Ces chiffres curieux et inquiétants : décryptage et aussi, alerte sur l’Ibuprofène

par Bernard Dugué
vendredi 20 mars 2020

 Beaucoup de chiffres circulent et génèrent de l’inquiétude ou de l’incompréhension. Les cas graves en France rajeunissent, la létalité en Italie explose et nos cervelles implosent. Je propose un rapide essai de décryptage. N’hésitez pas à le partager.

 

 I) Pour l’Italie la létalité est de 8.3 %, elle plus du double de la Chine, évaluée à 3 %. Rappelons que cette létalité repose sur un calcul des décès de patients admis à l’hôpital et si ces patients ont été précédemment testés positifs, alors ils sont décédés non pas du coronavirus mais de causes multifactorielles parmi lesquelles figure la charge virale. Ces facteurs de comorbidité sont répertoriés dans les recensions cliniques. Pas de souci de ce côté. En revanche, l’énigme de la différence entre la Chine et l’Italie provient de la différence de calcul. En Chine, c’est la létalité du virus qui est donnée semble-t-il, comme dans la plupart des pays. Ce qui veut dire ratio entre infectés et décédés. En revanche, l’Italie calcule la létalité de la maladie, c’est-à-dire le ratio entre les patients porteurs du signe de la maladie et les décédés qui sont les mêmes. L’Italie ne prend pas en compte les viropositifs asymptomatiques comme l’indique cette déclaration :

 

 « Selon le président de l’Institut supérieur de la santé, Silvio Brusaferro, il faut prendre en compte le fait que nous avons un pourcentage plus élevé de personnes âgées qui présentaient déjà des pathologies avant de contracter le Covid-19. Par ailleurs, en Italie, on calcule le taux de mortalité en ne se basant que sur les cas positifs au coronavirus qui présentent des symptômes, et en excluant donc de ces statistiques les personnes contaminées qui n’en présentent pas » (Courier International) Et pour avoir une idée de la proportion des asymptomatiques, nous avons les remontées du Diamond Princess effectuée avant que les passagers ne partent dans la nature. Le résultat est assez clair, sur 531 patients, 255 sont asymptomatiques, ce qui fait une moitié (voir le lien plus bas). On devrait diviser par deux la létalité italienne, on tomberait à 4, un peu plus que la Chine mais qui s’explique par le pourcentage plus élevé de personnes âgées. Conclusion, la létalité de l’Italie est similaire à celle de la Chine.

 

 II) La France. Passons à l’énigme des cas graves mais peu âgés. Libération écrit ceci : « Sur les 285 cas en réanimation au 15 mars, il existait des données sur l’âge pour 280 malades :

- 3 avaient moins de 15 ans (moins de 1%)

- 16 avaient entre 15 et 44 ans (6%)

- 80 avaient entre 45 et 64 ans (29%)

- 78 avaient entre 65 et 74 ans (27%)

- 103 avaient 75 ans ou plus (37%)

 Ces données ne confirment pas tout à fait celle énoncées par Jérôme Salomon ces derniers jours, qui affirmait que 50% des cas graves avaient moins de 60 ans. Or 64% des cas ont plus de 65 ans, selon le bulletin épidémiologique… Est-ce à dire que depuis, les cas en réanimation sont plus jeunes ? Interrogée, la DGS ne nous a pas répondu sur ce point. » (Libé, 19/03/20)

 

 On pourrait penser que le virus est assez dangereux pour les gens d’âge modeste. Pourtant, il pourrait y avoir une autre explication. En ce moment, la principale contribution des cas gaves provient du Grand Est, région en saturation (comme en Lombardie). Si c’était une grippe, le système n’étant pas saturé pourrait accueillir tous les cas graves, y compris des personnes très âgées. Dans cette situation, la proportion des moins de 60 est faible. Si on admet que le système ne peut pas prendre en charge les personnes très âgées ou très malades, en Ehpad, alors cela fait monter le pourcentage de cas grave en dessous de 60 ans. Et c’est ce qui se passe en Italie. La médecine doit faire un choix pour sauver des vies et non pas décider qui doit mourir. Je tiens à cette nuance sémantique.

 

 Un deuxième facteur pourrait jouer, c’est le cocktail fatal entre le Covid-19 et l’Ibuprofène. Il semblerait que les autorités aient sous-estimé ce phénomène. Lisez ceci :

 

 « A Bordeaux, on confirme que les cas graves de Covid-19, ne touchent pas que les personnes âgées : les quatre premiers patients admis sont tous jeunes, l’un ayant même seulement 26 ans. « Nous avons une population différente de celle décrite par nos collègues chinois, confirme le Dr Benjamin Clouzeau. Mais nos malades ont tous le même profil, et j’insiste là-dessus : ils ont tous pris des anti-inflammatoires type ibuprofène, pour traiter les symptômes de fébrilité. C’est cela qu’il faut bannir. » (20 minutes, 17/03/20) et maintenant lisez ceci qui provient de l’Agence nationale de sécurité :

 

 « Ces complications infectieuses (essentiellement à Streptocoque ou à Pneumocoque ) ont été observées après de très courtes durée de traitement (2 à 3 jours), y compris lorsque la prise d’AINS était associée à une antibiothérapie. Elles sont survenues alors que l’ibuprofène ou le kétoprofène étaient prescrits ou pris en automédication dans la fièvre mais également dans de nombreuses autres circonstances telles que des atteintes cutanées bénignes d’aspect inflammatoire (réaction locale, piqure d’insecte,…), des manifestations respiratoires (toux, infection pulmonaire,…) ou ORL (dysphagie, angine, otite,…) »

 

 Conclusion : une clarification s’impose, afin que l’on n’angoisse pas les gens pour rien. Le Covid-19 semble posséder un spectre clinique comparable aux affections respiratoires courantes mais il frappe parfois plus fort et se répand plus vite (voir l’hypothèse cinétique).

 

 (III) La Chine. « Le vendredi 24 janvier 2020, la Chine entre dans son long congé du Nouvel An. Des centaines de millions d'habitants s’apprêtent à circuler à travers tout le pays pour les fêtes. L’information de la mise en quarantaine de Wuhan ayant été promulguée dans la nuit, nombreux sont ceux qui ont déjà quitté la ville... en voiture. » Au soir du 24 janvier « Au même moment, deux scénarios de diffusions de la maladie Covid-19 sont établis par l'Inserm, l'un à haut risque, l'autre à bas risque. Etant donné les flux aériens, il est ainsi estimé que les pays les plus exposés pourraient être l'Allemagne et le Royaume-Uni. L'Italie est passée sous les radars. En Chine, le nouveau bilan officiel fait état de 26 morts et 1287 contaminés. Un constat est fait : la plupart des patients décédés ont plus de 65 ans » (Science et avenir, chronologie de l’épidémie en Chine)

 

 « Les autorités chinoises à travers Gao Fu, responsable du Centre chinois de contrôle et prévention des maladies, déclarent "que le virus n'est pas aussi puissant" que celui du SRAS à l'origine d'une épidémie meurtrière en 2002-2003, mais qu'il est plus contagieux »

 

 Le nombre de détectés sous-estime largement le nombre d’infectés à cette date, avec en plus le décalage incubatoire. Peut-être 50 000. Wuhan, 10 millions d’habitants. Avant la fermeture, des dizaines de contaminés se sont répandus dans le pays, constituant autant de patients zéro. On compte actuellement quelque 3000 décès en Chine. Deux explications. Les chiffres sont cachés. Le Covid-19 est moins létal qu’annoncé. Une déduction que j’avais notée dès janvier, le Covid-19 est une affaire politique en Chine, pays qui a besoin d’un mythe refondateur. A vous de tirer des conclusions.

 

 IV) Des chiffres et des lettres. Bien compter, bien interpréter, bien communiquer. Quels sont les seuls chiffres importants. D’abord la courbe des décès. Les détections sont utiles pour identifier le virus chez les patients décédés mais inutiles pour l’épidémiologie. Le deuxième chiffre décisif, c’est la létalité, du virus SARS-CoV-2 et non pas de la maladie Covid-19. Le problème du troisième chiffre c’est qu’on ne le connaît pas, c’est la prévalence. Avec un quatrième chiffre, le nombre de gens ayant attrapé le virus, que l’on peut détecter moyennant un test sanguin sur la présence d’anticorps (à confirmer par les scientifiques). La prévalence permet de calculer la létalité et le nombre de gens ayant porté le virus permet d’estimer le pourcentage possible d’injecté, autrement dit la « part de marché » du virus et d’estimer le nombre total de décès une fois la pandémie achevée.

 

 V) Les bonnes décisions. L’Italie en est à plus de 4000 décès et bientôt 10 000 dans le monde. Certes, la pandémie en est à ses débuts mais en Italie, elle est bien avancée et nous aurons des chiffres significatifs dans quelques semaines. Pour mémoire, la grippe de 1957 a fait quelque 100 000 morts en France. Sur une durée plus longue.

 

Source utilisées

 

Covid-19 et Ibuprofène

 

https://www.20minutes.fr/societe/2742271-20200317-coronavirus-bordeaux-ur-unite-covid-19-service-reanimation-chu-pellegrin

 

Note de l'ANSM 

 
Suite aux signalements de complications infectieuses graves avec les Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS)[ 1]  utilisés dans la fièvre ou la douleur, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a confié, en juin 2018, aux centres régionaux de pharmacovigilance de Tours et Marseille, une enquête nationale de pharmacovigilance portant sur les deux AINS les plus utilisés dans ces indications, l’ibuprofène et le kétoprofène.

 

Les conclusions de cette enquête suggèrent le rôle aggravant de ces AINS en cas d’infection. L’ANSM a partagé ces résultats avec ses homologues européens afin qu’une analyse collective soit engagée.

https://ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Anti-inflammatoires-non-steroidiens-AINS-et-complications-infectieuses-graves-Point-d-Information

 

Chronologie Covid-19

 

https://www.sciencesetavenir.fr/sante/coronavirus-comment-rumeurs-et-theories-du-complot-se-sont-mises-en-place-en-chine-une-chronologie-des-evenements_142502

 


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