Choisir entre LIGO et les bombes

par Automates Intelligents (JP Baquiast)
lundi 15 février 2016

La détection des ondes gravitationnelles annoncée par la collaboration LIGO ne doit pas seulement être considérée comme un résultat scientifique. Elle montre le succès de certaines formes de sociétés humaines ayant permis cet exploit.

Jean-Paul Baquiast, Christophe Jacquemin, 14/02/2016

Source Physical Review Letters

Il s'agit de sociétés comportant des humains acceptant de consacrer à une recherche scientifique sans applications immédiates, et ne générant aucun profit capitaliste, des ressources importantes de matière grise, de temps et aussi de moyens matériels.

Le détecteur LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory) comme son homologue européen Virgo1) constituent semble-t-il, les instruments les plus précis jamais construits. Ils peuvent mesurer des ondulations dans l'espace temps se traduisant par des déplacement d'environ un atome entre les deux branches du détecteur.

Leur mise au point a résulté de recherches de plusieurs décennies dans les domaines des lasers, de la technologie du vide, de la séismologie et bien d'autres. De nouvelles mathématiques ont du être développées pour extraire le bruit d'un signal cosmologique noyé dans les multiples bruits provenant du détecteur et du milieu environnant. Des milliers de scientifiques et d'ingénieurs ont résolu tous les défis techniques et progressivement amélioré la sensibilité des détecteurs.

Ce travail se poursuit aujourd'hui, tant dans les interféromètres à terre que dans la mise au point des interféromètres satellitaires du projet eLISA. Tout laisse prévoir que les défis à résoudre seront encore plus grands.



De plus, comme ceci a été amplement souligné, la forme particulière du signal (voir image ci-dessus), correspond aux prévisions des équations de la relativité générale imaginée par Einstein pendant et peu après une première guerre mondiale, guerre ayant entrainé la mort de millions d'humains, parmi lesquels d'ailleurs des scientifiques ayant contribué indirectement aux découvertes d'Einstein. Ces équations ont permis d'attribuer avec précision le « bruit » de quelques fractions de seconde à la fusion finale de deux trous noirs de taille moyenne, soit une trentaine de masses solaires, formés par l'effondrement gravitationnel des deux étoiles ayant gravité en harmonie pendant sans doute plusieurs milliards d'années.

Comme souligné par les articles scientifiques, l'astronomie gravitationnelle prendra dans les prochaines années, sauf de nouvelles guerres destructrices, une importance sans doute supérieure à celle de l'astronomie optique et électromagnétique. Les ondes gravitationnelles primordiales, résultant d'un événement de bien plus grande ampleur, le Big Bang, pourront être enfin analysées , donnant de nouvelles lumières sur la nature de cet événement et son insertion dans un univers plus pluriel que le nôtre. Il en sera de même de l'étude de la matière noire, invisible aujourd'hui mais qui est le principal facteur de la formation des astres par condensation gravitationnelle de nuages de poussières galactiques antérieures.

Le matérialisme scientifique

Les formes de sociétés humaines capables de consacrer du temps et de l'enthousiasme à de telles recherches sont aussi celles qui refusent les conceptions religieuses du monde, selon lesquelles tout ce qui existe résulte de l'intervention d'un Dieu créateur lequel, par définition, sera à jamais connaissable. Elles refusent aussi toutes les mythologies et politiques prospérant dans l'irrationnel, dont les conséquences meurtrières sont de plus en plus visibles, sous la forme notamment aujourd'hui des combattants du djihad qui n'hésiteraient pas, profitant d'un moment d'inattention, à se faire sauter pour détruire un interféromètre, produit du diable.

Chacun des 7 milliards d'humains vivant aujourd'hui sur Terre sera rapidement capable, avec le progrès des communications et débats sur support numérique, de décider s'il veut se dégager de constructions mythologiques millénaires imposant de soumettre les esprits à la domination de religions, de sectes et d'intérêts matériels. Le feront-ils ? On peut en douter, vu les disproportions entre le nombre de ceux qui se tournent vers les sciences pour progresser, et ceux qui préfèrent s'en remettre à la violence la plus primitive.

Mais la question doit aussi être posée aux humains qui, au sein des sociétés dites développées et riches, acceptent de consacrer aux dépenses militaires et aux guerres l'essentiel des ressources résultant de l'industrie et de la science. Combien d'interféromètres ou instruments analogues pourraient être financés par le budget militaire du Pentagone ? Plus immédiatement, combien de technologies permettant de lutter contra la faim dans le monde, le réchauffement climatique et la destruction des espèces vivantes pourraient être financées par des budgets comparables.

Or dans nos sociétés dites riches si fières de leurs capacités scientifiques, le citoyen de la base est-il en présence, lors des élections notamment, de partis et candidats leur donnant à choisir réellement entre la science désintéressée ou le profit et la guerre ? Certainement pas.

De tels candidats, s'il s'en trouvaient, seraient vite éliminés par les représentants du 1% d'hyper-riches et d'hyper-puissants qui mènent le monde. Le citoyen de la base, pour sa part, renonce à l'idée même de s'opposer à eux, fasciné qu'il est par le clinquant dont s'entoure ce 1%. Plutôt que s'identifier aux scientifiques de LIGO et Virgo, il se croit obligé de s'identifier aux « personnalités » du monde médiatique, quand ce n'est pas, plus directement, aux chefs de guerre, décapiteurs et massacreurs divers.

 

Sources

1) LIGO voir http://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.116.061102#fulltext

2) Virgo. Nommé ainsi par référence à un amas galactique géant dans la constellation Virgo. Voir https://en.wikipedia.org/wiki/Virgo_interferometer

 


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