Chères poubelles

par jmmathe
samedi 15 octobre 2016

De 182€ en 2015 à 285€ cette année : la taxe foncière a du mal à passer pour l'auteur de cet article. Et ce n'est rien à côté de ce commerçant : de 588 à 2523€ ! Les avis d'imposition pour la taxe foncière ne passent pas inaperçus à Boulay, près de Metz en Moselle, avec des augmentations de 50 à 400% pour la taxe d'ordures ménagères. Une manifestation se prépare.

Comment réagiriez-vous si la facture d'eau ou d'électricité n'était pas basée sur la consommation réelle mais l'emplacement et le nombre de m2 de votre habitation ? Vous crieriez au scandale. Pourtant avec la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), c'est un système injuste qui prévaut, car payée par le contribuable et non l'usager.

De fortes hausses.

Marie-Jeanne Bouzendorfer, femme seule, elle aussi ne décolère pas. Cette boulageoise a fait un bond, voici quelques jours en lisant le montant de sa TEOM : 1035€ alors que l'an dernier, elle ne payait que 430€. Son exemple n'est pas unique : c'est la conséquence de l'abandon par la communauté de communes du Pays boulageois (CCPB) de la redevance (REOM) qui prenait en compte le nombre d'habitants par foyer pour passer à la TEOM. L'addition est douloureuse. En effet, pour combler le déficit du Sydeme (syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers en Moselle Est), la CCPB en a décidé ainsi, par 31 « pour » et 10 « contre » et en fixant le taux d'imposition à 16%. Elle devient une taxe additionnelle à la taxe foncière.

Comment en est-on arrivé là ?

Le Sydeme, créé en 1998, a investi 98M€ et regroupe 14 communautés de communes et 385 000 habitants : il a mis en place un dispositif de tri vanté partout en France, voire jusqu'aux Etats-Unis, un système innovant et écolo récompensé par de nombreux prix et trophées. Ses dépenses de fonctionnement ont doublé entre 2003 et 2008. La Chambre régionale des comptes (CRC), dès 2009, avait pourtant tiré le signal d'alarme : elles sont passées de 64€/habitant en 2008 à 130€ en 2014. Résultat : 6,7M€ de déficit. Le préfet a imposé sa décision : chaque communauté de communes devra verser une compensation pour les investissements du syndicat. La part de Boulay est fixée à 300 000€. En plus, tri et transport augmentent, la TVA est passée de 7 à 10% et il faut rembourser l'emprunt de la nouvelle déchetterie. Cela ne méritait pas un tel matraquage des contribuables. La 1ère décision prise par le conseil communautaire de Boulay en octobre 2015 a été de passer de la redevance (REOM) à la taxe (TEOM).

Jeter moins pour payer plus.

On dit de mieux trier pour payer moins. Or, ceux qui voient leur facture doubler ou tripler risquent de ne plus trier. Les boulageois ne veulent pas payer les rêves de grandeur, le gaspillage et les erreurs du Sydeme. Sa situation n'est pas claire : Elise Lucet et ses équipes de « Cash Investigation » devraient y mettre leur nez. En plus, la communauté de communes de Boulay (15 000 habitants) a commis une double faute en matraquant d'un seul coup le contribuable avec les 16% de taux d'imposition et avec l'absence totale de communication et d'information. En comparaison, la part de Sarreguemines est de 800 000€ sans emprunt ni augmentation de la taxe au taux stable de 14%.

Boulay, centre de la contestation.

Une pétition circule depuis quelques jours et a déjà recueilli plus de 600 signatures. Un collectif a vu le jour, « Action déchets Pays boulageois », du nom de la page Facebook qui a été créée. Une 1ère manifestation avait déjà eu lieu devant le siège de la comcom. A la suite de celle-ci, André Boucher, président de la CCPB, avait reçu une délégation pour une longue entrevue qui n'a rien donné et d'où la presse avait été exclue vertement.

Les contribuables du Pays boulageois ont décidé de frapper fort en organisant un nouveau rassemblement de protestation à Boulay le samedi 22 octobre à 10 heures, au départ de la place du marché. L'ADQV (association de défense de la qualité de vie au pays de Bitche) qui se bat sur le même sujet y apporte son aide et son soutien. Quant aux contribuables en colère des 13 autres communautés de communes dépendant du Sydeme, ils sont invités eux aussi à manifester leur mécontentement.

Jean-Marie Mathé

 

ENCADRÉ :

« Le Sydeme est exemplaire ».

200 000 tonnes de déchets traités dont 46 000 par méthanisation, 8 sites d'exploitation, 200 emplois, voilà résumé en 4 chiffres le Sydeme. Créé en 1998, le syndicat mixte de transport et de traitement des déchets ménagers de Moselle-est regroupe 14 communautés de communes et 385 000 habitants. Le tri à la source et la valorisation sont les priorités tout en maîtrisant les coûts. « Le Sydeme se doit d'être exemplaire, ouvert et transparent. », rappelle Serge Starck, président élu depuis 2014. Serge Winkelmuller, son directeur, ajoute : « Valoriser intelligemment les différentes filières de traitement et mettre en place des centres de tri, de recyclage et de méthanisation ont apporté une notoriété et un savoir-faire reconnus. ». Ce dispositif innovant et écologique, sans équivalent, est vanté partout en France, voire jusqu'aux Etats-Unis et lui vaudra de nombreux prix et trophées. « C'est un système vertueux auquel les gens adhèrent. S'ils ne trient plus, les tarifs augmenteront. », enchaîne le directeur qui conclut : « L'investissement total est de 98M€. Comparativement, une usine d'incinération aurait coûté 120M€. En payant la taxe ou la redevance, on contribue au financement de ces investissements. »

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