Ce sont des truands

par Jean Dugenêt
mercredi 28 août 2019

Dans notre article « Le Président des milliardaires » (https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-president-des-milliardaires-217374), nous avons montré qu’Emmanuel Macron était très proche de quelques milliardaires avant même d’être candidat à l’élection présidentielle et nous avons montré que ce sont ces milliardaires qui ont décidé de faire de lui le Président de la République. Cette décision a été prise approximativement au moment où il a été nommé ministre de l’économie. Il a pris ses fonctions le 26 août 2014 et, le lendemain, Jacques Attali a annoncé sur BFM-TV : « Je crois qu’Emmanuel Macron a tout à fait le talent pour être présidentiable un jour ». C’était le feu vert pour le lancement de l’énorme campagne de promotion du produit « Macron ». C’était près de trois ans avant les élections. Il faisait déjà des couvertures de magazines avec notamment en septembre 2014 « Le Nouvel Observateur » qui titrait : « L’homme de la situation ». Il avait alors autour de lui un noyau de grosses fortunes à la tête d’une puissante force de frappe médiatique : Bernard Arnault, Xavier Niel, Patrick Drahi et Arnaud Lagardère. Ils possèdent ensemble :

Un noyau aussi puissant est suffisant pour entrainer derrière lui l’ensemble des médias dominants.

Nous allons maintenant dessiner un tableau de cette équipe de quatre grosses fortunes. Leur but est d’augmenter leur taux de profit et celui de toute la caste des très grosses fortunes. Très concrètement, ils espèrent multiplier leur immense fortune par 2 ou 3 au cours du quinquennat. Bien sûr, ce but n’est pas avoué et c’est nous qui l’avons supputé mais nous nous fondons pour cela sur des données indiscutables. Au cours du premier semestre de 2019, la fortune cumulée des 14 plus riches a augmenté de 35%. A ce rythme, leur fortune double en 18 mois. La France est le pays où les milliardaires gagnent le plus. Bernard Arnault aura bientôt la plus grosse fortune mondiale. Il a triplé sa fortune au cours des trois dernières années. Il a actuellement la deuxième fortune mondiale avec 108 milliards de dollars. Le premier est Jeff Bezos avec125 milliards de dollars. Pour l’instant, les trois autres larrons stagnent mais, ils espèrent bien tirer profit de la situation. D’ailleurs le montant des dividendes versés par les entreprises aux actionnaires ne cesse d’augmenter. Cela est vrai pour le monde entier mais c’est davantage vrai pour la France qui bat les records en Europe.

Dans ces conditions, l’objectif de multiplier leur fortune par 2 ou 3 au cours du quinquennat Macron est en passe d’être atteint. Avec l’élection de Macron, c’est donc la plus grande arnaque du siècle qu’ils ont monté. Il s’agit pour eux de voler tout ce fric aux français. Il faut pour cela s’attaquer à la sécurité sociale, aux retraites, au système de santé, à l’éducation nationale. Il faut dilapider les services publics, les brader à des intérêts privés. Il faut tout déréglementer. Il faut abolir le SMIC, augmenter les taxes, diminuer les impôts sur les entreprises… C’est par un énorme pillage de toutes les couches de la société, à l’exception de la leur, qu’ils veulent y arriver.

Ceux qui font ça, ceux qui veulent ça, sont bien évidemment des truands. Nous allons en avoir confirmation en examinant pour chacun d’eux les procédés qu’ils ont utilisés pour constituer leur fortune.

Passons rapidement sur le cas de Patrick Drahi. Nous avons dit l’essentiel sur ce champion du LBO dans le chapitre « Un magistral coup tordu » (https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/un-magistral-coup-tordu-217395). Nous avons vu tout ce qu’il fait comme truandage n’hésitant pas à refuser de payer des fournisseurs pour arracher des remises, s’arrangeant pour ne pas payer d’impôts avec la complicité directe d’Emmanuel Macron et allant même jusqu’à voler la TVA qu’il fait payer à ses clients et qu’il garde pour lui.

Passons maintenant directement au plus riche : Bernard Arnault.

En 2008, il a recruté en toute illégalité le peu scrupuleux et tout puissant ancien patron du renseignement intérieur du pays, Bernard Squarcini, au sein de LVMH pour en faire son « Monsieur Sécurité ». Celui-ci a depuis été mis en examen le 28 septembre 2016 au pôle financier de Paris pour « violation du secret de l’enquête », « trafic d’influence » et « détournement de fonds publics » dans une affaire toujours en cours sur ses activités depuis sa reconversion. Il est accusé d’avoir mobilisé, dans ses services pour Bernard Arnault, les moyens de l’État en dehors de tout cadre judiciaire. Il avait déjà à plusieurs reprises été suivi par la justice sous Sarkozy. Son patron, Bernard Arnault, a été éclaboussé dans l’affaire des « Paradise Papers », qui met à jour les combines pour échapper à l’impôt.

Mais, le plus gros truandage de Bernard Arnault n’est pas là. Il réside dans la reprise puis la liquidation du groupe Boussac. Il a repris le groupe au prix d’une importante aide de l’état avec des abandons de créances, des aides publiques plusieurs fois renouvelées, des exonérations diverses. En contrepartie, il se contentait de faire des promesses. Et, chacun le sait, c’est devenu une banalité depuis les années Mitterrand de dire que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. C’est pourtant en plusieurs occurrences que Bernard Arnault obtiendra ainsi des avantages au simple prix de promesses non tenues. Il s’est plusieurs fois engagé à ne pas se défaire des usines textiles du groupe Boussac et à ne pas licencier. Il n’a jamais tenu ses promesses. Voilà comment il a pu devenir la première fortune de France et d’Europe !

« Le groupe LVMH, comme d’autres, n’a pu se former qu’au prix d’un ensemble de ruses et d’habiletés qui ont permis l’exploitation d’imperfections de marché (liées, en particulier, aux interventions directes de la puissance publique). Accès à des informations privilégiées, désinformation, promesses non tenues, menaces, batailles judiciaires, chantage, ententes entre actionnaires et banquiers, ne peuvent ici être considérés comme des épiphénomènes. »

Nous venons de citer un compte rendu du livre d’Airy Routier intitulé « L’Ange Exterminateur ».

Donnons un aperçu de sa fortune. Il dirige le groupe LVMH, soit 70 marques. La plupart des enseignes sont prestigieuses, comme Louis Vuitton, Guerlain ou Christian Dior. Quelques-unes sont populaires comme Sephora ou Carrefour. Il possède des filiales dans le monde entier dont 202 filiales offshore dans quelques paradis fiscaux, comme l’a révélé en 2014 une ONG spécialisée dans la dénonciation de l’évasion fiscale. Bernard Arnault possède 47 % de cet empire. Il veut s’acheter une honorabilité en cultivant une image de mécène : la fondation Louis-Vuitton à Paris, un don pour reconstruire Notre-Dame…

Parlons un peu de ses impôts. Avec cette fortune estimée à plus de 95 milliards d’euros, il paye à peine plus de deux millions d’euros d’impôts par an. Pour bien apprécier la proportion, imaginez un français qui ne paierait que 2 euros d’impôts avec des biens estimés à 95000 euros. Comment fait-il ? Vous trouverez des articles de plusieurs pages pour vous l’expliquer mais nous pouvons nous contenter de deux mots : il truande. Ceux qui le veulent peuvent appeler cela de « l’optimisation fiscale ». Pour les honnêtes gens c’est du truandage. Du truandage autorisé par ceux qui sont à ses bottes. Parmi eux, il y a maintenant Emmanuel Macron. Ce n’est donc demain que ça va changer.

Pour compléter nous allons faire état de ses aventures franco-belges en citant un article intitulé « Bernard Arnault, l’art de payer moins d’impôts » trouvé sur le site web de « francetelevisions » à la date du 28 mars 2019.

« Bernard Arnault, de son côté, n’est pas en reste, lui qui a décidé de se domicilier dans la banlieue chic de Bruxelles. Il se trouve justement que la fiscalité belge est très avantageuse en matière d’héritage... mais à condition de résider dans le pays. Celle-ci permet en particulier d’échapper aux droits de succession en transférant ses actifs au sein d’une fondation. C’est ce qui a été fait en 2012 grâce à la holding familiale Pilinvest, abritée dans la fondation Protectinvest. En 2014, le milliardaire décide même de demander la nationalité belge. Hélas ! la justice s’intéresse de près à cette soudaine passion pour la douceur de vivre outre-Quiévrain... et, en 2017, elle propose à Bernard Arnault l’arrêt des poursuites pour fraude à la domiciliation contre une transaction en argent. Montant confidentiel mais estimé à 2 millions d’euros.

Le milliardaire devra encore répondre devant le fisc français pour sa tentative de fuite fiscale : régularisation, pénalités, etc. Montant confidentiel mais estimé à 1 milliard d’euros. À ce jeu de Monopoly, on ne gagne pas à tous les coups ! »

Passons maintenant à Arnaud Lagardère qui est un « fils-de ». Il est le fils unique de Jean-Luc Lagardère décédé le 14 mars 2003. Son père avait construit sa fortune à la tête de la société Matra : un nom qui évoque les courses automobiles, Pescarolo, les 24h du Mans… Mais, bien avant « Matra Sports », les principales filiales étaient « Matra Défense », « Matra Espace », « Matra Communication ». La fortune de Jean-Luc Lagardère a été construite pour l’essentiel sur le très lucratif marché de l’armement. Il est impliqué dans l’affaire de la vente des « mirages de Taïwan » en 1992. La concurrence avec Thomson est alors à l’origine de « l’opération couper les ailes de l’oiseau » : tout un roman sur lequel nous ne nous étendrons pas !

Dans son livre « Argent public, fortunes privées » Olivier Toser écrit :

« Jean-Luc Lagardère serait-il le chef d'escadrille de l'aéronautique européenne si, en 1999, le gouvernement Jospin ne lui avait cédé à prix d'ami, et au nom de la raison d'État, le manche d'Aérospatiale, des Airbus et de la fusée Ariane ? En toile de fond de ces questions, il y a toujours l'argent public, celui des Français, celui de leurs impôts. »

La fortune des Lagardère père et fils, a en effet été construite grâce à l’état français avec en toile de fond l’argent public…

Et, d’emblée, dès qu’il hérite, Arnaud Lagardère reçoit un énorme cadeau supplémentaire de l’état, une invraisemblable ristourne sur les droits de successions.

Il hérite en effet dans d’excellentes conditions. Un accord est trouvé avec la veuve Betty Lagardère, qui est sa belle-mère. Elle se voit attribué 25% du capital et lui 75% mais, surtout, il ne paie que 10 millions d’euros pour un héritage de 320 millions soit dix fois moins que le barème normal.

Pourquoi cet énorme cadeau ? Personne ne l’explique vraiment. Des articles de journaux ont laissé entendre que l’amitié entre Arnaud Lagardère et Nicolas Sarkozy en était la raison essentielle mais Arnaud Lagardère s’en défend. Dans la vidéo intitulée « Envoyé spécial – Arnaud Lagardère – Documentaire 2017 » qu’on trouve sur YouTube, il déclare  : « C’est inexact. Cet accord a été fait avec le ministre du budget à l’époque : M. Lambert. Il était entériné, validé, signé (…) avant l’arrivée de Nicolas Sarkozy ». Remarquons, que par cette dénégation, il avoue tout de même avoir bénéficié de cette ristourne fiscale. Nous avons de bonne raison de le croire. Il faut donc chercher une autre explication. En fait, Arnaud Lagardère hérite de deux secteurs d’activité : d’une part l’aéronautique et l’armement et d’autre part tout ce qui concerne la presse (l'édition, la production, la diffusion et la distribution de contenus). Ce deuxième secteur d’activité avait été créé à partir de 1981 avec le rachat de Hachette et il s’était considérablement développé depuis. Le premier secteur d’activité est rassemblé dans le groupe EADS (European Aeronautic Defence and Space company) que le groupe Lagardère partage avec l’allemand Daimler.

Au moment de la succession, de bonnes âmes bien commanditées avaient fortement conseillé à Arnaud Lagardère de placer Noël Forgeard à la tête de EADS et il s’était exécuté. La pression venait du sommet de l’Etat. Certainement que tous ceux qui s’intéressent de près au secteur français de l’armement et de l’aéronautique se sont trouvés alarmés lors du décès de Jean-Luc Lagardère. Qui allait maintenant assurer la gestion d’un secteur d’activité aussi « sensible » ? Il est fort possible, bien que personne ne l’ait dit explicitement, qu’il y ait eu un deal au sommet de l’état avec Arnaud Lagardère à ce sujet et qu’une ristourne sur les droits de succession ait fait partie du deal. Quoi qu’il en soit cette ristourne est complètement illégale. Il s’agit d’un premier truandage.

Nous vous invitons maintenant, pour découvrir le personnage et la personnalité d’Arnaud Lagardère, à consulter des documents audiovisuels en commençant par deux vidéos sur sa vie de couple avec le mannequin Jade Foret. Vous pouvez encore les trouver sur YouTube. La première, tournée en juillet 2011 est intitulée « Jade Foret et Arnaud Lagardère ». La seconde intitulée « Tout ça ne nous rendra pas le Congo : La belle, le milliardaire et la discrète » a été tournée en novembre 2012. Dans cette deuxième vidéo, le rôle de la « discrète » est tenu par sa belle-mère qui l’appelle « Nono » et le pauvre Arnaud a bien l’air d’un « Neuneu ». Son image et sa réputation s’en sont trouvée entachées dans tous les milieux et notamment dans les entreprises du groupe Lagardère.

Pendant que nous en sommes à regarder des vidéos nous vous proposons de regarder Jean-Pierre Elkabbach dans la vidéo YouTube qui est intitulée « Jean-Pierre Elkabbach en deux minutes ». Vous pourrez alors apprécier à quel point il se montre hautain et méprisant à l’égard de ceux qu’il interviewe sauf s’ils sont dans le camp des puissants. Nous vous proposons ensuite une vidéo dailymotion intitulée « les Nouveaux chiens de garde, extrait 2 ». Dans cette vidéo vous trouverez un passage tourné le 18 avril 2004 lors de l’émission « Vivement Dimanche » animée par Michel Drucker. On le voit ramper aux pieds de son nouveau patron qui est bien sûr Arnaud Lagardère. Il se comporte alors en serviteur obséquieux ou, pour tout dire, en minable lèche-bottes. C’est une parfaite illustration d’une attitude déjà stigmatisée en son temps par Jean de la Bruyère « Du même fond d’orgueil dont on s’élève fièrement au-dessus de ses inférieurs, l’on rampe vilement devant ceux qui sont au-dessus de soi ». Il est édifiant de voir ainsi quelle peut être la nature des relations entre ses grosses fortunes et leurs employés.

Tout prête à croire qu’Arnaud Lagardère n’a pas tenu compte des avis de ses conseillers en communication pour laisser diffuser les deux vidéos où il est avec Jade Foret. Faut-il incriminer la nature de ses relations avec ses serviteurs ?

Arnaud Lagardère apparait à la fois comme un homme puissant et un pauvre nigaud. Qu’en est-il vraiment ? Cela reste une énigme.

Il apparaît très vite qu’il se désintéresse de la société EADS. Bien qu’étant coprésident du conseil d’administration, il semble bien que la gestion lui échappe probablement parce que l’Etat français garde le contrôle par l’intermédiaire du directeur qui lui a pratiquement été imposé et qui est sans doute le véritable gestionnaire. Il s’intéresse plus au sport. C’est le secteur qu’il veut développer dans la SCA Lagardère mais les initiatives qu’il prend tournent souvent au fiasco. Pour preuve qu’il se désintéresse d’EADS, il est notoire qu’il n’a pas participé à certaines réunions du Conseil d’Administration préférant assister à un match à Roland Garros. Il faut sans doute comprendre qu’il n’est qu’un coprésident de pacotille et que ce rôle ne l’enchante guère.

Il va donc chercher à liquider la participation du groupe Lagardère à EADS. En mars 2006, il revend la moitié de ses actions. C’est justement au moment où l’action EADS culminait. Elle valait 35,13 euros le 24 mars 2006. La vente de 7,5% du capital d’EADS par le Groupe Lagardère est officialisée le 4 avril 2006 et rendue publique le 11 avril 2006. Il récupère 890 millions d’euros très opportunément car, quelques mois plus tard, le mardi 13 juin 2006, l’annonce des retards de livraison de l’A380 fait chuter la valeur des actions du groupe. Le 14 juin 2006 le titre EADS fini la séance en chute de 26,32%, à 18,73 euros, dans des échanges près de vingt fois plus importants que d’habitude. Arnaud Lagardère est bien évidemment soupçonné de délit d’initié.

Le journal « La Croix » publie le 3 décembre 2013 un article intitulé  : « EADS. Lagardère et Daimler renvoyés en correctionnelle ». On y lit :

« Les groupes Lagardère SCA et Daimler AG ont été renvoyés en correctionnelle pour délit d’initiés dans la vente de titres EADS début 2006, a appris lundi l’AFP de source judiciaire. Ils sont notamment soupçonnés de les avoir vendus deux mois avant l’annonce d’un retard de six à sept mois du calendrier de livraison de l’A380, qui avait entraîné la chute du cours. »

Il adopte alors une ligne de défense inattendue :

« J’ai le choix de passer pour quelqu’un de malhonnête ou d’incompétent qui ne sait pas ce qui se passe dans ses usines. J’assume cette deuxième version. » a-t-il déclaré au journal « Le Monde », le 15 juin 2006.

Les vidéos consternantes sur sa vie de couple vont certainement contribuer à rendre plausible la thèse de l’incompétence. L’idée d’adopter cette ligne de défense vient probablement de son conseiller, spécialiste de la communication de crise : un certain Ramzi Khiroun. Il est officiellement le porte-parole de Lagardère SCA et le directeur des Relations extérieures.

Nous avons vu au chapitre « Le parcours d’Emmanuel Macron » que, grâce au futur Président de la République et à David Azema, il a pu liquider le reste des actions d’EADS encore une fois dans d’excellentes conditions.

Ainsi, même Arnaud Lagardère, qui apparait comme un benêt inoffensif dans les vidéos où il s’exhibe, peut s’enrichir sur le dos de la collectivité dans des conditions qui relève du truandage : énorme ristourne illégale lors de la succession de son père, une première vente d’action EADS qui lui vaut d’être accusé de délit d’initié et une deuxième vente très avantageuse traitée au détriment de l’état français, c’est-à-dire des contribuables, mais avec l’aval d’Emmanuel Macron et de David Azéma.

Passons maintenant au quatrième larron : Xavier Niel. Il n’apprécie pas qu’on parle de son passé. Il a déposé de nombreuses plaintes en diffamation contre des journalistes qui s’y sont risqués mais elles ont toutes été rejetées. Vittorio de Filippis qui avait été directeur de Libération de mai à décembre 2006 s’en souvient. Il avait subi une interpellation musclée à son domicile à 6 h 40 du matin. Il avait été menotté pour être présenté devant un juge, suite à l’une de ces plaintes. Celle-ci faisait suite à la parution, en 2006, d’un commentaire caustique d'un internaute sur le site internet du quotidien, lequel commentaire concernait un article du journaliste Renaud Lecadre faisant état de démêlés judiciaires de Xavier Niel pour proxénétisme. Libération avait été déjà relaxé pour deux autres plaintes concernant l'article lui-même. Cette arrestation avait fait grand bruit à l’époque.

Il fut en effet fortement question de proxénétisme au sujet de Xavier Niel bien qu’il ait échappé au bout du compte à toute condamnation sous ce chef d’inculpation. Cela lui a tout de même valu de faire un mois de prison à la Santé en juin 2004, en détention provisoire, suite à sa mise en examen. De quoi s’agissait-il alors ? Xavier Niel exploitait des peep-shows, des sex-shops, des sites pornos, des sites de vente par correspondance de sex-toys... Il était le principal actionnaire d’un réseau de peepshows, qui était la vitrine légale d’activités de prostitution. Le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke a détaillé en effet dans une ordonnance la « variété des contacts physiques » permis dans le « Sex-Shop X Live Peep-Show » que Xavier Niel exploitait à Strasbourg. « Caresses par le client sur les seins et les fesses des danseuses, intromission de godemichés ou de vibromasseurs dans le sexe et/ou l'anus des danseuses par le client, intromission par les danseuses de ces mêmes ustensiles dans l'anus de certains clients. » (Cf. l’article de Renaud Lecadre « Le patron de Free au trou pour proxénétisme » dans Libération du 29 mai 2004). Il s’agissait donc bien de prostitution. Plus qu’un peepshow, c’était plutôt l'équivalent d'un « Eros Center », ces sortes de maisons closes installées en Allemagne. L’établissement était d'ailleurs fréquenté par des touristes allemands de passage en Alsace. Xavier Niel recueillait chaque semaine les bénéfices de cette activité. Il se rendait pour cela hebdomadairement à Strasbourg faire la collecte. S’il n’a pas été inculpé pour proxénétisme c’est parce que les dossiers attenants à cette affaire ont disparu quelques heures avant la perquisition. Il a donc eu droit au « bénéfice du doute ». Selon les enquêteurs, il était impossible d'affirmer "avec certitude" que Xavier Niel avait eu connaissance "de la nature exacte des activités des salariées" de l’établissement en question. Il semble bien qu’il ait en plus bénéficié de la mansuétude de Renaud Van Ruymbeke. Il n’a cependant pas échappé à l’inculpation de recel d’abus de bien sociaux puisqu’il a bien fallu qu’il reconnaisse avoir touché des recettes non déclarées en liquide. Il a été condamné par la 11e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris à deux ans de prison avec sursis et à une amende de 250 000 euros.

Quand Xavier Niel abandonne « l’industrie du sexe » c’est encore pour gagner de l’argent facile sans trop se soucier de légalité et de morale. C’est la grande période du minitel. Il ouvre des bases de données en tous genres exploitables par le minitel. Parfois il ne fait que des copié-collés sur celles des concurrents. Il a aussi soutiré illégalement au service public l’annuaire du téléphone pour faire l'annuaire inversé de France Telecom 3617 ANNU. Nul besoin d’être un génie de l’informatique pour concevoir cet annuaire inversé. Il faut seulement « pomper » l’annuaire de France Télécom. Pour qui dispose de cette énorme base de données, programmer l’annuaire inversé n’est qu’un exercice à la portée de tout débutant en informatique. Le seul problème est effectivement d’arriver à « pomper » cet annuaire. Puisqu’on y accède avec le 3611, cela doit être possible. Cependant, avec le minitel, il va falloir un temps infini. Peu importe, il élabore avec ses collaborateurs un logiciel capable d’aspirer l’intégralité de l’annuaire électronique accessible alors par le numéro 615 91 77 (futur 3611). Il lui faut seulement disposer d’une grande batterie de minitels. Il élabore alors une arnaque peu ordinaire. Certaines sociétés découvrent que leurs minitels se connectent tout seuls la nuit pendant des heures sur les services de la société de Xavier Niel qui s’appelle alors Fermic. La société Fermic, qui deviendra Iliad, a proposé à des agents de sécurité de grandes sociétés de gagner des cadeaux en allumant des Minitels la nuit... Les techniciens de Fermic ont même mis au point un logiciel qui éteint automatiquement les appareils tous les matins à 8 heures. Ni vu ni connu. L’ensemble de la base des abonnés au téléphone a été ainsi aspirée avec une quantité de minitels. Les sociétés qui se sont rendues compte qu’elles avaient ainsi mis leurs minitels au service de Xavier Niel ont évité de lancer de tapageuses poursuites craignant d'être tancées pour leurs failles de sécurité... Quant à l’opérateur historique, il ne manqua pas de réagir en se lançant dans un procès fleuve, le premier d’une longue avalanche. Mais finalement Xavier Niel les a tous gagné. Il a gagné en justice parce qu’il avait gagné sur le terrain ayant mis en place un service privé que le service public aurait dû mettre avant lui à la disposition des usagers. C’est la médiocrité de quelques hauts dirigeants du secteur public qui a assuré son succès. Il n’en demeure pas point que ce fut un gros truandage avec le vol et l’exploitation d’une base de données (l’annuaire téléphonique) d’un service public. Pour assurer son succès, il a en plus lancé des campagnes de publicité pour le 3617 ANNU dès que le service a été opérationnel. Voici ce qu’en dit le site web https://www.annuaire-inverse-france.com/annuaire-inverse-france :

« Lui qui était jusqu’à présent plus habitué aux encarts publicitaires dans les journaux gratuits destinés à emballer le poisson, il contacte la régie publicitaire de TF1 et achète quelques spots publicitaires en guise de test. Dès la première diffusion, il constate que les minitelistes répondent présents. Il fait ses calculs et réinvestit immédiatement dans de nouveaux spots, à des heures d’audience plus importantes. La gestion de la publicité est alors confiée à une première petite agence qui se payera les services d’une star de l’époque, Jacques Pradel parodiant sa non moins célèbre émission « Perdu de vue ». Puis, Xavier Niel confiera son budget publicitaire à l’agence « Léo Burnett » avant de terminer sa course dans la plus importante agence de publicité française, Publicis. Le succès ne le démentira pas. S’en suit, des nouvelles vagues publicitaires particulièrement importantes, toutes chaînes confondues additionnés aux spots radios et des sagas publicitaires qui dureront près de 4 ans. »

Les composantes du succès sont :

Les autres « bonnes affaires » qu’il fera ensuite seront marquées par ce style même si elles sont plus légales.

Sans grands scrupules, il tient cependant à s’acheter une honorabilité. Il est assoiffé de reconnaissance sociale et essaie de fréquenter la bonne bourgeoisie. Il rencontre ainsi Delphine Arnault chez une amie commune à Paris à l'occasion d'un dîner. Il tombe évidemment tout de suite sous le charme d’une jeune femme aussi belle et intelligente. Il s’agit bien de la fille de l’actuelle plus grande fortune de France qui devait être la seconde à l’époque. Certains ont pu penser un moment que Xavier Niel avait un style plus voyou que Bernard Arnault. Pour notre part, nous ne voyons pas de grandes différentes. Les relations avec le beau-père n’ont peut-être pas toujours été au beau-fixe mais on sait que les deux stars du capitalisme français ont fait des investissements communs et Niel conseille Arnault pour ses projets dans le numérique. Un couple d’apparence aussi honorable se doit d’afficher un train de vie à la hauteur de sa fortune. Ils se sont donc installés dans le XVIème arrondissement dans un hôtel particulier de 800 m². Cette luxueuse demeure imite le Grand Trianon de Versailles. Elle est surnommée « le palais rose ». Mais, derrière le luxe et l’apparence, nous savons ce qui se cache : des casseroles judiciaires, des relations douteuses, des méthodes d'affairiste cynique et procédurier et un passage par la case prison.

Vous avez maintenant un tableau à peu près complet de l’équipe, peu reluisante quant à la moralité, qui a porté Emmanuel Macron à la Présidence de la République.


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