Clic ! Quand notre cœur fait « clic »

par Argo
lundi 18 juin 2007

Objets de nombreuses et savantes analyses, sous l’angle de la sociologie, de l’anthropologie ou de la psychologie sociale et cognitive, les concepts de genre et de sexe, les rapports entre hommes et femmes, leur dimension d’asymétrie et de domination constituent un vaste champ de recherches. Ils peuvent aussi être abordés par le biais de l’anecdote, sans regard critique et au travers du prisme de l’humour et de la dérision.

Je ne vous dis pas comment je termine ma semaine ! Lessivé ! Je sature, j’implose, je vaporise, je me nébulise à l’infini, je pixélise, je confine au délire !

Je crois que je vais momentanément renoncer aux sites de rencontres et à l’idée de vivre une vie (normale et épanouie j’entends) d’hétéro. Non que j’envisage de devenir gay... Attention ! N’extrapole pas trop vite chère lectrice, je perçois un sourire narquois chez toi, tu penses être débarrassée des mecs dans mon genre ? C’est pas aussi simple. Écoute la suite...

« Je m’appelle Claude » ! « Bonjour Claude » ! Naaaan ! Arrêtez de vous moquer, j’en suis pas là !

Mais tout de même, ça va pas fort. Faut dire que depuis ma séparation (ça fait tout de même six mois) je n’ai pas connu une seule femme qui me fasse vibrer. Et pourtant, dans ma période « éclate totale post-séparation sur Meetic » j’en ai virtuellement côtoyé pas mal, rencontré (un peu moins) et connu quelques unes (tout de même, j’suis pas encore un boudin) !

Mais où sont-elles les vraies femmes ? Les droites, les authentiques, les « sensuelles pas folles de cul », les « qui aiment les câlins sans être nymphos », les « qui aiment ma cuisine sans s’empiffrer », les « qui veulent bien de moi sans me demander tous les jours la future couleur des futurs rideaux de notre futur nid douillet » ???

Franchement, là je panique un peu ! C’est que je vieillis, moi ! Et après plus de dix ans de vie commune et fidèle avec ça (un petit compliment au passage ça fait pas de mal pour l’ego et puis vous pouvez pas vérifier), ça faisait un bail que j’étais plus sur le marché. Je finis par me demander si le Net est le miroir de la réalité ou pas... Ce doute me trouble... Me taraude... Me perplexe... Si ! Forcément un peu !

Les sites de rencontres, j’y vais en ce moment. J’essaie un peu tout entre Meetic et tasvulavierge.com. J’suis idéaliste et pas sectaire ! J’évite tout juste tu-veux-voir-mes-fesses.net ou whaooouuuu-le-canon-on baise.com ! J’me mêle pas au vulgaire. J’ai ma fierté après tout !

La semaine dernière, je trouve une fille qui sort du lot, belle, du charme, dans les 35/45 ans, c’est-à-dire ma tranche d’âge « virtuelle », celle que j’ai déclaré sur Meetic (donc trois ans de moins que la vraie), des goûts communs pour les n° 5 en pâtes chez Barilla et en parfum chez Chanel, un rapport taille/poids correct, sensuelle et pas psychopathe, une aversion commune pour les pigeons, surtout quand ils s’envolent (faudra quand même que je retourne voir la place St-Marc), l’odeur des chiens mouillés et des pizzas froides (le contraire aussi si vous voulez), les lundis matin qui suivent les dimanches soir...

Alors je me dis, Claude, là, c’est bon. On va pouvoir bâtir. Je me vois déjà en Bouygues de l’amour, des îles partout et autant de ponts à construire pour les relier... Je m’emballe... Je rêve... Je confine au délire, à l’extase... Le soir, je laisse ma voiture sur une place du marché, le lendemain j’la retrouve plus entre le stand de la crémière et les cageots du maraîcher (attention, j’ai pas dit le contraire, faut qu’elle continue à me fournir en parmesan et en beurre salé pour mes pâtes), deux heures après je vis une histoire d’amour avec les flics de la fourrière, j’écoute The good The Bad and the Queen, Mika, Cold War Kids, Kings of Leon, Muse, Razorlight, les White Stripes et The Shins à fond...

Pire, je prends des résolutions avant même qu’on me le demande... J’arrête de télécharger de la musique illégalement... Je mets plus les doigts dans le nez au feu rouge et pas plus au feu vert... Je téléphone plus au volant... J’arrête de passer les notes de frais de mes rencards Meetic sur mon activité professionnelle (eh oui ! quand j’écris pas de conneries, ça m’arrive de travailler)... Je m’intéresse à la campagne présidentielle et je reprends une carte d’électeur... Je vais plus voir de films en japonais sous-titrés en anglais en disant que ça ne me gêne pas, alors que c’est juste pour impressionner les filles et surtout pour partager un moment d’intimité dans le noir (vu que dans ces conditions, ça arrive parfois que la fille me trouve plus intéressant que le film, forcément). J’arrête Meetic et le porno du samedi sur Canal + (progressivement)... Je file plus de coups de pied au chien de la voisine quand il est mouillé... Attention, j’ai rien contre la voisine, c’est juste son chien, Kiki, qu’est toujours affectueux avec moi que quand il pleut.

Mais lâchons les clébards et revenons aux moutons ! Comme je vous disais, je m’ébullis, je fusionne, je magmate. Son message disant qu’elle accepte de me voir, c’est l’étincelle qui fait déborder le vase. Je cafouille ! La goutte d’eau qui met le feu aux poudres... Bref, c’est l’amour. Je récupère donc ma voiture à la fourrière et le jour J, l’heure H, je me rend au point... G (au hasard et parce que y a pas de raison que je fasse de la réclame pour des marchands de pots vu que j’en ai pas moi-même).

J’avale un petit whisky (le dernier bien sûr), sur la terrasse, en l’attendant. L’espoir me grise, l’alcool gonfle mes veines (à moins que ne ce soit le contraire cette fois). J’attends serein, l’âme poétique :

Mignonne allons voir sur Meetic
Si nous pouvons en quelques clics
De nos deux vies faire un triptyque
Un bébé, un amour et du fric.

Ahhhrgh ! La voilà qui arrive ! A l’heure en plus ! Malédiction, elle est encore plus belle que sur ses photos ! Son sourire ! Ses yeux ! Ses mains ! La chaleur de ses lèvres sur mes joues ! Sa main posée sur mon épaule !

Je planque la note du whisky et je commande deux cafés crème. On bavarde, je suis tellement nerveux que je parle que de moi... Elle sourit, indulgente... Mon ange... Je ne te mérite pas. Je lui dis que je suis content de la voir, que le virtuel a ses limites, qu’elle gagne à être connue et une foule d’autres banalimièvretés qui sont à ce moment les seules que je puisse articuler. Je lui demande si ses enfants vont bien, depuis quand elle est séparée... La routine...

Et là, elle me répond qu’elle est toujours mariée, et qu’elle a l’habitude de prendre des amants et d’avoir des relations avec eux dans la complicité, la confiance mutuelle et le respect.

Ici, amis lecteurs (les filles on saute le paragraphe), je me permets une petite parenthèse. Pour ceux qui l’ignorent, dans ces circonstances, « complicité » ça veut dire qu’on s’éclate comme des bêtes au lit, « confiance » c’est ne pas lui téléphoner à la maison le week-end quand elle est en famille et « respect » c’est tout simplement... utiliser des préservatifs. Bon je sais, je décode vulgaire mais c’est déjà assez long à lire en entier alors si je peux faire gagner du temps à certains...

Une supernova frôle la terrasse du café, la comète Halley et Armageddon se collisionnent sur le trottoir... Un trou noir s’ouvre sur le néant... Tout juste le temps de rattraper le garçon, d’annuler le café crème et de recommander un autre whisky, double cette fois et je lui réponds : « OK, pas de problème pour moi. »...

Ça c’est de la réplique ! Non ? Et me v’la reparti dans la banalité, glauque cette fois. Je suis séparé depuis peu, j’ai beaucoup de travail, mes filles à m’occuper, c’est trop tôt pour refaire ma vie, j’hésite, je papillonne... Bref, ce genre de relations, j’accepte... A condition que cela reste sain et dans... etc., etc. Je ne vous la refais pas !

En même temps, je redoute une issue plus rapide que je ne l’avais imaginé et je me demande où trouver un distributeur de capotes en plein jour et si possible un peu à l’écart de la foule. Et surtout comment ça marche un distributeur de capotes ? Combien y faut mettre dedans ? Parce que moi, je mets déjà rien dans les parcmètres... Même la machine à café, j’sais pas m’en servir, j’oublie parfois le gobelet...

Mesdames, vous pouvez me maudire, me fustiger. Vous avez raison, je suis misérable. Vous les mecs, fayots s’abstenir, pas un mot, si vous me désavouez je balance tout, je les connais bien moi, vos manies, vos petites menteries, fourberies, bassesses et consorts...

Eh oui, un mâle, mesdames, c’est dingue comme ça peut mettre du temps à se décider quand une femme lui propose de coucher toute sa vie avec, et aussi peu de temps à réagir quand elle ne veut le faire qu’une seule fois. Et puis, le mâle est toujours en prise avec un dilemme cruel... Choisir entre faire des choses toujours différentes avec la même femme et faire toujours la même chose avec des femmes différentes (Wolinski, merci).

Mais j’ai beau être un gentleman, je sais rester pragmatique. Donc je lui demande tout de go et à brûle pourpoint (whisky aidant) comment elle envisage la suite. Elle se déballonne (des Ternes pour ceux qui connaissent le lieu, m’en fous j’y vais plus) pas du tout et me répond, la coquine, qu’elle connaît un petit club discret, pas trop loin, où on pourra faire nos galipettes en toute absence d’intimité et de discrétion.

Morbleu, la première fois ? Je voyais un hôtel, moi ? Devant tout le monde, à plusieurs, en plein après-midi... L’après-midi, c’est bon pour les vacances et les relations extraconjugales, et moi pendant dix ans j’étais très pris par mon travail et fidèle... Sans compter que j’en suis déjà à mon troisième whisky, et pas le dernier... Et si j’y arrivais pas  ??? Malédiction !

Ma vaillance a ses limites, les mêmes que celles de mon abnégation. La mort dans l’âme, même si c’est plus par peur du ridicule que par principe moral, je décline. Un peu honteux et très contrit, je la quitte...

Et depuis, me r’voilaàseul, déprimé après la meilleure bonne après-midi de merde passée par un mec dans toute la galaxie et sur toute la décennie... En rentrant chez moi il pleuvait... J’ai refilé un coup de pied à Kiki... Décidément Kiki je le ki-kiff pas... J’avais plus de moral, plus trop l’âme d’un poète :

Mignonne allons voir sur Meetic
Si nous pouvons en quelques clics
Décider où et quand on nique
Avant d’finir à la clinique.

Mais ne vous faites pas de tracas pour moi. Je vais me rétablir tout seul. Ça commence déjà à passer en écrivant. Au fait, c’est quoi mon pseudo et mon mot de passe déjà ? Malédiction, une semaine sans Meetic et j’ai déjà oublié... Les seuls dont je me souvienne, c’est ceux... d’Ebay ! Horreur ! Cancer du manche ! Cosmologie et astroparticules... Je reconfine au délire, je tutoie les précipices insondables, je funambulise au-dessus des gouffres amers, j’arpente transi les steppes glacées de l’Asie centrale de mon inconscient...

Ebay ! J’vais pas finir aux enchères de l’occase tout de même !!!


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