Coke en stock (XVI) : les gros bonnets (C) de la drogue
par morice
mardi 15 mars 2011
Le marché de la production de la coke se divise en trois producteurs mondiaux seulement : il y a la Colombie, le plus important producteur, de loin, qui utilise la frontière perméable du Vénézuela pour faire sortir sa drogue vers les USA, le Mexique ou l’Europe, via les îles du golfe du Mexique. Et il y a aussi le Pérou, adossé au ports du Pacifique et qui envoie essentiellement par bateau, pour ravitailler d’ailleurs une partie de la filière française, et la Bolivie, qui dessert l’Argentine via la route, par des camion ou via le train. L’usage des avions semble bien réservé à la Colombie donc, les deux autres utilisant plutôt les lignes aériennes régulières pour desservir l’Europe, notamment l’Espagne, la Belgique et l’Angleterre. On est bien dans un circuit mafieux traditionnel, et bien loin des sirènes d’Al-Qaida...


Al Qaida, al Qaida… on en est bien loin, en effet. En Angleterre, on en a aujourd’hui un excellent exemple. Souvent présenté comme un repère d’islamistes fondamentaux on s’aperçoit que la drogue, présentée ailleurs comme étant le carburant essentiel pourtant des troupes d’Al-Qaida Maghreb, par exemple, ne la touche pas du tout de la même façon. Le 24 février dernier, en effet, la police londonienne affichait un mandat d’arrêt international assez surprenant pour celui qui, selon elle, était le plus gros bonnet de l’import de cocaïne colombienne en Angleterre. Tenez vous bien, ce n’est pas du tout à quoi on peut s’attendre avec tous ces médias qui n’ont qu’Al-Qaida à la bouche. On prévoit un clone anglais de Ben Laden, et on se retrouve avec… un mannequin. Nommé Angie Sanselmente Valencia, âgée de 30 ans, mannequin « spécialisée » en port de lingerie fine ! D’origine colombienne, élue « reine du café » en 2000, voilà qui ne s’invente pas, c’est donc elle, le cerveau qui se cachait derrière les expéditions aériennes de coke par avion vers l’Angleterre ! Comme « gros bonnet », on peut y mettre un pluriel cette fois ! Le modèle vendeur de soutien-gorges était donc une « queenpin » (jeu de mot sur les "kingpins", les chefs les plus recherchés de la drogue) !
La drogue viendrait cette fois d’Argentine, selon la police anglaise via Cancun, au Mexique, pour ensuite arriver en Europe. Selon la méthode classique du passeur empruntant des vols réguliers, et non celle des gros porteurs ou des bimoteurs. Selon la presse, il y avait un vol par jour contenant de la drogue, chaque passeur touchant 5 000 dollars par vol. Ne restait qu’à dégotter les postulantes : celle qui courent après les titres de Miss, et qui sont plutôt jeunes : c’est bien plus facile à manipuler. Des « mules » comme on dit dans le jargon. Notre reine du café était aussi une conductrice de mules ! Une de ces mules, une mannequin de 21 ans, s’était fait arrêter le 21 décembre 2009 à l’Ezeiza International Airport de Buenos Aires, chargée de 55kg de cocaine. C’est grâce à elle que le réseau aurait été démantelé. Un internaute, à la lecture de son arrestation faisant remarquer que seuls 20 kg étaient autorisés à bord, il est évident que le mannequin bénéficiait de complicités au sein même de l’aéroport : ce qu’elle aurait déjà avoué à la police. Pour elle, il n’a avait aucun problème : tout devait être arrangé et ses valises ne devaient pas être inspectées. Des affaires récentes de filles plutôt candides à qui on a offert des voyages d’avions gratuits au Brésil semblent bien être du même acabit : une française, Jessica Briffault, est en ce moment sous les verrous pour cela. Au moment où on nous serine partout la mise en place de scanners corporels, on croît rêver : un seul coup de fil de miss lingerie, et hop, on passe ce qu’on veut !! On retombe encore une fois sur des complicités, pouvant aller bien plus haut que les responsables de sécurité d’un aéroport ! A ce jour, la dame a quitté précipitamment, paraît-il, l’hôtel quatre étoiles qu’elle occupait en Argentine il y a deux mois, quand le vent a tourné à son égard, sans aucun doute.
Des rumeurs sur les importations argentines vers l’Europe il y en avait déjà eues. En février 2005, déjà, où une compagnie, Southern Winds, qui travaillait pour le gouvernement, avait eu son contrat rompu après l’annonce d’un transfert illégal de 60 kilos de cocaïne à bord d’un de ses appareils. Le vol était en partance pour Madrid et la drogue cachée dans quatre valises. La compagnie n’a pas résisté au scandale. Le 5 décembre 2005, elle fermait définitivement. Laissant sur le marché un bon nombre de DHC-8-102 fort recherchés par les trafiquants. En fait, l’argentine est devenue en quelques année le pays de départ vers l’Europe de la drogue… bolivienne. Via des transferts clandestins par petits avions de tourisme. A l’origine à partir de 2004, l’usage du « paco », dans les banlieues de Buenos-Aires. Le « paco » c’est la pâte basique de la coke, (“base paste”), à savoir du sulfate de cocaine, la phase antérieure à sa transformation en poudre. Elle porte des noms différents selon les pays : bazuco (en Colombie), pitillo (en Bolivie), kete (au Pérou), baserolo (en Equateur), mono au (Chili). C’est la « drogue du pauvre ». Vendue 50 cents la dose, elle a vite envahi tous les faubourgs argentins : entre 2004 et 2006 la consommation de paco a augmentée de 200% à Buenos Aires. Une véritable épidémie.
La paco, d’un côté, ou la Méthamphétamine, de l’autre, connue sous le nom de Crystal Meth, et faite à partir de l’Ephedrine ou de la Pseudoephedrine, venant au départ de Chine en particulier, et dont l’Argentine a acquis 37 tonnes en 2008. Le plus souvent vendue sous forme de cachets sous le nom de Desoxyn. Une des nouvelles spécialités des cartels mexicains, toujours à l’affût de nouveaux marchés. Le 25 novembre 2008, le mexique arrête Rosario Mario Roberto Segovia, accusé d’avoir importé 9 tonnes déphédrine, évaluée à 35 millions dollars, en deux ans seulement de trafic. Le train de vie de l’individu avait de quoi donner l’alerte : les gens qui roulent en Land Rover (plaque HEZ-826), en Hummer 2 (GJG-658), encore en Hummer 1 (HKT-276) ou même en Rolls Royce (HNL-134) ne sont pas si nombreux que ça au monde. Ou qui a chez lui un Beretta 9 mm et un Glock 40, et une mitrailleuse de 12,7 mm. Au moment de l’appréhender, l’homme était en train de prendre un avion pour sa villa paradisiaque d’Iguazú… en Argentine. dans sa villa, beaucoup de bidons déjà vus un peu partout… les enquêteurs s’intéressent aussi à ces coups de fil, notamment à ceux destinés à Francisco de Narváez, un député argentin imprésario de son état semblant aimer faire la fête chez lui… un député argentin d’origine… colombienne. L’homme n’a toujours pas su à ce jour expliquer à la justice argentine une augmentation de 900% de ses revenus entre 2004 et 2009. Le 25 juin 2009 était arrêté également Bruce Vito Veniero, recherché par Interpol pour trafic de drogue. L’homme était recherché depuis longtemps : son trafic de marijuana avait commencé en 1993 ! Bref, le schéma reste le même partout, avec des implications de barons de la drogue dans la vie politique même du pays. En France, en fin d'année 2010, un journaliste vient en faire la publicité, de la méthamphétamine. Après quelques vigoureuses protestations, son article sera retiré du site de Lagardère où il était paru : l'inconséquence de certains favorise la consommation, c'es une triste évidence.
Il y a de quoi rassurer Geneviève de Fontenay ma foi : en France, les frasques de ces miss ne sont encore rien au regard de celles-là !! Reste à savoir maintenant pourquoi le titre de miss Espagne 2009 s’est remis à Cancun… l’occasion de voyages fructueux, l’Espagne étant le premier client de la drogue mexicaine ? Faudra surveiller de près l’avenir de Estibaliz Pereira Rabade, sans doute. Ou le contenu de ses bagages ! Et reste aussi à savoir pourquoi le procureur représentant « La Procuraduría General de la República » a décidé de libérer Laura Elena Zuniga Huizar le 27 février dernier "faute de preuves" … ou comment dès le 30 janvier certains le savaient déjà et le clamaient partout sur le net ! Parodie de justice mexicaine ? Sans aucun doute. On songe à un autre problème à la lecture de cet effarant retournement de situation… un autre problème français. Celui d’une police prête à tout pour jeter qui elle veut et quand elle veut en prison, y compris parfois en filmant un faux assaut de police.… Car de jeunes mules, ça se trouve partout. Au Mexique comme en République Dominicaine, autre plaque tournante connue.
Les deux belles avaient eu une prédécesseur : Sandra Avila Beltran, surnommée la « Reine du Pacifique« , arrêtée en août 2006, liée au cartel de Sinaloa, l’un des plus sauvages du moment. Normaml : c’est la nièce du « godfather mexicain » du cartel : Miguel Angel Felix Gallardo. Et la femme de Juan Diego Espinoza Ramírez,alias « Le Tigre », arrêté en même temps qu’elle. Tous deux travaillaient Ismael Zambada Garcia, le plus proche de la tête du cartel de Sinaloa, à savoir Joaquin « El Chapo » Guzman. Chapo, pour « petit ». D’une violence inimaginable, et toujours pas repris depuis son évasion rocambolesque de 2001.
Cancun, Cancun… cela nous ramène plutôt à une dure réalité. A la mi-novembre 2007, on y avait retrouvé assassiné le Directeur of Civil Aviation in the Yucatan, Jose Luis Soladana Ortiz, face contre terre, abattu alors qu’il se rendait à son travail. Trois cadavres torturés avaient été retrouvés à l’aéroport de Merida. Le Cartel n’avait pas apprécié avoir perdu 4,5 tonnes de drogue sans doute.
Les affaires de drogue restent et perdurent. Et les compromissions politiques argentines aussi. Il n’y a pas que Chavez a s’intéresser de près au pays. Le 6 août 2009, Barrack Obama nommait Alejandro Mayorkas, ancien « U.S. Attorney for the Central District of California » de 1998 à 2001,à la tête de l’U.S. Citizenship and Immigration Services (USCIS). Un poste clé à l’immigration. Or l’homme avait fait libérer Carlos Anibal Vignali après 6 années d’emprisonnement, un des derniers gestes d’absolution signé Clinton. Le dernier jour de son mandat de président ! Alejandro Mayorkas avait appelé à plusieurs reprises Clinton pour qu’il le gracie. Vignali, un trafiquant argentin, condamné à 14 années 1/2 de prison, pour vente de drogue. Il avait été à la tête du trafic Minnesota-Californie, un des plus importants du pays. Le père de Vignali, Horacio Vignali, avait donné 160 000 dollars à divers politiciens sous Clinton, toujours dans le but de faire pression pour libérer son fils. Et a aussi été un des fervents donateurs, récemment, de la campagne d’Obama… Il avait aussi largement arrosé le Cardinal Roger Mahony de l’archidiocèse de LA pour qu’il appuie la libération de son rejeton ! Lui avait d’autre chats à fouetter, pourtant… avec Oliver O’Grady. Le pardon de Clinton, c’était bien un pardon qui sentait fort mauvais...
Vignali, à peine sorti, avait rejoint la villa d’un million de dollars de son père à Malibu. On pense qu’Obama aurait pu choisir quelqu’un d’autre qu’Alejandro Mayorkas … A Los Angeles, Vignali avait en effet comme partenaire George Torres,le « roi du supermarché », et un dénommé Fred Brooks,
Mais nous sommes loin d’en avoir terminé avec nos avions et nos trafiquants : voilà que pointe à l’horizon de vieux avions, sortis de l’espace-temps. Des « Caravelle » françaises !