Chaque être a sa singularité

par Taverne
jeudi 27 octobre 2016

Chaque être possède sa propre singularité, chacun est singulier. Chaque être est à lui seul un univers. Tout individu possède sa propre liberté, son propre langage. On peut dire même que chacun pousse son propre cri, qu’il pose sa question à lui, qui sera la question de toute sa vie. Chacun a fait sa propre devise, forgé son obsession bien à lui. Chacun, pour finir, marque une préférence pour une rengaine ou un refrain qui l’accompagnera jusqu’à sa fin.

Pour chaque espèce, un singularité. Chaque membre d’une espèce a ses caractéristiques uniques qui n’appartiennent qu’à lui. Chaque être humain énonce son unicité en particulier en affichant un visage qui n’a son pareil nulle part au monde. Et, c’est cela peut-être la chose la plus merveilleuse dans la vie, cette nature qui fait que l’on ne trouve jamais deux êtres identiques, seulement des ressemblances, quelquefois troublantes pour certains regards, mais qui ne sont en réalité que des ressemblances approximatives et de façade. Bien sûr, le clonage peut rebattre les cartes, mais aujourd’hui on en est encore là, heureusement !

Chaque être possède sa propre singularité

Seulement qu’est-ce qu’un être ? On serait bien en mal de le dire car il existe une dualité du « Je » et du « Moi », ce Moi si haïssable au regard sans concession d’un Blaise Pascal, moi qui ne suis jamais pire que quand je me prends pour moi dit Jacques Brel dans une chanson.

Mais, quand même, on peut dire que le « Je » est libre et spontané, qu’il va facilement vers l’autre. Alors que le Moi, qui est comme le fondement de notre forteresse intime, est du construit, du solide qui veille au grain et qui, pour prendre soin de lui-même, n'hésit epas à ériger des défenses et des citadelles imprenables, parce que voilà : il y a la crainte de l’Autre ! L’enfer n’est-il pas les autres ? Non pas tant les autres en eux-mêmes que les autres pour ce qu’ils me renvoient si je commets l’imprudence de leur confier la clé de mon jardin secret.

L’Autre, cet autre qui me connaît trop, est mon pire ennemi. Il détient en puissance un pouvoir de destruction. Il connaît toutes mes faiblesses ; il peut démolir d’un seul coup mes illusions, toutes ces illusions entretenues pour la sauvegarde de mon équilibre fragile. Mon parent, mon familier, je ne les crains pas trop, mais l’Autre à qui me prendrait l’envie de trop me confier : danger ! Eh bien oui quoi ! Le Moi a bien le droit de rêver, de se passer en boucle des films qui le présentent toujours à son avantage sur l’écran noir de ses dimanches, mais aussi de ses lundis, ses mardis et pourquoi pas tous les jours de la semaine. Il faut dire que tous ces jours-là sont souvent difficiles à vivre, alors on compense avec les fantasmes qu’on peut. Et c’est la raison du proverbe « nul n’est prophète en son pays » que même Jésus-Christ appliqua pour son propre compte. Jésus Christ, un saint ! Alors, vous pensez bien, pour nous-mêmes qui ne sommes pas des saints…

Le quotidien, parlons-en !

Chaque jour de notre quotidien nous rend d’un point A à un point B puis d’un point B à un point C, et il y a autant de points que le temps le décide. Le passage du temps n’est que cela, passage permanent d’un point à un autre, le suivant, si prévisible, si ordinaire. Il y a ainsi ce maillage constant, cette intrication des moments. Comment se défaire de cela, de cette fatalité ? Existe-t-il un moyen de décodage pour ce mot-à-mot de la trame de l’existence ? Une porte de sortie de cette vie au goutte-à-goutte aux instants tout entrelacés ?

Alors évidemment, on pense à l’intrication quantique, c’est à la mode. Et pourquoi, après tout, ne pas voir les choses ainsi ? La boule du Moi roule sur un tapis, ou un hamac, de déterminations (inconscient, conditions sociales et culturelles). Ce tapis ou hamac fait penser à la déformation de l’univers espace-temps, vous savez la grosse boule des astrophysiciens qui roule sur le tapis de l’espace-temps et qui rend tout relatif, paysage d’horreur qui rend tout relatif pour notre être en quête du contraire, c'est-à-dire de l'Absolu.

Pour poursuivre dans cette direction, quel serait notre être quantique ? Ce serait cette boule du Moi (le « Je » étant bien caché dans le noyau, dans son petit nid douillet et fantasmagorique, protégé par le moi balèze) qui roule sur son tapis au sein du vaste univers où règnent deux empires : l’empire du Vivant et l’empire du Vibrant. Deux règnes très opposés qui courent tous les deux après la maîtrise de l’énergie car tous deux en ont autant besoin.

Le Vibrant ? Ce sont les ondes, la lumière (voire aussi les trous noirs).

Le Vivant ? Ce sont ces pauvres créatures qui se débattent sans cesse comme elles peuvent dans ce Grand Tout délirant. Mais quand même, le philosophe, ne sait-il pas un peu comment mettre de l’ordre dans tous ces schémas et ces éléments divers ? Il pourrait nous dire, par exemple, ce qu’est l’énergie. En fait de philosophe, il y a moi - oui c’est bien peu je sais - mais qui peut dire ceci (sans trop s’avancer pour autant) :

L’énergie, cette ressource universelle que se partagent le monde du Vibrant et le monde du Vivant

L’énergie serait quatre choses :

1 – c’est la force.

Et qu’est-ce que la force ? L’Américain Peirce l’a définie comme étant l’une des deux parties du couple « force-résistance ». Toute force rencontre une résistance. Quand je tape sur la table, ma force rencontre la résistance de cette chose nommée « la table ». Bon, mettons.

2 – c’est l’agressivité.

ça c’est vraiment du vivant, de l’organique, une chose connue de nous. C’est vraiment du vécu puisqu’on est forcé de vivre avec. Mais elle nous est utile pour réussir, pour se défendre. Il s’agit simplement de savoir la gérer et alors là chacun pour soi : cela va des méthodes de maîtrise de soi, du yoga, jusqu’à la pratique des vertus aristotéliciennes (les vertus cardinales) ou du « juste milieu ». D’accord, mais ces Anciens – les Grecs -, quand ils parlaient de juste milieu, ils appliquaient aussi une notion bien curieuse de la justice qui était celle-ci : chaque individu a une place attitrée dans l’ordre universel et doit rester à sa juste place, dans son juste milieu, afin de ne point troubler l’ordre d’une société parfaite. Autrement, si tu es esclave, c’est ta place. Tu n’as aucun droit de rêver d’un meilleur sort, tu dois rester dans ton juste milieu. C’est cela qu’ils appelaient la justice. Cette justice prétendue qui n’est plus revendiquée aujourd’hui mais seulement mise en œuvre partout, nourrit des rancœurs face aux injustices criantes et terribles qu’elle propage par le monde. Et qui dit injustice dit quoi ? Agressivité ! La boucle est bouclée.

3 – c'est la violence.

C’est quand l’agressivité n’est plus contenue (voir l’exemple précédent) mais la violence, pour moi, se définit aussi par son étymologie : violence = violer…La violence n’est-elle pas cette force qui viole les règles de la vie, de la loi ou de la morale ? Tout le contraire du respect : le viol et la violence !

4 – c'est la puissance.

C’est peut-être ce que nous avons de mieux, cette puissance ! Elle nous donne la force motrice qui nous fait aller de l’avant et aussi nous motiver. Nous actionnons cette puissance en manipulant plusieurs leviers : le désir, la peur quelquefois, la volonté, voire la rage, l’aspiration (espérance). On dit que Gandhi pratiquait la sexualité en ascète pour rediriger son énergie sexuelle vers des buts plus utiles et plus élevés.

Mais voilà, j’ai été trop bavard. Je devais vous parler aussi de l’être singulier et surtout essayer de vous dire comment l’être peut faire pour s’énoncer. Car l’être, pour s’épanouir, a besoin de s’énoncer. S’énoncer, c’est bien autre chose que simplement s’exprimer ou qu’énoncer des choses, ou que de dénoncer tout à tort et à travers. Tout être est singularité veut dire que tout être est non seulement unique mais il est aussi une réserve de potentialités qui peuvent s'actualiser, c'est-à-dire, devenir effectives. Seulement, il existe tout un tas de raisons qui font barrage à l'énonciation originale de l'être : la pression du milieu, la pression sociale, par exemple. Pourtant, c'est en s'énonçant que l'on apprend à découvrir qui nous sommes, la seule introspection n'ayant jamais permis de remplir la mission assignée par le dieu Apollon et reprise par Socrate : "connais-toi toi-même". S'énoncer, c'est prendre des risques mais c'est la seule authenticité possible dans un monde où les paroles prononcées dans l'agora ne sont que des lieux communs, des répétitions de répétitions de propos, des copiés-collés verbaux. Ayez la curiosité d'étudier la proportion de propos qui relèvent du registre de la dénonciation dans les commentaires sous les articles, et vous serez édifiés. Les réactions épidermiques, les banalités affligeantes, les défoulements aveugles, les critiques qui ne reposent sur rien et n'ont d'autre but que de dénoncer. Jamais la formule "la critique est aisée mais l'art est difficile" de Boileau, n'a eu autant de sens qu'aujourd'hui avec le développement des médias, blogs et réseaux sociaux. S'énoncer, c'est aussi s'impliquer, s'engager vraiment derrière les propos énoncés.

Cherchez l'énonciation et vous verrez : elle est rare !

Soyez singuliers !

 


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