Coke en stock, acte XVIII : la République Dominicaine et l’avion enlisé
par morice
jeudi 17 mars 2011
Sur l’île de Christophe Colomb, Hispanolia, il y a bien deux parties : à l’ouest c’est Haïti, à l’Est occupant la plus grande partie, c’est la République Dominicaine, avec sa capitale Saint Domingue. Un endroit faisant partie des Grandes Antilles, qui comprend Cuba, la Jamaïque et Porto Rico, cette dernière avec son statut spécial de faux état américain. La Floride n’étant pas loin, on soupçonne fort l’implication du territoire dans le trafic de drogue. Effectivement : en 2007 on en était à 32 tonnes de drogue de saisies en moins de 18 mois en République Dominicaine ! Par bateaux rapides, mais aussi par avions. Les mêmes que les « raiders » de l’Atlantique ou presque : des Beechcrafts le plus souvent, ou des Cessna monomoteurs, plus rares. Tous déboulant du Vénézuela ou presque, certains exemplaires ayant été volés là-bas sur place. A bord, de la cocaïne en quantités importantes, entre 600k g et 2 tonnes. De la coke en provenance des cartels colombiens, destinés soit au marché européen, via des vols réguliers, soit vers la Floride ou le Mexique, avec les mêmes avions.
Le coup des avions dépecés avec des bidons d’essence indique qu’il venait de loin, où qu’il s’apprêtait à aller loin. L’enquête démontre que tous travaillaient pour Miguel Salgado Arroyo, un des chefs de cartels colombiens. Leurs associés s’appelaient Tirson Bueno de la Crus, alias « Negro », un dominicain, et trois cubains naturalisés américains, Rigoberto Valdes, Francisco Ariel Pacheco, et Catalino Rodriguez, (alias Chicha), et un autre dominicain encore, lui aussi naturalisé US, Rafael Antonio Molina Reyes. De la cocaïne, enfermée dans deux boîtes de carton avait été retrouvée dans la voiture de Catalino Rodriguez, une Nissan Sentra : l’homme s’était fait pincer avec une toute petite partie de ce qu’il avait transporté. L’avion lui-même avait intrigué, car il rappelait… une disparition vénézuélienne ; le 24 juillet 2006, un avion similaire, immatriculé : YV-1580 qui avait décollé du parc national de l’archipel de Los Roques en direction de Valencia, dans l’état de Carabobo, au Venezuela avait tout simplement disparu. Les recherches menées pour le retrouver n’avaient rien trouvé. On avait filmé ces recherches avec un MI-17 de l’armée. L’avion et ses six occupants n’avaient pas été retrouvés jusqu’à septembre de la même année, malgré un intense quadrillage de la région.. mais la découverte des débris à la fin du mois avait mis fin aux spéculations.
L’avion semble bien avoir été volé, mais de bien étrange façon. Il appartenait à une société de Conway, dans l’Arkansas (tiens tiens voilà qui nous rappelle des choses avec La Mena !), et avait eu comme pilote un dénommé Mike Rosa, qui était monté à bord paraît-il comme… passager. Le 24 février qui précédait, la Dominican Civil Aviation Institute (IDAC) lui avait révoqué son titre de pilote, enregistré sous les numéros 031-0442567 and 031-0281657-0 car l’homme était déjà soupçonné d’être un pilote des narco-trafiquants. Selon les autorités, il y aurait eu au moins deux tonnes de coke à bord. Le pilote s’avérera être effectivement Miguel Antonio Rosa Ureña, plus connu dans le milieu sous le surnom d "El Gato". En 1986 déjà, Rosa avait été impliqué dans l’import de 186 kilos de cocaïne pure : il récifivait, mais cette fois avec dix fois plus de marchandise !
Comme le dit Bill Conroy, « le nombre figurant sur la queue lié à la CIA sur le Beech 200 soulève de sérieuses questions quant à la destination ultime de la cocaïne à bord. Des questions similaires ont été soulevées quant à la destination prévue de près de quatre tonnes de cocaïne à bord du Gulfstream II jet qui s’est écrasé dans la chute du Yucatan au Mexique dernière. Un membre actif de la CIA nommé Baruch Vega clame depuis toujours que le Gulfstream II faisait partie d’une opération du gouvernement des États-Unis (les Mayas Express) qui a utilisé un narco-trafiquant bien connu colombien devenu informateur du nom de Jose Nelson Urrego. Urrego a été arrêté en relation avec des accusations de blanchiment d’argent par la police de Panama environ une semaine avant le crash du Gulfstream II. Urrego prétend avoir travaillé pour la CIA, ce que Vega confirme également. Greg Smith, l’un des propriétaires du Gulfstream II, selon son bulletin de vente, a également été liés au passé de l’ICE, à celui de la DEA et aux opérations de la CIA en Amérique latine, ce que Narco News a indiqué précédemment. Et le Gulfstream II lui-même a été lié à l’utilisation dans le passé du programme de la CIA des « renditions » de terroristes, selon les chercheurs européens ».
Et ce, d’autant plus que les enregistrements « officiels » des appareils font retomber sur d’autres liens douteux : Skyway Aircraft , installée à Petersburg, en Floride. C’est Skyway Communications, firme liée bien sûr à Skyway Aircraft de Clearwater qui avait acheté le DC-9 saisi à Mexico avec 5,5 tonnes de coke à bord. Pour ce faire une firme du Costa-Rica, Dupont Investment Fund (enregistrée sous le numéro bancaire 57289) avait avancé les fonds, rapporte la SEC. Mais en 2005, la FFA retenait comme propriétaire de l’appareil Royal Sons Inc, et quelques jours avant sa saisie l’appareil était vendu à un vénézuélien : toujours le même homme.
En mai 2004, on avait appris que Skyway Communications était entré dans le giron du groupe Titan, un des fournisseurs en communication et en surveillance anti-terroriste de l’administration US. Le patron de Skyway Communications, Brent Kovar, également membre d’une entreprise appelée Homeland Security Tracking Enforcement Inc., étant très lié au sénateur Tom Delay, membre du National Republican Congressional Committee. Bref, il existait bien une filière liée àa la CIA avec toute cette série d’avions, car il n’y aura pas que ceux déjà cités. Tous allant chercher la drogue à la source : « Il ne doit pas être ignoré, dans le cas de l’accident du Gulfstream jet II au Mexique, que le vol serait parti de Rio Negro, en Colombie, juste à l’extérieur de Medellín, où il a réussi à éviter que les douanes ne le contrôlent de façon répressive avec en charge au moins 132 sacs de cocaïne qui a fait pencher sa balance de quatre tonnes. »
Cette relation un peu spéciale avec la CIA va culminer avec cet avion, justement, ce N1100M de « Planes and Parts’ qui va être l’objet d’une dispute entre le FBI et l’état dominicain. En novembre 2009, l’état dominicain et sa CICAD (l’aviation civile dominicaine) réclame en effet l’appareil saisi par la DEA américaine et le FBI en septembre 2006 dans l’opération qui, selon la presse avait inclus aussi 50 bateaux, ces fameux « fast movers » ou bateaux rapides chargés de transvaser la cocaïne des appareils ou allant à la pêche aux ballots jetés en mer par ces mêmes avions. L’appareil était toujours sur le tarmac de Puerto Plata. Sans que les autorités dominicaines ne puissent s’en saisi : les USA faisant valoir une origine… américaine. La décision, plutôt étrange, de la justice US, révélait en fait une chose : ce n’est pas moins de onze appareils qui avaient été d’abord achetés par deux sociétés de Floride, « Planes and Parts » et « Skyway Aircraft Inc », pour être tous revendus à des propriétaires vénézueliens qui s’en sont tous servis pour transporter de la drogue. Deux de ses appareils ont servi aux vols de renditions de la CIA : les liens sont trop évidents, là.
Parmi les appareils vendus, le Cessna Conquest II numéro N12DT. On l’avait croisé jadis en 1996 comme avion-ambulance en Alaska ! L’avion, et les autres, avait été acheté par un seul homme, Pedro José Benavides, grâce à des chèques émis par la Casa de Cambio de Mexico, celle de Tamibe ou de Puebla, affirmait le FBI en la personne de Michael Hoeningman, dans sa déposition de mai 2006. La fameuse Casa de Cambio menait directement au blanchiment d’argent… mais elle sera plus tard rachetée par Wachovia… ce qui constituera un autre scandale : la Banque, accusée de blanchiment devra payer au fisc américain le plus important redressement bancaire jamais réalisé au States…. mais on effacera tout son dossier, en échange ! Nous y reviendrons, car un autre grand bénéficiaire des largesses de Wachovia pour s’acheter des avions s’appelle tout simplement… Victor Bout !
Selon Antonio Maria Costa, le directeur de l’Office on Drugs and Crime de l’ONU, les revenus de la drogue ont même été la seule chose qui a tenu debout les banques dans la période agitée qu’elles viennent de traverser ! Le scandale est là, et bien là : « Les E-mails internes et les documents déposés devant les tribunaux fédéraux à Miami, Chicago et New York décrivent les liens anciens entre Wachovia et les entreprises ou l’argent bouge beaucoup. Dans une affaire au tribunal de Miami, les agents fédéraux ont saisi plus de 11 millions de dollars dans les comptes de Wachovia, dont 23 appartenant à Casa de Cambio Puebla … La police mexicaine de Puebla qui a fait une descente dans les bureaux l’automne dernier, en avait tiré des relations avec un cartel de drogue. - »