Charlie est mort, suicidé !

par Gérard Luçon
mardi 19 janvier 2016

Au début il y avait Hara-Kiri, impertinent, tirant sur tout ce qui pouvait représenter l’ordre établi, avec des gugusses qui vont devenir rapidement des « monstres sacrés », les Choron, Cavanna, Siné, Wolinski. L’apogée a été cette sublime couverture lors du décès du Général de Gaulle (Bal tragique à Colombey), avec la censure comme apothéose de la reconnaissance du politiquement incorrect ! Ainsi Hara-Kiri entrait au Panthéon des empêcheurs de voter en rond…

Le temps a fait son oeuvre, les 68-ards se sont calmés en s’intégrant dans cette « société pourrie », Hara-Kiri est entré dans une douce torpeur, les vieux ont commencé à nous tirer leur révérence, le journal allait mal. Alors il a fallu sortir du chapeau un nouveau concept, un nouveau titre, et comme un petit clin d’œil à Charlie Brown on nous a pondu Charlie-Hebdo.

Cette gigantesque révolution d’opérette plus l’arrivée d’un « envoyé spécial » dont le seul but était de garantir une nouvelle ligne, le dénommé Philippe Val, n’a rien sauvé, les meubles ont continué à tirer leur révérence et quand ils ne mourraient pas assez vite on a commencé à les virer. C’est ainsi que Siné, l’impertinent mais surtout indomptable Siné, a été foutu à la porte !

Tout ça pour un dessin liant, si je me souviens bien, le fils sarko à une religion devenue objet de toutes les protections. Le Seňor Val veillait, déjà, comme un nom prémonitoire …

Fin 2014, Charlie est au plus mal, il envisage même d’être racheté par un groupe de presse, par un magnat, le Seňor Val lui a quitté la barque, mission accomplie. Charlie est devenu spécialiste du dessin religieux avec comme cibles préférées Mahomet, le Pape et Dieu, et surtout leur cul et leur bite. Finies les unes ciblant l’autre religion, comme celle-ci (voir caricature avec Hitler).

Charlie Hitler

Début 2015, l’impensable survient ; dans une rue à sens unique et à une heure de pointe deux individus en voiture bloquent la circulation pendant de longues minutes (circulation inexistante ce jour-là, aucun véhicule bloqué derrière eux, aucun coup de klaxon, aucune vidéo de surveillance en fonction), entrent dans la rédaction dont la porte leur a été ouverte par une personne qui grâce à ce geste va sauver sa vie (toujours ça de gagné) et tirent dans le tas ... au hasard ? Pas sûr ! Charlie est décimé, Wolinski qui avait „bercé” mes années 70 est abattu, Bernard Maris aussi ; quelles pertes !

Mais cet impensable ne suffisait pas, il fallait qu’un pouvoir moribond vienne récupérer cet événement pour se redorer un blason, juste avant des élections qui s’annonçaient catastrophiques. Et on a vu devenir Charlie des Poroshenko, Netanyahou, Liberman, le gratin ..., dans un défilé qui ne sera qu’une gigantesque escroquerie puisque les „grands de ce monde” vont se réunir dans une rue différente de celle de la manifestation ...(voir photo de la double manifestation).

La grande manif

Début 2015 également, le 14 janvier, je suis invité à l’Institut français de Bucarest pour y être interviewé sur un tout autre sujet que Charlie et la presse ; j’y découvre un lieu où trône partout la fameuse pancarte „Je suis Charlie”, en blanc sur fond noir, le patron de cet Institut vient nous saluer et nous demande notre avis, torse bombé, fier de la mobilisation de ses personnels ... Je ne commenterai pas et ne lui répondrai pas. Cette attitude de crétin satisfait m’a remémoré juste que quelques mois auparavant j’étais venu à cet Institut pour y chercher un document, un numéro spécial Charlie, celui sur la mal-bouffe, et j’avais été reçu pas un aimable mais sec „Monsieur nous n’avons pas ce genre de revue à l’Institut”.

Charlie venait d’être définitivement enterré, récupéré par le pouvoir et par ses représentants zélés !

Depuis c’est un hebdomadaire moribond qui continue à survivre grâce aux abonnements „solidaires” pris en Janvier 2015 par des gens sincères mais manipulés, et qui est sous l’oeil de la répression la pire qui existe, celle du politiquement correct, celle qui désormais s’enflamme à chaque une de Charlie quand on y voit encore le cul de Mahomet ou le gland de Jésus, celle qui ne supporte même plus cette une du gamin retrouvé mort sur une plage ou celle sur l’avion russe abattu au dessus du Sinaï.

Avant que Hara-Kiri ne s’éteigne, avant le travail de démolition du Seňor Val, on aurait rigolé de ces 2 „Unes” en se disant „ils vont loin” mais en rigolant pour cette impertinence qui faisait tout leur charme.

T’es mort Charlie, un jour de Janvier 2015, quand tu ne t’es pas insurgé contre la récupération politique !


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