Code du travail : Le grand bazar !...

par Daniel MARTIN
lundi 1er février 2016

Réforme du code du travail et cacophonie ministérielle

On ne cesse de nous rappeler qu’en France, le Code du travail, c’est plus de 4.000 articles en 3.400 pages pour 1,5 kg de papier dans l’édition Dalloz de 2013, plus la jurisprudence. Si on y ajoute les arguties que seuls connaissent les spécialiste du Droit qui en ont fait leur travail exclusif, on obtiendrait une sorte de « machin » de plus en plus difficile à digérer et très souvent encore plus à appliquer. C’est ainsi que périodiquement, après chaque élection Présidentielle les « éminences » qui nous gouvernent promettent de repenser en allégeant le Code du travail et commande des rapports… Après la dernière publication du rapport de Robert BABINTER, comme fréquemment depuis 2012, c’est la cacophonie, des ministres vont déclarer aux médias aujourd’hui l’inverse de ce qu’un autre a dit hier et le contraire de ce que le Président dira demain après qu’il eu dit différemment quelques jours avant… Bref c’est le grand bazar des formules toutes faites préparées par leurs communicants respectifs, donnant l’impression d’une absence totale de cohésion, à moins que ce ne fut qu’une stupide mise en scène de plus …

 

Pourquoi faudrait-il réformer le code du travail ?

Vu du coté du MEDEF, le code du travail, par sa complexité et son manque de souplesse, notamment pour les facilités de licenciement, serait un obstacle majeur à l’embauche et il est rendu comme principal responsable du chômage… Il est vrai qu’au MEDEF on rêverait d’un modèle qui s’inspire des Suisses, dont le code du travail ne comporte guère que 200 articles, le SMIC n’existe pas, les salaires et le temps de travail sont généralement le fruit d’accords d’entreprises, et si votre patron a l’envie de vous flanquer à la porte, il n’est pas obligé de s’en expliquer devant le conseil de prud’hommes. Forcément, ça facilite la vie… Alors que du coté des syndicats représentant les salariés, le code du travail est un acquis historique, sorte de bible, qui résulte d’une succession de luttes, obtenu parfois au prix du sang lors de certaines grèves, ce que personne ne peut contester …

Impasse et pirouettes

François HOLLANDE, dont la formation économique date de plus de 35 ans et qui lui a été dispensé par des professeurs à qui l’on avait enseigné la même chose 30 ans plus tôt…Autrement dit un décalage de plus de 60 ans, c'est-à-dire à une époque où les « 30 glorieuses » baignaient dans le mythe de la croissance, la nature et l’énergie apparaissait comme un bien gratuit et éternel. Mythe de la croissance auquel le Président de la République s’accroche toujours contre vents et marées, alors que « les 30 glorieuses » c’est fini, comme d’ailleurs la croissance.

Devant le marasme économique, l’endettement colossal du pays et le chômage qui ne l’est pas moins, mais dont, imprudemment, il a fait le sésame de sa réélection, François HOLLANDE s’est engagé à réformer le Code du travail. Pardon, à « le rendre plus lisible ». C’était en septembre dernier, après que la commission COMBREXELLE lui eut remis son rapport. Il découvre que l’entreprise va mal, et se met à éprouver de l’empathie à l’égard des patrons, en particulier ceux du CAC 40, ainsi que la finance. Après avoir déclaré en 2012, pendant la campagne électorale, que la finance est son ennemi, 2 ans plus loin ne déclare-t-il pas le contraire :  » la finance est notre amie, on a besoin des banquiers » donc on va tout changer. Certains, parmi les plus naïfs de la population l’ont cru, quand d’autres, notamment ses Ministres ont fait semblant de le croire, pour mieux le faire croire aux chefs d’entreprises … jusqu’à ce qu’il ajoute : « Mais on ne touchera ni aux 35 heures, ni au SMIC, ni au contrat de travail. ». Mais  alors, que fait-on ? … On va commander un nouveau rapport, par exemple, à Robert BADINTER qu’il remettra en Janvier 2016 au Premier ministre Manuel VALLS.

Le rapport BADINTER a pour objectif de dégager les « principes essentiels » sur lesquels s’appuiera le nouveau Code du travail, dont la refonte est prévue d’ici à fin 2017, ce qui laisse le temps d’y réfléchir ... Aujourd’hui promis juré on va rendre le code du travail « plus lisible », pardon on va le « réformer » pour « dégager des principes essentiels »Mais on ne touchera ni aux 35 heures, ni au SMIC, ni au contrat de travail. »… Voila qui rassure ! Sauf que François HOLLANDE ne sort pas de l’impasse du rétropédalage dont il est devenu un spécialiste, à l’instar des dossiers de Notre Dame des Landes, de la déchéance de la nationalité, ou encore de la politique internationale, dont il a fait de la France une serpillière au service de Washington… Il a d’ailleurs fait des émules au sein du Gouvernement... Le Ministre Emanuel MACRON a dit la semaine dernière à Davos l’inverse de ce qu’avait dit François HOLLANDE en septembre, mais à peu près la même chose qu’a annoncé Manuel VALLS, quand la Ministre du travail Myriam El KHOMRI, à l’instar de Martine AUBRY et des frondeurs du PS, n’est pas du tout d’accord, mais nuance ensuite ses propos. On se chicane sur le paiement des heures supplémentaires et sur les 35 heures. Et quand l’entreprise voudrait un peu de souplesse dans les contrats, on affirme que le CDI demeure la norme… Sauf que demain ils auront probablement un avis différent, qui ne sera pas encore le même après demain…Pendant ce temps la population ne cesse d’augmenter en même temps que, tel le tonneau des Danaïdes, le nombre de chômeurs, ainsi que la dette …

Est-ce vraiment la réforme du code du travail pour le rendre « plus lisible » et pour « dégager des principes essentiels » qui redonnera de l’emploi ?

On peut toujours considérer que le code du travail est un document inextricable et constitue un obstacle majeur à l’embauche, mais il ne faut pas oublier que sa rédaction ne s’est pas faite de façon unilatérale par de « bonnes âmes « soucieuses des seuls intérêts des salariés. Regardons de plus près les deux contrats qui constituent le socle contractuel principal : le contrat à durée déterminée (CDD) et le contrat à durée Indéterminée (CDI) dont l’un comme l’autre présente des avantages et des inconvénients pour l’employeur comme pour le salarié.

Quelques rappels

Le CDD (contrat à durée déterminée) est un contrat de travail qui est utilisé pour embaucher une personne sur une durée fixée à l’avance, comme pour remplacer un salarié absent ou pour réaliser une tâche spécifique. Ce type de contrat de travail présente des avantages et des inconvénients.

Les avantages du CDD

Parmi les avantages du recours au CDD, on peut citer :

- Il n’y a pas de coût de licenciement si le salarié ne convient pas : il suffit d’attendre la fin de son contrat. 

- Il offre de la flexibilité à l’entreprise : il est possible de prendre un CDD en cas de fluctuation de l’activité et de surcroît de travail. Quand l’activité baisse, le CDD n’est pas renouvelé. Ainsi, à la différence du CDI, le CDD ne génère pas de charges fixes sur le long terme puisque le salarié qui fait l’objet de ce type de contrat n’a pas vocation à rester dans l’entreprise.

Les inconvénients du CDD

Parmi les inconvénients du recours au CDD on peut citer :

- Le coût légèrement plus élevé du CDD par rapport au CDI puisque la personne en CDD a droit à une prime de précarité égale à 10% de sa rémunération brute, ainsi qu’au paiement d’une prime de congés payés s’il ne les prend pas en intégralité. Ces dispositions sont applicables aux missions d'intérim dont le contrat lie le salarié à l'agence d'intérim, laquelle le met à disposition d'une entreprise utilisatrice. En droit, le salarié dépend de l'agence d'intérim et non de l'entreprise utilisatrice comme pourrait l'être une personne en CDD. Toutefois les règles élaborées pour les missions d'intérim sont souvent identiques à celles élaborées pour les CDD.

- Il n’y a pas de possibilité de rompre un CDD avant son terme sauf accord entre les parties, force majeur, faute professionnelle ou pendant la période d’essai. Sinon, l’employeur doit verser au salarié des indemnités. De son coté, le salarié en CDD peu quitter à n’importe quel moment son poste, tout en respectant sa période de préavis, s’il a trouvé, par exemple, mieux ailleurs ou un poste en CDI dans une autre entreprise.

- Pour une entreprise qui a tendance à recruter des CDD successifs sur un même poste, le coût de formation cumulé de chaque salarié n’est pas négligeable.

A noter que beaucoup de limites du CDD se situent du coté du salarié qui se trouve dans une situation de précarité professionnelle, sociale et financière.

Un CDD à terme précis (dont la date de fin est mentionnée dans le contrat de travail) est, depuis le 19 août 2015renouvelable 2 fois pour une durée déterminée.

En effet, la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi autorise désormais un employeur à renouveler 2 fois le CDD d'un salarié, il ne pouvait le faire qu'une seule fois avant le 19 août 2015.

Le CDI, (Contrat à Durée Indéterminée) présente certains avantages, de même que des inconvénients, que ce soit pour l’employeur ou pour l’employé. Ce contrat, signé pour une période sans fin, assure au salarié de rester en poste au sein de l’entreprise.

Les avantages du CDI

Le CDI présente des avantages pour le salarié, comme pour l’entreprise.

- L’atout principal de ce contrat est le fait, pour l’employeur, d’avoir ses salariés pour une période pérenne. Le travail attribué est exécuté. En cas d’absence d’un employé, les autres titulaires peuvent le remplacer, dans la mesure de leurs compétences. Ainsi, les coûts d’embauche et des primes de fin de contrat seront absentes pour l’entreprise.

- Pour le salarié, il sait qu’il aura toujours du travail, son avenir est tracé. Il pourra envisager de faire un crédit immobilier, ou autre et il pourra palier à ses soucis financiers périodiques, il sait que son salaire arrivera en fin de mois.

Les inconvénients du CDI

- Pour l’entreprise, la question du licenciement reste primordiale, dans le cadre de ce contrat. Lors d’une baisse d’activité, l’employeur doit conserver ses salariés. Il ne peut pas les licencier du jour au lendemain. Dans le cas d’un départ prévu, celui-ci devra verser des indemnités de licenciement au partant, au prorata de son ancienneté.

- Quant au salarié, il ne peut pas partir quant il l’a décidé. Il est dans l’obligation de donner un préavis, généralement de deux mois. Il peut, en fonction des clauses du contrat, avoir à payer lui aussi des indemnités à son employeur

Comme on peut le constater par ces deux contrats, il existe un équilibre, avantages, inconvénients entre l’employeur et le salarié. Vouloir restructurer le code du travail en le rendant beaucoup plus avantageux pour l’employeur, notamment par rapport au licenciement, ne peut qu’être synonyme de conflits, pour en final être défavorable à l’entreprise… Le problème du chômage et son traitement dépend, en règle générale, d’autres paramètres que ceux du code du travail.

Données démographiques et chômage

En 1991 la population Française était de 56 Millions d’habitants, 25 ans plus loin elle dépasse les 66 millions d’habitants, avec plus de 10 millions d’habitants c’est une progression de près de 20%. En Août 1991 il y avait 2 534 000 chômeurs, en Août 2015, c’était 3 571 600 chômeurs, plus d’un million de chômeurs, soit une progression de plus de 40%. Autrement dit chaque fois qu’il y a un habitant de plus, c’est deux chômeurs supplémentaires et la situation ne va pas s’améliorer pour plusieurs raisons qui ne sont pas forcément liées au code du travail… Si on y ajoute le Mix : Augmentation de la population – fermeture d’entreprises pour cessation d’activités diverses ou délocalisation de celles qui ont plus de 50 salariés. Délocalisations qui sont liées à des coûts du travail avec des mains d’œuvre aux salaires très faibles, souvent sans couverture sociale, ainsi que des données fiscales et environnementales peu contraignantes. Dès lors que ces entreprises délocalisent leurs activités, elles délocalisent également leurs rejets de gaz à effet de serre. En 2012, 28 000 sociétés marchandes non financières, employant au moins 50 salariés à la fin 2008, étaient implantées en France. Selon l’enquête « Chaînes d’activité mondiales », au cours des trois années 2009 à 2011, 4,2 % d’entre elles ont procédé à des délocalisations d’activités. Ces sociétés employaient près de 500 000 salariés en 2011, soit 6,5 % de l’emploi des 28 000 sociétés étudiées. (http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1451#inter1)

Est-il possible de réduire sensiblement le chômage sans « détricoter » le code du travail ? 

Rajouter au contrat à durée indéterminée (CDI) des cas supplémentaire où l’employeur peut se séparer d’un salarié sans trop de contraintes administratives et financières et sans remettre en cause l’équilibre des avantages - inconvénients semble possible et souhaitable, grâce à une bonne concertation entre les organisations patronales et celles des salariés.

Encourager les relocalisations, notamment par la mise en place d’une taxe « climat énergie » qui soit suffisamment dissuasive pour le transport concernant l’importation

Une taxe climat énergie qui intègre le mode de transport, la distance, le bilan énergétique et les rejets de gaz à effet de serre, à laquelle on rajouterait une surtaxe variable pour toutes les importations hors Union Européenne ne pourrait qu’encourager les productions locales, donc l’emploi. Mais là encore, si l’on ne prend pas en compte la problématique démographique, on ne fera que déplacer, voire aggraver la situation…

De nouvelles formes du rapport au travail et au salariat

N’oublions pas que nous sommes entrés dans l’ère post croissance et la révolution informatique, en particulier avec internet, a modifié le rapport au travail et au salariat. Outre la productique qui a remis en cause le fordisme et le taylorisme, mais accru le chômage, en France, pour atténuer ces effets, en janvier 2009 le Ministre Hervé NOVELLI a mis en place le statut d’auto entrepreneur.

Le statut Auto-Entrepreneur a révolutionné la création de la micro entreprise en simplifiant les démarches au maximum, mais il illustre aussi une nouvelle forme de salariat fondé sur l’indépendance et la multi activité pour la même personne. Actuellement, il y a près d’un million d’auto entrepreneurs qui ont déclaré un chiffre global pour le quatrième trimestre 2014 de 1,9 milliard d'euros. ( http://www.latribune.fr/economie/france/le-nombre-d-autoentrepreneurs-flirte-avec-le-million-495336.html)

La très controversée entreprise technologique Américaine UBER, (anciennement UBERCAB) qui développe et exploite des applications mobiles de mise en contact d'utilisateurs avec des conducteurs privés réalisant des services de transport illustre également qu’en conjuguant applications mobiles internet et disponibilité d’une personne en fonction des demandes de la clientèle pour un service précis, nous touchons là également une nouvelle forme de travail à la fois indépendant et de multi activités par une seule personne. Plutôt que de se perdre dans un « grand bazar » des formules toutes faites préparées par leurs communicants respectifs ou leurs tribulations médiatiques, Président de la République et membres du Gouvernement devraient réfléchir, ou faire réfléchir, pour « dégager des principes essentiels » du code du travail intégrant ces nouvelles formes du rapport au travail et au salariat…

Quelle que soit l’activité économique, il faut de l’énergie,

… « L’énergie procède de la transformation de la matière. L’économie n’étant rien d’autre qu’une machine à transformer des ressources, nos sociétés industrielles sont de plus en plus gourmandes en énergie, alors même que les stocks susceptibles de leur en fournir, que ce soit du charbon, du pétrole ou de l’uranium, diminuent inexorablement »...                                               Jean Marc JANCOVICI

La « Croissance » a été essentiellement due à l’utilisation des ressources énergétiques fossiles qui a permis le développement industriel des pays riches, très souvent au détriment des pays pauvres, grâce à la multiplication des esclaves mécaniques de plus en plus nombreux et énergivores (l’équivalent de près de 100 esclaves par habitant des pays industriels).

Pourtant qu’on le veuille ou non, le pétrole qui représente actuellement 38 % de l’énergie primaire consommée mondialement touche à sa fin, tout comme de très nombreuses autres ressources fossiles, dont l'uranium. Les Gaz à Effet de Serre (GES) excessivement et négligemment largués dans l’atmosphère vont réchauffer et affecter le climat pendant de nombreux siècles et millénaires.

Repenser les secteurs les plus vulnérables de l’économie par des initiatives préventives

Contrairement à ce que l’on peut imaginer, s’il y a un secteur de l’économie qui est particulièrement vulnérable à terme, c’est celui de l’industrie Agro-chimie-pétrolière, ainsi que toutes les activités annexes qui en découlent.

Je ne rentrerai pas dans le détail, mais imaginons un instant que les complexes industriels de la chimie et du pétrole cessent brutalement leurs activités, jetant à la rue brutalement des dizaines de milliers de salariés… c’est bien ce a quoi on s’expose faute d’avoir pris des initiatives préventives qui ne peuvent passer que par des diversifications et reconversions progressive de ces activités.

Diversifications et reconversions qui intègrent la problématique énergétique, environnementale et démographique …

Pour conclure

Le grand bazar de la réforme du code du travail et les tribulations médiatiques du Président de la République ou des membres du gouvernement ne sont que de l’écume qui, volontairement, ou involontairement, masque une situation économique génératrice à terme de conflits violents qui ne seront pas pour autant stoppés par « la déchéance de la nationalité », une stupidité de plus. Mais plutôt exacerbé, aussi, par des replis confessionnels de tous ordres… 

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