Cinquante ans après, un Liban toujours meurtri !
par Ghassan Hélou
mardi 1er avril 2025
Un demi siècle après le déclenchement de la guerre civile le 13 avril 1975, le Liban, pris en tenaille par les rivalités régionales, n'a toujours pas retrouvé la paix.
Cinquante ans après, un Liban toujours meurtri !
Par Ghassan Hélou
Engagé dans la spirale du déclin, le Liban entame sa descente en enfer. Au plein cœur d’une zone de turbulence et de tensions, il est devenu une destination convoitée par des puissances étrangères qui s’affrontent à travers des Libanais en mal d’appartenance nationale. Lieu d’ingérences et de règlement de compte entre l’Iran, l’Arabie-Saoudite, la Turquie, la Syrie et Israël, le Liban se détruit. Un demi-siècle de destruction systématique. D’ailleurs, dans quelques jours nous allons nous rappeler collectivement de cette triste et sinistre journée du 13 avril 1975. Un pays de non droit, une république de la corruption et un État kakistocratique. C’est ainsi que l’on présente souvent le Liban. La ‘’Suisse de l’Orient’’ est devenue le ‘’Far-West’’ du ‘’Middle-East’’. Malheureusement. Cela fait aujourd’hui cinquante ans que le pays du cèdre traverse une crise multidimensionnelle qui touche la politique, l’économie et la société dans son ensemble. L’inaptocratie règne en maître absolu : les seigneurs de la guerre ont érigé la corruption en système de gouvernement couvert par un régime théocratique dysfonctionnel. Le partage du pouvoir entre les différentes communautés religieuses, instauré après l’indépendance et renforcé par les accords de Taëf en 1990, empêche l’émergence d’un État fort et réformateur. Chaque groupe défend ses propres intérêts, rendant les décisions collectives difficiles. L’État est ainsi paralysé et sa souveraineté est bafouée. Pendant les deux dernières décennies la décision de guerre et de paix appartenait au Hozballah attaché à l’Iran par un mode de vassalité. Encore une fois, Le Liban est pris dans un jeu géopolitique. Cette ingérence iranienne complique la gouvernance et, écartant toute rationalité de realpolitik, expose le pays à tous les dangers et le bouscule vers un affrontement inégal avec Israël. L’État hébreux possède une puissance militaire incomparable et bénéficie du soutien inébranlable des États-Unis. Face à ce déséquilibre des forces, le manque de pragmatisme est évident. La conjugaison d'une supériorité technologique et militaire israélienne aurait dû forcer l'inclination du Hozballah, indéniablement. Ce ne fut pas le cas et le Liban se trouve, à nouveau, plongé dans les abimes de l’enfer. Dans cet état chaotique du pays, aussi grave est la situation économique et sociale. L’effondrement du système bancaire est sans précédent. Depuis 2019, les banques ont imposé des restrictions sur les retraits et les transferts en devises, piégeant les épargnants. La livre libanaise a perdu plus de 98 % de sa valeur par rapport au dollar. La pauvreté explose avec la disparition de la classe moyenne. Aujourd’hui, plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté sous l’effet d’une hyperinflation qui a fait exploser les prix des produits de base. Et la situation serait encore plus grave n’était-ce le soutien financier de la diaspora. Les infrastructures sont défaillantes et les Libanais souffrent cruellement de toutes sortes de pénuries. L’électricité est occasionnelle, l’eau potable est rare et les hôpitaux manquent de moyens. Le peuple est à bout. La révolution d’octobre 2019 a montré l’ampleur du rejet du système, mais les espoirs de changement ont été déçus. La répression et la fatigue ont affaibli le mouvement et porté les contestataires à l’exode. Face à l’absence d’opportunités, une partie importante de la jeunesse et des professionnels qualifiés quittent le pays, aggravant l’hémorragie des talents. Et pour boucler la boucle, la déflagration meurtrière du port de Beyrouth, en août 2020, due à la négligence des autorités, provoquant la destruction d’une partie de la capitale, a été le symbole de l’effondrement de l’État. Pourtant, personne, en date d’aujourd’hui, n’a été véritablement tenu responsable. Malgré tout, les Libanais ne perdent pas espoir. Ils demeurent attachés à leur pays. Ils comptent sur une nouvelle équipe gouvernementale jeune et dynamique mais aussi sur l’intégrité du chef de l’État et de son premier ministre. L’on s’attend à un sursaut politique et à une véritable réforme du système. Mais entre la corruption endémique, l’ingérence étrangère et la résistance des élites au changement, la sortie de crise serait-elle possible ? Le Phénix renaît toujours de ses cendres !
Ghassan Hélou/ Montréal, avril 2025