Ces formules toutes faites que les politiciens nous assènent

par Fergus
jeudi 20 octobre 2022

Dans un contexte économique et social pour le moins tendu, empruntons en souriant au personnel politique – qu’il appartienne à la majorité ou à l’opposition – son langage, le plus souvent fait de clichés, de lieux communs, de locutions proverbiales et d’expressions imagées, pour dresser un état des lieux de notre pays en ce mois d’octobre…

Photo Les échos

Parlons peu, parlons bien  : entre la guerre en Ukraine et les blocages de raffineries qui, dénonce la droite, prennent en otage les Français, on ne va pas se mentir, la situation est potentiellement explosive, au point que l’exécutif craindrait la révolte de tous ceux que l’on a pressés comme des citrons et à qui l’on a trop longtemps fait prendre les vessies pour des lanternes. Raconter des salades durant la campagne en faisant croire que demain, l’on raserait gratis revenait, il est vrai, à jouer avec le feu.

Roulés dans la farine, menés en bateau, nombre de nos compatriotes qui, pourtant, ne demandent pas la Lune, ont de fait l’impression d’être les dindons de la farce. Et aux quatre coins de l’hexagone, la France d’en-bas chère à la gauche radicale comme la France qui se lève tôt dont la droite se fait le porte-parole tirent à boulets rouges sur des gouvernants à côté de la plaque. Malgré leurs postures, ces valets du néolibéralisme seraient même pour certains dans leurs petits souliers, et pour d’autres auraient la peur au ventre. Réalité politique ou vœu pieux ?

Bien qu’ils soient sur une ligne de crête, Macron et ses amis sont déterminés et n’envisagent pas de mettre de l’eau dans leur vin. Pas question pour eux de faire profil bas : ils restent droit dans leurs bottes, persuadés que les mouvements sociaux feront long feu et ne déboucheront pas sur une convergence des luttes porteuse de possibles flambées de violence. Et cela même si les caciques de la Nupes tentent de faire flèche de tout bois et de jeter de l’huile sur le feu des luttes sociales en escomptant que cela fera bouger les lignes à leur profit au plan politique.

Affronter le gros temps social n’empêchera pas l’exécutif de tenir le cap, veut croire Macron, lassé de ronger son frein et rassuré par les mobilisations en demi-teinte des 16 et18 octobre dont les organisateurs voudraient pourtant croire qu’elles sont la partie émergée de l’iceberg protestataire. Du côté de l’Élysée, on boit du petit lait : aucun scénario catastrophe ne semble se dessiner, l’appel récurrent à la grève générale, voire à l’émergence d’un nouveau front populaire, relevant, du point de vue jupitérien, de la tarte à la crème. Certes, il convient de n’exclure aucune hypothèse et de se garder de franchir la ligne rouge, mais le président, ayant repris du poil de la bête, veut croire que l’horizon se dégage.

Bref, pas question pour lui, malgré le bras de fer engagé, de botter en touche une nouvelle fois, bref de manger son chapeau en renonçant à la mesure phare de ce quinquennat : la réforme des retraites. Sans doute devra-t-il quelque peu lâcher du lest malgré une marge de manœuvre étroite. Mais la majorité silencieuse restant globalement peu vindicative, Macron entend bien définitivement enfoncer le clou pour remettre les pendules à l’heure sans être contraint de revoir sa copie, fut-ce au prix de manœuvres florentines en coulisse ou d’épreuve de force avec l’opposition.

Au château, sans se mettre la rate au court-bouillon, l’on ne vend pas la peau de l’ours pour autant car la réforme ne passera pas comme une lettre à la poste. Et pour cause : les ex-godillots n’ont plus systématiquement le petit doigt sur la couture du pantalon, et les alliés de Renaissance cherchent la petite bête, certains allant même, pas toujours à fleurets mouchetés, jusqu’à tailler des croupières aux titulaires des maroquins pour se faire mousser. Gageons pourtant que l’exécutif défendra son projet bec et ongles, Macron ne pouvant pas se permettre de ramasser une gamelle sur cette mesure emblématique.

L’exécutif verra-t-il le bout du tunnel, ira-t-il dans le mur (en klaxonnant), ou sera-t-il contraint une nouvelle fois de renvoyer la réforme aux calendes grecques, l’avenir nous le dira. En réalité, la balle est dans le camp des Républicains qui se trouvent à la croisée des chemins. De leur attitude dépendra le succès ou l’échec d’une probable motion de censure. Il faut savoir raison garder et ne pas se tromper d’adversaires, disent à ce sujet les sénateurs LR, enclins à soutenir le projet pour ne pas insulter l’avenir. D’aucuns ajoutent même : ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain (comprendre rejeter une réforme en ligne avec leurs attentes).

Remontés comme des pendules, les députés LFI n’entendent pas, de leur côté, faire chou blanc dans cette lutte dont ils croisent les doigts pour qu’elle leur soit favorable. Persuadés que Macron file un mauvais coton, ils affirment que le président va tomber sur un bec et, par son aveuglement, mettre le feu aux poudres, non seulement à Paris mais aux quatre coins du territoire. Balivernes ! pensent in petto les ministres, persuadés que les carottes sont cuites pour ces opposants qui, la gueule enfarinée, poussent des cris d’orfraie et se montent le bourrichon mais, bien qu’ils soient tout feu tout flamme, seront impuissants à contrer l’exécutif et son recours au 49.3. 

Une chose est sûre : en cas d’échec de Macron, on peut mettre la main au feu que quelqu’un sera mis sur la sellette et portera le chapeau. Ce pourrait être Bayrou, cet empêcheur de tourner en rond. Un cheval de retour qui se regarde le nombril et, malgré l’âge, a les dents longues, au point de se voir en 2027, cerise sur le gâteau béarnais, enfiler le costume élyséen. Las ! ce jobastre n’est pas près de décrocher le cocotier, lui le prêchi-prêcheur qui traîne quelques casseroles à ses basques.

D’autant qu’un autre ambitieux rêve d’atteindre ce graal sans l’avouer publiquement, bien que ce soit pour tous un secret de polichinelle : le dénommé Philippe, habile à mettre de l’eau dans le gaz à son profit. Fort de sa popularité, le Normand estime avoir le vent en poupe pour monter en puissance et voler de ses propres ailes en vue de diriger la France, cette patrie des Droits de l’Homme qu’il entend gérer d’une main de fer en refermant la boîte de Pandore des fuites en avant démagogiques. A-t-il le nez creux ? L’histoire le dira.

Un mot encore sur le Parti socialiste. Doit-il définitivement faire une croix sur ses ambitions gouvernementales ou, contre vents et marées hégémoniques estampillés LFI, espérer être remis en selle au prix d’un remède de cheval idéologique ? Cazeneuve, Le Foll et d’autres estiment qu’il est temps de changer le fusil d’épaule. Il faut, selon eux, arrêter de voir les choses par le petit bout de la lorgnette électorale, cesser d’être la cinquième roue du carrosse. Le PS – l’évidence est pour eux frappée au coin du bon sens – doit reprendre son autonomie pour, comme naguère, jouer dans la cour des grands. Dans le cas contraire, tout cela finira en queue de poisson et l’on n’aura pas fini de tirer sur l’ambulance d’un PS subclaquant.

Pour sourire, terminons par une citation de Chirac, déclinant l’invitation à un dîner après une visite du centre d’entraînement des Girondins de Bordeaux : « Moi, à cette heure, c’est "Coucouche panier, papattes croisées, bouboule en rond"  ». À grand président, pensée élevée !

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