Chiche, et si on parlait vraiment de politique ?

par Pelletier Jean
lundi 22 janvier 2007

La couleur des tailleurs, le nombre de militants dans les meetings, le relooking et autres balivernes, cela suffit. Il y a suffisament de véritables enjeux de société ; les candidats portent des projets qui ne se resemblent pas, parlons-en. Une fois le choix fait, c’est pour cinq ans !

La campagne des élections présidentielles est lancée. Qu’il s’agisse des médias officiels ou des « médias parallèles », blogs et autres forums ... tout tourne autour de l’évaluation des patrimoines des candidats et principalement de ceux de Nicolas Sarkozy et de Ségolène Royal. Et je constate que la bourde d’Arnaud de Montebourg fait les délices des chroniqueurs de tout poil, notoirement connus et illustres inconnus.

De même, la « bourde » de François Hollande sur les revenus nets supérieurs à 4000 € qu’il convenait de désigner comme cible fiscale principale provoque moult bavardages.

C’est un peu une déception de voir ainsi converger la platitude et la « peopelisation » auxquelles nous ont malheureusement habitué nos médias habituels et la sphère Internet.

Et pourtant tout un chacun, bien au-delà des deux candidats attendus pour le second tour, s’essayent à avancer leurs propositions et leurs analyses. Ses sujets de débats et ces clivages potentiels existent, ils sont communiqués par les uns et par les autres mais personne ne s’en empare.

Un exemple, le discours ambiant est à : droite/gauche, c’est du pareil au même, somme toute bien commode. Le cercle des économistes a publié un document fort intéressant intitulé : « Politique économique de droite, politique économique de gauche  ». Celui-ci démontre que les marges de manœuvre existent dans le domaine de la fiscalité, de la politique sociale, des retraites, de la réduction de la dette etc...L’ouvrage est signé par des économistes de renom de droite comme de gauche.

Il ne faut plus nous faire le coup (déjà lointain) de Raymond Barre, Premier Ministre : « La politique économique que je mène est la seule possible », à l’époque je l’avais eu quelques années auparavant comme professeur d’économie à Sciences Po, il avait signé un excellent livre sur la politique économique où il expliquait, en bon universitaire qu’il était, qu’il n’existait en aucune manière une seule politique économique mais plusieurs politiques possibles qui induisaient des effets sur l’inflation, la balance commerciale, le déficit budgétaire, la relance ou la stagnation ; qu’en agissant sur les prix, on agissait sur les revenus, le pouvoir d’achat, le taux d’emploi, etc ....

Ces questions sont sérieuses, elles déterminent en elles-mêmes de véritables choix de société et il conviendra de voter en connaissance de cause.

On attend donc des médias, y compris celui d’Agoravox, de véritables débats d’idées. Je me lance.

Si je reprends attentivement les déclarations de Nicolas Sarkozy, y compris celle de dimanche dernier, j’y vois la description d’un véritable projet politique :

- où il fait l’apologie du modèle communautariste religieux. En important le modèle américain qu’il vénère tant, il tient à favoriser et raviver les sentiments communautaires religieux car il y voit l’opportunité de favoriser l’individualisme qui permettra de substituer à la solidarité nationale celle des solidarités communautaires. Ainsi sa démarche favorisera-t-elle sa volonté de réduire le poids de l’Etat providence dans l’économie. N’a-t-il pas déclaré  : « A mon sens, il est aussi important d’ouvrir des lieux de culte dans les zones urbaines que d’inaugurer des salles de sports ». Nicolas Sarkozy est prêt à sous-traiter aux religions l’encadrement moral de la société et plus particulièrement de la jeunesse. C’est une option ...elle a ses défenseurs dans la société française.

- Notre ministre de l’Intérieur fait de la sécurité son principal cheval de bataille, il se risque à toutes les provocations verbales et multiplie les initiatives parlementaires comme la loi sur la sécurité intérieure de mars 2003 où il proclame : « Le nouveau gouvernement est convaincu que la répression est la meilleure des préventions » et il met fin à la police de proximité. C’est un choix politique clair et qui répond à certaines aspirations d’une partie de la population.

- Il se présente comme un libéral convaincu et défend vigoureusement une réduction forte du nombre des fonctionnaires, il souhaite revisiter les avantages « indus » de la fonction publique et plus particulièrement les régimes de retraites spéciaux  ; il souhaite (le mouvement est déjà en marche) importer les méthodes de management du privé dans la fonction publique : avancement au mérite, primes spéciales, évaluation des performances, etc ... ; il propose de déréglementer le marché du travail par la fusion du CDD et du CDI en un contrat de travail unique plus favorable à l’employeur en affaiblissant les protections contre le licenciement. C’est un vrai débat. Certains pensent qu’en opérant de cette manière on créera plus de fluidité sur le marché du travail, donc plus d’embauches. C’est la thèse officielle du Medef., ce n’est pas celle des syndicats de travailleurs.

- Dans le débat sur la loi DADVSI il a reçu, au moment de la mêlée parlementaire, les principaux majors de la musique et leur prestigieuses têtes de gondole pour pourfendre la licence globale défendue par les audionautes, les associations de consommateurs et certaines sociétés d’artistes. C’est un vrai sujet de clivage politique, Ségolène Royal s’était, elle, prononcée en faveur de la licence globale. Ce débat porte sur la conception que l’on a de la culture et de son accès dans les années à venir. Cela mérite en soi un débat de fond.

- Nicolas Sarkozy est un atlantiste convaincu, il en a bien le droit et on n’est pas obligé d’être d’accord avec lui, surtout lorsqu’il déclare : « dénoncer l’arrogance de la France » alors qu’il est dans l’antichambre du bureau ovale de la Maison Blanche, Atlantiste ou pas, quelle conception de l’Europe : fédéraliste ou conglomérat de nations dans un marché de libre-échange ?

J’arrête là l’exercice ... il peut se faire de la même manière à partir du projet socialiste et des futures déclarations de Ségolène Royal (attendues, très attendues après le 11 février). Mais qui peut nier que Marie Georges Buffet avec le Parti Communiste n’a pas un véritable projet idéologique quant à sa conception des services publics, des entreprises nationales et à nationaliser (c’est vrai que sur EDF et Gaz de France on peut discuter, de même sur le service de l’eau potable dans les communes ...), de la gestion du budget de l’Etat et des priorités à mettre sur l’éducation et la recherche.

Dominique Voynet a déjà commencé à dévoiler le projet sociétal des « Verts ».

Et bien sûr François Bayrou qui s’est lancé dans une nouvelle aventure politique où il se lâche vraiment et dit ses quatre vérités. Tout le monde a pu apprécier à sa juste valeur sa dénonciation de la politique des grands médias télévisuels en matière de temps de parole des candidats. Il sort très prochainement un livre où il exposera dans le détail ses idées et son programme : ni à gauche, ni à droite mais au centre.

Qui osera une véritable politique de décentralisation en supprimant l’échelon départemental, en réduisant les régions actuelles à six ou huit et en décidant le regroupement autoritaire de certaines communes et agglomérations de communes ?

Qui, à l’instar du Canada, s’attaquera frontalement au problème de la dette publique ?

Qui osera reprendre le flambeau humaniste du programme politique du Conseil national de la résistance en reprenant l’offensive sur les questions des droits sociaux, de l’éducation, de la laïcité, du contrôle de l’économie, de la défense et de la nécessité des services publics (dans la santé, l’éducation, le logement, l’énergie etc..).

Vraiment, ce serait tout de même plus utile d’engager toute de suite et maintenant le débat sur toutes ces questions plutôt que de calculer à l’euro prêt le patrimoine des Hollande-Royal et autres Sarkozy ou sur les blagues fumeuses de Montebourg ou encore la couleur des tailleurs de Ségolène.

Chiche !


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