Champagne à l’Elysée !

par Chem ASSAYAG
lundi 24 novembre 2008

Le spectacle donné par le PS – coups bas, tordus, fourrés – est si incroyable qu’on en oublierait presque que l’enjeu est d’une importance cruciale pour notre démocratie : la direction, au sens de l’orientation et des personnes pour l’incarner, d’un des deux grands partis de gouvernement en France.

Pendant longtemps on avait qualifié la droite française de « droite la plus bête du monde » – citation de Guy Mollet à l’origine ; ainsi dans les années 80 et 90, elle était majoritaire dans les têtes dans notre pays mais incapable de traduire ces résultats dans les urnes. Certaines rivalités inexpugnables étaient en partie responsables de cet état (Giscard/Chirac, Chirac/Balladur…) et ont durablement miné sa capacité à rassembler. Paradoxalement au moment où le capitalisme connaît sa plus grande crise depuis 60 ans, la gauche française a décidé de reprendre le flambeau et de devenir « la gauche la plus bête du monde ». De fait la logique suicidaire du Parti Socialiste – comme je l’écrivais ici il y’a quelques mois – semble arriver à son terme. Le parti, formellement, n’explosera peut être pas, mais sa capacité à s’opposer tout d’abord et éventuellement à revenir au pouvoir à court terme apparaît comme hautement improbable, étant donné l’état dans lequel ces élections internes vont le laisser.
 
Ici Nicolas Sarkozy voit sans doute ses espérances satisfaites au-delà de ses rêves les plus fous. En effet on peut penser que le scénario idéal pour N. Sarkozy était une victoire de Ségolène Royal, mais la situation actuelle avec un parti littéralement fracturé en deux est encore plus favorable.
 
Initialement une victoire de Ségolène Royal était souhaitable pour le Président de la République pour deux raisons essentielles : tout d’abord il l’a largement et facilement battue (53/47) en 2007 et il est clair que le poste de Premier Secrétaire n’est dans l’esprit de S. Royal qu’une étape avant la présidentielle de 2012. Pour Nicolas Sarkozy la candidate socialiste est un adversaire peu dangereux, et tout a été fait pour lui faciliter la tâche dans sa conquête du PS – on pourra à ce titre souligner l’étonnante couverture médiatique de ces élections aux PS où Ségolène qui avait réuni 60% des militants au premier tour des primaires socialistes de 2007, était présentée comme la grande gagnante du scrutin actuel avec 29% au premier tour cette fois-ci.., et on pourrait multiplier les exemples.

 
Ensuite la personnalité de S. Royal est si clivante qu’une bonne partie des électeurs socialistes ne voteront jamais pour elle. Ils se réfugieront dans l’abstention, où s’éparpilleront entre le NPA de Besancenot, le PC, s’il existe encore, et le MoDem de Bayrou. Dans une configuration où il est déjà très difficile pour un candidat socialiste d’atteindre 50% au deuxième tour de la présidentielle, ces électeurs absents feraient mécaniquement perdre Ségolène Royal au second tour, voire ne lui permettraient pas de passer le premier !
 
Ségolène Royal à Solférino c’était « jours tranquilles à l’Elysée » pour Nicolas Sarkozy. Mais le scénario qui se déroule sous nos yeux est encore plus favorable pour l’ex-maire de Neuilly. Non seulement le PS est littéralement coupé en deux, parcouru de haines éclatant au grand jour et de manœuvres dignes de républiques bananières – intimidations, fédérations au pas, mais il apparaît comme un parti où la fraude est admise, habituelle, où les dirigeants sont prêts à se poursuivre en justice, et où finalement la seule ambition est de sauver son poste.
 
Les Français dans tout ça ? On ne sait plus trop s’ils existent puisque ce qui compte à ce stade c’est uniquement le militant et sa voix.
 
Mardi soir le PS aura peut-être un nouveau numéro 1, mais, en interne, il sera dans l’incapacité de gouverner et de rassembler. Mardi soir le PS aura peut-être un nouveau numéro 1 mais il aura la tâche titanesque d’en changer les mœurs et de convaincre le pays que le parti est rénové. Mardi soir le PS aura peut-être un nouveau numéro 1 mais il devra bâtir un vrai programme. Mardi soir le PS aura peut-être un nouveau numéro 1 mais il doit se préparer à une longue cure d’opposition.

Malheureusement comme je le disais en introduction, qu’un des deux partis pivots de notre vie politique soit dans cet état n’est pas une bonne nouvelle pour notre démocratie.
 
En attendant, à l’Elysée, si Nicolas Sarkozy pense à 2012 tous les matins et les soirs en se brossant les dents, il peut d’ores et déjà réserver un millésime de champagne : 2012 sera sans doute un bon cru pour lui.


Lire l'article complet, et les commentaires