Coke en stock (LI) : les hélicos (corses) du Maroc
par morice
jeudi 13 octobre 2011
Il n'y a pas que le Sénégal ni le Maroc a être malades de la drogue et de son trafic, qui mine tous les pays où elle apparaît. La France n'y échappe pas, comme va vous le démontrer l'épisode qui va suivre, où certes, on ne parlera pas coke proprement dite, mais plutôt résine de cannabis, et de Corse. Mais si l'on regarde attentivement cette superbe affaire de trafiquants et de politiques mêlés, on se dit qu'en effet l'Europe elle aussi est atteinte par ses livraisons massives qui nécessitent toute une infrastructure. L'histoire de l'hélicoptère corse que je vais vous raconter implique autre chose encore que le trafic seul : obligatoirement, dans cette affaire, des gens de pouvoir sont intervenus pour que le trafic, dans un premier temps, continue matériellement parlant, et dans un deuxième qu'il soit fait durant l'enquête pour qu'on ne remonte pas davantage que l'endroit déterminé au départ. Cette histoire sent très mauvais, en réalité, tant elle nous fait comprendre que même si un jugement a été rendu, une partie d'ombre, la plus importante, demeure.
Grâce à ces renseignements de première main, photos de portables à l'appui, les policiers arrêtent tout une bande, dont le manège sera décrit à leur procès : tout était huilé, tout été codifié : " C’était une sorte de rituel " résume le président Ardid. " Un hélicoptère de la société Corseus part d’Ajaccio, rejoint le continent à Béziers-Vias, puis prend la direction de l’Espagne, avec deux arrêts à Valence et Almeria, pour y faire le plein, avant de rejoindre le Maroc." A terre aussi, ça bouge : " Des individus quittent la région parisienne avec une C5 et une autre voiture ouvreuse, arrivent au petit matin à Roquebrun, où ils laissent la C5 et partent avec l’autre dormir à l’hôtel." Troisième équipe : " Un groupe arrive de Corse avec une voiture de location, prend possession de la C5 et montent à l’Ortet. " Ce sont les Corses qui déchargent l’hélicoptère, " en quatre ou cinq minutes " avant de descendre garer la C5 sur le parking du supermarché Champion de Cazoul-les-Béziers". Après, on remonte en voiture jusqu'aux portes de Paris, à bord des "go-fast" terrestres cette fois : "les Parisiens, qui sortent d’une bonne nuit de sommeil, reprennent la C5, et filent, via l’A 75, avec leur cargaison estimée à plus de 200 000 €. Corses ou Parisiens, tous utilisent des puces téléphoniques achetées dans le même magasin de Saint-Ouen. " C’est les puces de Saint-Ouen " blague le procureur Gouton. L'autonomie de l'Ecureuil oblige en effet à cette halte espagnole, où il y a donc des complices d'installés, précise un spécialiste. Tout le monde a noté la couleur de l'appareil virevoltant à Béziers : il est jaune canari et les chasseurs ont même transmis aux gendarmes sont numéro : c'est le F-GKMR. Un hélicoptère qui ce jour-là se fait pincer avec 560 kg de résine de cannabis à bord. Les policiers font leurs comptes : le trafic durait depuis 2006, donc au moment même ou l'on faisait sauter les hélicoptères de la concurrence, et les trajets avaient lieu environ deux fois par mois en moyenne. On en est donc à plusieurs milliers de kg de transvasés entre le Maroc et la France, sans oublier que parfois c'est de la cocaïne qui traverse.
Pour ce qui est de l'appareil, un surprise va arriver lors de l'instruction, avec un phénomène plutôt inattendu : on s'attendait à ce que l'appareil soit versé au domaine, comme prise de guerre policière en quelque sorte. C'est ce que l'on fait désormais avec les puissantes voitures qui sont saisies et reversées à la Police ou à la Gendarmerie. En fait ça ne va pas se passer du tout comme prévu : l'engin pretendu appartenir a la société Corseus est en fait loué à "une société parisienne" , apprend-t-on après du propriétaire initialement visé. Après de multiples demandes de restitution formulées par le véritable possesseur de l’engin, le juge d’instruction chargé du dossier finit par lever les scellés et par rendre le F-GKMR, le 10 octobre 2008. En prétextant un "gardiennage difficile", ce qui pour le moins est étonnant. Les scellés sont brisés, et l'engin, toujours tout jaune, qui vaut 900 000 euros encore, est rendu à son propriétaire : qui a donc pu faire autant pression sur le juge pour obtenir cette décision pour le moins affligeante ? le gag supplémentaire étant que l'engin reprend ses vols "touristiques" chez Corseus dans les semaines qui suivent. L'hélicoptère à été rendu à "Héli Industrie", qui le louait à Corseus : le même schéma recommence. Logique, le nom du gérant à l'époque de "la société parisienne" et celle de Corseus est le même : le juge ne s'en serait pas aperçu ?
A l'autre bout, les marocains ont été avertis, et ont eux-même suivi les opérations de saisie ce sont eux qui confirment l'appartenance de l'hélicoptère. Et la dépêche MAP de poursuivre : "Les vérifications effectuées au niveau de l’aéroport Fès-Saiss ont permis d’établir que cet hélicoptère est arrivé à Fès le 21 juin 2008, après escale sur le territoire espagnol, et à Rabat. Etaient à bord de cet hélicoptère à son arrivée à Fès aussi bien qu’à son départ Jean Pierre Bernardini, gérant de la société Et la dépêche MAP de poursuivre : « Les vérifications effectuées au niveau de l’aéroport Fès-Saiss ont permis d’établir que cet hélicoptère est arrivé à Fès le 21 juin 2008, après escale sur le territoire espagnol, et à Rabat. Etaient à bord de cet hélicoptère à son arrivée à Fès aussi bien qu’à son départ Jean Pierre Bernardini, gérant de la société Heli industrie, ainsi que le ressortissant français Christian barbera, né le 30 août 1970 à Auberville, pilote, ayant bénéficié d’une autorisation pour vol privé dûment délivrée par la Direction de l’aviation civile, et valable du 16 au 26 juin 2008, ajoute-t-on de mêmes sources ». Barbera, ancien pilote de rallye, plutôt talentueux, reconverti en pilote d'hélico. Travaillant pour Heli Industrie, la société "parisienne" qui se cachait donc derrière le fameux F-GKMR, et qui est installée à Saint Ouen L''Aumone, près de Cergy Pontoise. Une société qui fait dans la "maintenance (jusqu'à GV), la reconstruction, et l'achat / vente d'hélicoptères, et qui est répertoriée dans le secteur de l'industrie de défense !
Pour les accusés, au procès, les affaires continuaient en quelque sorte ! dans le lot, on l'a dit, figure un personnage particulier, c'est Pascal Arène. Ce dernier nous fait remonter encore ailleurs comme il l'avoue au tribunal qui le jugera : "J’ai été payé 7.000 € pour ça », a raconté Pascal Arene, 40 ans, qui a fait une fois le voyage pour aider un ami d’enfance corse. A Paris, Arene est considéré comme un beau mec par la police. Ancien champion d’Europe de boxe, il tient à Villejuif (Val-de-Marne) une des plus grosses salles de France. Incarcéré dix-sept mois quand il fut soupçonné, à tort, d’avoir aidé son ami d’enfance Christophe Khider à s’évader en 2001, il a ensuite été arrêté par les gendarmes de Montpellier devant le palais de justice de Paris, le 30 mars 2009, où il était jugé pour sa participation à un autre trafic international de cocaïne." Un Arène qui faisait déjà dans l'hélico, mais avait été blanchi, et qui avait une autre corde à son arc : ancien champion de France de kick boxing en 1993 et en 1995, et champion d’Europe en 1997, il était "naturellement" devenu le président de la toute nouvelle "Fédération Française des Sports de Contact" dont la déclaration d'existence avait été publiée au Journal Officiel du 19 juin 2008. Une fédération mêlant les sports violents que sont le Muy Thai, le Kick boxing, la Boxe birmane, le Bando, le Muay Boran, nous apprend Bakchich, qui rappelle que dedans il peut aussi y avoir d'autres disciplines. "Plus raffinée encore est le MMA (Mixed Martial Arts) ou « combat libre », une discipline peu connue, et qui parfois se pratique dans une cage ( ! ). Autre spécificité, tous les coups sont permis entre les deux adversaires, les deux fauves. De tels combats existent déjà aux USA sous l’appellation d’ « Ultime Fight ». Sous la pression des plus importantes fédérations sportives (Judo, Karaté), le ministère de la Jeunesse et des Sports s’est jusqu’à présent refusé à délivrer un agrément au MMA ou à ses variantes". La notion de "combat en cage" venant récemment de défrayer la chronique avec ces combats entre enfants ayant eu lieu en Angleterre, sous le regard de la police, incapable selon les textes de lois de les empêcher... selon certains renseignements journalistiques, ce type de combats, interdits en France, aurait déjà lieu dans le Nord, patrie des combats de coqs, ou près de la frontière belge...
Car cette histoire d'hélicoptère bien trop vite rendu à ses utilisateurs gangsters, même jugée, reste entachée de lourdes suspicions. La presse locale, qui avait suivi les débats, en avait noté de superbes. Dont celle-ci, portant sur un commanditaire parisien dont on a clairement et sciemment oublié le rôle durant l'enquête : '"peut-être commencera-t-on à s'intéresser à des « détails » comme le numéro de portable activé dans la région parisienne dont la puce avait été vendue à Saint-Ouen. Ou au mystérieux M. Dangel évoqué par Jean-Pierre Bernardini. Car de toutes les puces achetées à Saint-Ouen, une seule n'a jamais été reliée à quiconque en deux années d'instruction. Alors qu'elle centralisait la plupart des appels..." Dangel aurait été un russe qu'aurait rencontré Bernardini, et qui aurait été à l'initiative selon lui du trafic : personne n'y croit. Mais ce n'est pas cela le plus important : c'est la découverte de la piste du téléphone de celui qui était véritablement à la tête du réseau, une piste que l'on a semble-t-il volontairement abandonnée. Pourquoi la police et la justice ne se sont-elles jamais intéressé au contenu de ce téléphone qui centralisait tous les appels des autres ? Aujourd'hui que l'on sait qu'un trafiquant, à Neuilly, avait réussi à éviter de se faire pincer grâce à un coup de fil judicieusement envoyé par un policier (Neyret), on reste songeur sur cette affaire qui sent la même organisation. Pour quelle raison, voilà bien tout le mystère... visiblement, il n'y a pas qu'au Sénégal que ça coince dès qu'on remonte un peu...
En décembre 2010 encore, on apprenait que "condamné à 8 ans de prison le 9 décembre dernier à Marseille, Gilbert Casanova, l'ancien président de la chambre de commerce d'Ajaccio et de la Corse-du-Sud a fait savoir par la voix de son avocat Me Pascal Garbarini qu'il ne ferait pas appel, espérant un aménagement de peine dès 2012". Ce qui laissait entendre qu'il reconnaissait aussi enfin totalement les faits, sans plus évoquer d'Angel lui aussi. Toujours aussi sûr de lui, malgré sa condamnation, le ... Gilbert le flamboyant croisait Michel Mercier en visite à Borgo et l'interpellait même sans hésiter, pour "évoquer la surpopulation qui gagne tout doucement l'établissement"... l'homme n'avait rien perdu de sa superbe, et il sait très bien, lui, qui était au bout du fil du principal téléphone du réseau démantelé. L'année prochaine il devrait sortir de prison, paraît-il : souhaitons qu'on songe au moins à aller lui poser la question.