quel est le lien avec l’antisémitisme ?

L’accusation « d’antisémitisme » est tout simplement le prétexte par lequel on se prépare à attaquer les véritables « anti-système ». Par un glissement sémantique similaire à celui qu’on utilise avec les musulmans. Je m’explique :

puisque ceux qui luttent pour la « vraie démocratie » luttent nécessairement pour la liberté d’expression (non seulement la leur mais aussi celle des autres – et même les plus odieuses), ils se retrouvent à dénoncer à la fois l’islamophobie et ceux qui l’utilisent à des fins électoralistes, et en retour se voient accusés, par un grossier syllogisme, de défendre l’Islam, ou même… l’islamisme ! Pourtant, ils ne défendent pas des personnes ni ce qu’elles disent mais juste le droit qu’elles ont de le dire. Et c’est bien différent.

 

Ce qui n’est en revanche pas différent, c’est le mode de fonctionnement de cette « criminalisation » des « libres penseurs » (attention, je ne parle pas de Dieudonné mais des véritables démocrates) : les amalgames ont toujours été utilisés par le pouvoir pour faire passer leurs ennemis pour de dangereux terroristes (d’ailleurs les résistants n’étaient-ils pas considérés par le gouvernement comme tels ?), comme c’est encore le cas avec les musulmans : comme les terroristes sont islamistes et que les islamistes sont musulmans, alors les musulmans sont des terroristes. Et puisque les antisémites n’aiment pas les juifs et que les sionistes sont juifs, alors les anti-sionistes sont antisémites. Par conséquent les défenseurs des Palestiniens sont des antisémites pour les uns, des partisans du Hamas pour les autres.

Et c’est avec de tels arguments qu’on décrédibilise à peu près n’importe qui qui contesterait le pouvoir en place, même intelligemment. En réalité ce n’est donc pas l’antisémitisme ou l’islamophobie qui sont condamnés derrière le « paravent Dieudonné », mais bien la liberté d’expression . C’est tout le sens de de l’ordonnance rendue par le « Conseil d’Etat » (un Conseil composé d’un seul conseiller qui décide démocratiquement tout seul sur les conseils du gouvernement qui l’a nommé si j’ai bien compris), au nom « de la dignité humaine ». C’est que le terme « antisémitisme » aurait empêché une interprétation suffisamment élargie de cette jurisprudence pour pouvoir attaquer à peu près tout le monde sous ce prétexte :

dorénavant, il sera possible de faire interdire a priori l’expression de toute personne « gênante » sous des prétextes de « non respect de la dignité humaine » (avec des mots ou des gestes, pas des actes il faut le souligner) ou de « risque sérieux » de trouble à l’ordre public, se servant sans vergogne de l’atteinte à une liberté fondamentale pour en attaquer une autre. Ces termes sont suffisamment flous pour faire traîner tout recours à des instances européennes supérieures pendant au moins 4 ou 5 ans, tandis que le Conseil d’Etat peut, lui, décider immédiatement.

 

Du coup, d’honnêtes citoyens contestant un peu trop fort pourront se voir censurés « a priori », et même à tort, sans qu’ils puissent se défendre juridiquement, ni même se défendre tout court :

car comment un homme a qui on interdit de parler pourrait-il répondre à ceux qui l’accusent, et comment ceux qui voudraient vérifier les accusations portées contre lui pourraient-elles le faire si l’accès à ses propos est supprimé ?

Derrière toute cette affaire, qui n’est je le répète qu’un prétexte, il y a la censure de l’expression libre. Et il faut se souvenir que la censure n’arrive jamais par hasard : elle est toujours le prélude à l’instauration de nouvelles règles qui ne plairont pas à tout le monde…

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr


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