Coke en stock, (XXXI) : Cocaïne Airways et la mort révélatrice d’un colonel US
par morice
vendredi 1er avril 2011
C’est historique en effet, et plusieurs témoignages sortis depuis les événements l’ont confirmé : la cocaïne et son trafic font partie des bagages obligatoires de la CIA depuis toujours, car cela lui amène un « fond de roulement » de fonctionnement qui ne nécessite pas de demande express au Congrès ou au Sénat pour des opérations spéciales, voire très spéciales comme les assassinats d’opposants, interdits depuis la commission Church mais qui restent toujours à l’agenda de l’agence. Pas de contrôle, donc, et au bout un véritable état dans l’état : le système, qui se paye sur la revente de la drogue ; marche en circuit fermé, et c’est bien cela le plus dangereux. Le pouvoir central, depuis belle lurette, n’en n’a plus les rênes. Au milieu de ce trafic, un homme va mourir en 1991, le colonel Sabow, pilote au Viet-Nam de 221 missions de combat sur Intruder, surnommée la « flèche inflexible ». Devenu pilote de Harrier, et découvert un jour « suicidé » d’une étrange façon : retrouvé avec un hématome à l’arrière de la tête reçu avant de s’être tiré une balle dans la bouche. Le meurtre de trop, par qui le scandale éclate, révélant l’implication toujours actuelle de la CIA dans le trafic de drogue sur le territoire des USA. Une drogue en provenance des cartels colombiens.
Southern Air Transport (SAT), créée en 1949 par l’ancien « Marines F.C. « Doc » Moor et Stanley G. Williams, une société basée à Miami, et la continuation directe de la Pacific Corporation, la compagnie « civile » de la CIA, créée en 1947 pour le trafic d’armes discret, à bord des fameux Curtiss C-46. Air America s’occupait de l’Est, Southern Air Transport de l’Amérique du Sud.
Les liens entre SAT et les opérations « tordues » furent nombreux en effet. Alex E. Carson, l’avocat de SAT était aussi celui de Double-Check Corporation et de Caramar (la Caribbean Marine Aero Corporation), les deux sociétés qui recrutèrent des pilotes de l’Alabama Air National Guard pour attaquer la Baie des Cochons… C’était le début d’une fructueuse coopération, renforcée par les lois Church de 1976 qui empêchaient les « opérations spéciales » sans l’accord du Congrès. A ce rythme-là, en à peine une dizaine d’années, le MATS, le service de transport de l’armée US verra ses contrats discrètement transférés à six compagnies privées, dont en priorité Southern Air Transport et Evergreen. A croire que tous le transport US auparavant avait des choses à se cacher !
En fait, les contrats du MATS étaient gérés par le dénommé Coates Lear, qui était aussi à la tête de la National Air Carriers Association (NACA, pas de rapport avec la pré-Nasa). Or ce dernier sera retrouvé mort « suicidé », lui aussi, un peu avant que les six firmes privées ne se partagent tout le gâteau. Comme par hasard, le « contact privilégié » de Coates était Eugene Zuckert, à la tête du Secretariat de l’Air Force, lui aussi président de la NACA. Selon des observateurs du moment, les six firmes étaient devenues les « maîtresses du MATS ». La troisième firme visée sera Los Angeles Air Services (LAAS), qui deviendra Trans-International, dirigée par Ted Burwell, un autre ancien de la CIA : plusieurs vinrent donc dévorer le gâteau qui semblait si apétissant. Ed Driscol, celui qui avait signé les contrats du MATS devint Executive Director du Civil Aeronautics Board, mais aussi dirigeant de « World Airways », la quatrième firme douteuse ayant héritée des juteux contrats : lorsque les américains évacueront Saïgon, ce sera grâce aux avions de World Airways et non à ceux de l’armée ! En 1978, son patron, E. J. Daly, tentera de soudoyer Greenpeace pour aller surveiller l’Alaska et les chalutiers russes trop entreprenants, au prétexte de pêche à la baleine ! Lors des opérations Desert Shield et Desert Storm, ses avions effectueront plus de 300 vols pour l’armée US. Dans les années 90, le président de World Airways, Charles Pollard, sera aussi celui qui créera les vols de “Yeshiva” vers Tel-Aviv, qui se révèleront forts lucratifs. En 1963, toutes les compagnies liées à la CIA (Air America, Air Asia, Civil Air Transport, Intermountain Aviation, et Southern Air Transport) furent regroupées sous une entité appellée EXCOMAIR, pour Executive Committee for Air Proprietary Operations. Le 8 janvier 1966, la fin du MATS était définitivement annoncée… la privatisation de l’armée US avait commencé par ses transports !
Au sein de l’organisation, un personnage va prendre une place étonnante : Adolph « Al » Schwimmer, un juif américain ayant été à la création de la force aérienne israélienne, et devenu responsable d’ Israel Aircraft Industries. C’est lui qui va proposer l’idée, lors de l’affaire de l’Iran Contra, de se servir d’Israël comme état intermédiaire pour vendre des armes américaines (des Missiles Hawk et Tow) aux iraniens, en dehors de l’embargo visant le pays. Selon la légende, c’est aussi grâce à lui que naquit El-Al, en septembre 1948, la société de transport aérien civile d’Israël, avec des avions US de l’United States Overseas Airline, ou USOA, repeints à la hâte aux nouvelles couleurs du pays pour passer inaperçus, le général Curtis le May craignant qu’un avion de l’USOA abattu ne révèle l’aide directe américaine à Israël. L’USOA étant déjà l’ancêtre des vols « discrets » au point de faire appeler sur les aéroports ses vols des « Non-Scheduled Airlines« , ou plus prosaïquement « non-skeds. » Pour les opérations « discrètes », il n’y a pas d’horaires de prévu en effet. Et ce sont plutôt des horaires de nuit ! C’est Schwimmer aussi qui ira chercher la firme Santa Cruz pour sortir les missiles discrètement des Etats-Unis : une firme écran de la CIA liée (déjà) à Viktor Bout, Schwimmer étant aussi un des plus grands vendeurs d’armes du moment.
C’est dans ce décor historique et celui de la base d’El Toro, près d’Irvine, en Californie que tout va se jouer. Le 22 janvier 1991, un colonel va y laisser la vie, dans les opérations douteuses de la base : c’est le colonel Sabow. Que se passait-il exactement sur la base d’El-Toro pour qu’un gradé de cette trempe soit retrouvé mort dans des circonstances plus que floues (son crâne radiographié montrera une large blessure à sa base, à l’arrière, subie avant le coup de feu mortel) ? Tout simplement un trafic de drogue, doublé d’un trafic d’armes, que racontera dans le détail Robert « Tosh » Plumlee, ancien pilote de la CIA, un Plumlee ayant aussi déclaré avoir embarqué comme passager John Roselli (de son vrai nom Filippo Sacco, membre de l’Outfit de Chicago) de Tampa à Dallas au matin du sinistre 22 novembre 1963 dans une mission pour contrecarrer l’assassinat programmé de Kennedy. Bref, du lourd, comme info. Le colonel Sabow, qui venait de découvrir le trafic, en avait fait part à sa hiérarchie sans recevoir de réponse. Son intégrité lui vaudra la mort. En somme, il était le grain de sable dans l’engrenage mis en place avec toute cette organisation des avions de la Sécurité Civile locale (le Service des Forêts) transformés en transporteurs de drogue. C’est très certainement pour ça que l’homme, dont la réputation lui avait valu son surnom, sera retrouvé mort, chez lui… ce que ses proches n’accepteront jamais.
Si Sabow avait tiqué, un autre pas. Le commandant de la base, le colonel Joseph Underwood, forcément au courant ce qui s’y tramait. « Je connais bien la région. Comme jeune marin, j’ai travaillé dans un hangar de maintenance de ces énormes C-130 utilisés pour le service maritime. Même après plus de 40 ans, je me souviens encore du son distinctif des turbopropulseurs des C-130 qui me gardaient éveillé aux petites heures du matin lors des heures du service dans le hangar. David Hoffman a indiqué que le Sgt. Robinson, un ex- MP Marine d’El Toro, et le capitaine Harries, le Provost Marshall de la base, on témoigné que le colonel Joseph Underwood, le chef d’état-major, MCM d’El Toro, au sujet de l’atterrissage des C-130 à la base tard, dans la nuit, leur avait recommandé : « Gardez votre cul sur la piste d’atterrissage de nuit. Laissez-donc les avions seuls. Mais ne laissez personne s’approcher d’eux. Ne vous inquiétez pas pour eux. « Bref, le plus haut gradé de la base savait pertinemment ce qu’il en était, de ce trafic. Les avions étaient bien représentatifs en effet : ils venaient de la Mena. C’étaient nos fameux C-130 « gris » ! Comme cette enquête spéciale en profondeur le montrera, un réseau non déclaré de la CIA a été impliqué dans le trafic illicite de drogues de la région de la MENA, en Arkansas, vers des dizaines d’autres petits aéroports à travers le pays, ainsi que la vente illégale de C-130 aéronefs du Service des Forêts (voir ici l’épisode du neveu de Weldon), et le décès prématuré de journalistes d’investigation et de pilotes. Ces agents ont également été impliqués dans l’une des plus importantes opérations de trafic de drogue à se produire dans le pays, et d’armes illégales vers l’extérieur du pays ». Les fameux C-130 du Service des Forêts US, un des plus gros scandales de ces dernières années aux USA. Entre 10 et 12 C-130 achetés par le Service des Forêts comme bombardier d’eau n’ont jamais servi à cela, et le commanditaire ne les a jamais vus. Le scandale sera d’autant plus grand qu’en 1994 l’incendie du South Canyon dans le Colorado, tuera 14 pompiers, faute d’avion disponible…
Ils ne seront pas les seuls supprimés : « Tom Wade était un spécialiste en informatique qui a accédé à des dossiers confidentiels pour l’inspecteur général au cours de son enquête bidon en Janvier 1991. Il a constaté que les fichiers MWR y avaient été purgés, y compris les contrats avec les compagnies aériennes propriétaires, qui étaient soupçonnés d’être impliqués dans les acquisitions illégales de C-130 et le trafic de drogues illicites. La mort brutale de Wade reste un mystère. Il a été abattu dans la tête aux premières heures du jour de Noël 1994, alors qu’il revenait de la messe de minuit. Un collègue de Wade à El Toro, l’installeur d’ordinateurs Felix Segovia, explique : « il avait une petite fille. Il rentrait chez lui la veille de Noël de services. Il était sur le chemin de la maison pour ramasser des cadeaux à ramener à l’église … pour les donner aux enfants, et il fut accosté par un couple d’individus dans lle parking de son immeuble et on lui a tiré dans le dos de la tête, dans le plus pur style d’une exécution. Rien n’a été pris dans sa voiture. Sa fille a été laissée dans la voiture en train de pleurer. Et personne n’a rien vu. Et celui qui à 6 heures du matin, a entendu sa fille crier, n’a jamais entendu par la police. Le colonel Jerry Agenbroad a été retrouvé pendu à El Toro, le 24 février 1994, cinq jours après un reportage de 60 minutes sur les acquisitions et l’utilisation illégales de C-130. Il était en charge du MWR et avait été le chef à un moment du Musée de l’Air à El Toro ». Et ce n’était pas fini ! « Le Sergent Félix Segovia est aujourd’hui en attente de la cour martiale. Il était un ami proche de Tom Wade, et avait déposé pour un « vol important de matériel informatique » dans un rapport, après avoir constaté que des centaines de milliers de dollars d’ordinateurs, de matériel et les logiciels étaient absents de la base d’ El Toro ». Des ordinateurs contenant sans nul doute des données compromettantes.
Un homme tentera bien de dénoncer tout cet immonde trafic de drogue et d’armes : le sénateur Dennis DeConcini, un démocrate d’Arizona, qui siégera au Comité du Sénat sur le Renseignement de 1987 jusqu’à sa retraite en 1995. DeConcini finira par avouer qu’il craignait pour la vie de sa famille, en s’étant à plusieurs reprises opposé au directeur de la CIA, James Woolsey.
Drogue, armes etc : en 1993, à Marana également s’entrainaient de drôles de sbires pourtant …. des « pompiers sauteurs », ce que nous verrons demain si vous le voulez bien.
Les conditions du meurtre de Sabow :
http://911truth.wetpaint.com/page/T…
l’histoire résumée : http://www.salem-news.com/articles/…
l’histoire complète : http://colonelsabow.com/home.html