Clap de fin
par Pierre Chazal
samedi 2 mai 2020
Le script avait de la gueule. Dans un monde artificiel optimisé 2.20 ayant accompli la synthèse de trois mille ans d’histoire, le bonheur était là, à portée de main. La convergence tant attendue, le point de rencontre mille fois rêvé d’une humanité si longtemps morcelée, enfin au rendez-vous du pow-wow intertribal. Plus de frontières, plus de mésententes, plus de guéguerres de territoire coupables d’avoir retardé, par un sectarisme primitif digne de l’Homme de Neandertal, l’œcuménisme rédempteur de l’Humanité en Marche. Le One love, One heart de Bob Marley érigé en hymne international du chamanisme mondialisant, chantant à l’unisson des peuples du monde entier ce refrain entêtant : Let's get together and feel alright.
Trouble-fête inattendu, le virus de Wuhan s’en vient semer le chaos, tester la fragile résistance du nouveau Concile des Trente prônant un capitalisme à visage humain conçu pour durer un millénaire et sauver les hommes d’eux-mêmes. Prises en traître par le mensonge chinois, débordées par une vague géante emportant tout sur son passage, les démocraties comme les autocraties jouent la carte collective du repli citoyen, de l’abandon provisoire du champ de bataille pour prendre l’ennemi sur son point faible. Sans plus personne à contaminer, le virus se meurt de solitude et abandonne le combat. Les digues ont tenu bon, la solidarité a payé et des millions de morts ont pu être évitées. Les médecins, les politiques et les médias peuvent ranger violons, flûtes et hautbois. Le grand orchestre mondial, après quelques fausses notes, a joué sa partition avec fougue et discipline et le déconfinement peut désormais s’opérer. Prudemment, certes, dans l’hypothétique hypothèse d’une seconde vague retorse, mais résolument malgré tout car la vie doit reprendre ses droits.
Le spectateur, paralysé d’effroi dans un premier temps, puis solidaire dans la lutte contre l’envahisseur austral, est invité à quitter par ordre de préséance les gradins de l’auditorium. Le soulagement est à la mesure de l’effort déployé. En donnant sans compter le meilleur de nous-mêmes, le mal a été vaincu, le pire est resté lettre morte, comme ces menaces de mort ou d’attentats terroristes étouffées dans l’œuf par l’action préventive des agents du renseignement et des forces de police.
Le script avait de l’allure, mais tout le monde a-t-il vu le même film ? La question mérite d’être posée.
Les prévisions apocalyptiques de Neil Ferguson, l’épidémiologiste qui murmurait à l’oreille des kapos, tablaient sur un demi-million de morts au Royaume-Uni ; les Britanniques auront compté, au pire, trente mille décès imputables au Covid 19. Les courbes d’infection et de décès étaient supposées exponentielles ; elles se révèlent être logarithmiques dans toutes les régions du monde, avec ou sans confinement, avec ou sans test, avec ou sans masque, quelque soient les traitements.
Margaret Harris, porte-parole de l’OMS, affirme n’avoir jamais préconisé le confinement pour lutter contre la pandémie : « Les gouvernements sont allés jusqu’à mettre leurs pays en quarantaine parce qu'ils n’étaient pas en mesure de savoir où se déroulaient la plupart des transmissions, précise-t-elle. Nous avons dit de suivre, tracer, isoler, traiter. » Le professeur Didier Raoult, directeur de l’IHU de Marseille, a rappelé récemment : « [En 1884] On a confiné pour arrêter le choléra. Et cela n’a pas marché du tout. « Bien sûr qu’il faut séparer les gens qui sont infectés de ceux qui ne le sont pas. Mais confiner des gens infectés, qui ne le savent pas, avec d’autres qui ne le sont pas, c’est une curieuse méthode. »
Dans le journal Le Parisien du 13 février 2019, on trouvait en gros titre d’un article de la rubrique Société : « Urgences saturées face à la grippe : Des gens attendent plus de huit heures dans les couloirs. » Et en dessous, dans le chapeau : « une épidémie de grippe particulièrement virulent sévit cet hiver en France. La faute notamment à un vaccin moyennement efficace cette année ». En 2019, 84% des morts de la grippe avaient plus de 75 ans. Le rapport de Santé publique France rapporte, au 17 avril 2019, 65 600 passages aux urgences et 11 000 hospitalisations pendant l’épidémie, avec 9 900 décès attribuables à la grippe pendant la période de surveillance.
Selon les chiffres de Santé Publique France arrêtés au 28 février dernier, 55 personnes sont mortes de la grippe depuis le 4 novembre 2019. Et ensuite ? Plus rien. Pas folle, elle a sans doute décampé en voyant arriver plus costaud qu’elle.
Le Journal de Montréal, en date du 6 avril, sort un article au titre fracassant : « Elle survit à quatre cancers avant de mourir du Covid 19. La nonagénaire était en CHSLD depuis un mois lors de sa contamination. » En version sous-titrée pour les idiophones : ce que quatre cancers ne sont pas parvenus à faire en quinze ou vingt ans, le virus chinois l’a fait en quelques jours. Le Parisien du 10 avril, lui, tire l’alarme : « Les décès au domicile, morts invisibles du Covid 19 : les malades qui meurent chez eux ne sont toujours pas comptabilisés dans les bilans officiels de l’épidémie. » Mon oncle Alain, retrouvé mort à 69 ans un verre de whisky dans une main et un paquet de gitanes dans l’autre, aurait dû attendre le printemps 2020 pour mourir, et son jardinier arabe pour écrire au mur en lettres de sang (contaminé) : « Le Covid 19 m’a tuer ».
Sollicité par la chaîne CNBC le 9 avril 2020, le professeur Hendrick Streeck, directeur de l’institut de virologie à l’Université de Bonn explique : « D’après nos relevés de terrain et ce que nous avons constaté chez les patients infectés dans une zone très impactée par le Covid 19, nous observons qu’avec chaque transmission qui s’opère d’individu à individu, le virus perd en virulence et devient de moins en moins dangereux en termes de mortalité. Le virus s’adapte au système humain et perd en dangerosité. Mais pour ce qui est des mesures prises au niveau politique, je ne suis qu’un biologiste, il ne m’appartient pas de les commenter. » Un silence qui en dit long pour ceux qui savent écouter.
De fil en aiguille, de contre-enquêtes en comparaisons, les Bob Woodward et les Carl Bernstein de notre époque n’auraient aucun mal à remonter la piste de l’argent et dresser les contours d’un Coronagate aux airs de déjà-vu. Dans les années 1970, on appelait ça du journalisme. En 2020, c’est devenu du complotisme. A l’époque, le Washington Post donnait carte blanche à ses deux fins limiers pour traquer l’imposture et faire tomber Nixon au nom de la liberté de la presse et du devoir d’information. Dans la France d’aujourd’hui, la quasi-totalité des organes de presse rivalise d’ingéniosité pour étouffer l’affaire et piloter en douceur un retour à la normale respectueux des institutions et de la fin prévue dans le scénario.
Histoire de faire durer le plaisir, on exhume pour clore le chapitre sur un rebond de dernière minute une maladie rare découverte dans les années 1960 qu’on tente de relier tant bien que mal au coronavirus. Nom de code : Kawasaki. Nombre d’enfants touchés au Japon : 124. Taux de mortalité : 2%. Pas aussi héroïque que Batman, notre Robin du Soleil Levant. Mais après tout, puisqu’on en est là, pourquoi ne pas tenter le coup ? Un clap de fin sans rappel, ce serait quand même un peu salaud. Qu’ils en aient eu pour leur argent, ces braves Français qui en ont tant bavé.
Peut-être que certains, d’ailleurs, le regrettent déjà, ce virus chinois qui fit trembler la terre. Que va-t-on faire sans lui ? Comment l’oublier ? Par quoi le remplacer ? Magda Goebbels, avant d’empoisonner ses enfants et de se donner la mort avec son mari, aurait tenu ces dernières paroles : « Je ne peux m’imaginer vivre dans un monde sans national-socialisme. » Comme ces courageux Français de la Division Charlemagne se battant avec des fourchettes dans le Berlin en ruines du printemps 1945 contre l’avancée soviétique, nos bobos parisiens rendront dans les semaines à venir un dernier hommage au Covid-19 en arborant les masques FFB2 tout beaux tout neufs qu’ils viennent enfin de se procurer sur Amazon. L’ennemi chéri sera parti, Paris se sera déjà libérée d’elle-même par un soulèvement du bon sens enfin redevenu la norme commune. Mais sans cérémonie d’adieux, le moins que l’on puisse faire, vraiment, c’est d’applaudir à nos balcons au moins jusqu’au 11 mai. Goodbye, little fellow. Pars tard et reviens vite.